Je t'écris ma femme adorée
Sur mes genoux ces
quelques mots
Je suis là-bas dans la tranchée
Peinant c'est vrai
mais sain et sauf
Je ne puis te dire où j'habite
La censure me le défend
Un trou
d'obus me sert de gîte
J'y suis à l'aise en attendant
Demain nous attaquons les Boches
Près du grand bois au petit jour
Comme le grand moment est proche
Je suis fier que ce soit mon tour
Dans quelques heures la mitraille
Dans les rangs sèmera l'effroi
Mais au milieu de la bataille
Mon cœur tressaillira de toi
Ne crains rien ma chère vaillante
Je fais mon devoir de soldat
Sèche tes yeux et souriante
Espère en l'issue du combat
Au revoir et sois toujours bonne
Embrasse bien nos chers enfants
Prends ce baiser je te le donne
En signant Jean qui t'aime tant
Commentaires
Que l'on soit amateur ou non, ce texte demeure touchant
et, malgré ses accents simplistes, ne tombe pas dans le ridicule contrairement à une lettre similaire écrite par
Théodore Botrel au cours de la guerre 14-18 :
Je vous écris, ma cher' maman
Durant que, pour un bon moment,
Notre section est bien cachée
Dans la tranchée !
Tous pas bileux, tous bons copains,
On est là comm' des p'tits lapins
- Face aux Pruscots - toute un' nichée
Dans la tranchée !
C'est vraiment l'p'tit trou pas cher
Y'a pas à dir', c'est la grande air
Quoiqu' la vue soit un peu bouchée
Dans la tranchée !
Mais, par l'ochestr' d'un casino
Par les tzigan's ou le piano
On n'a pas l'oreille écorchée
Dans la
tranchée !
Nos "75", nos "Rimalhos"
Nous berçant à leur trémolos
On rêve à la Franc' revanchée
Dans la
tranchée !
Dès qu'apparaît le quart seul'ment
De la moitié d'un' gueule d'All'mand
Nous la rentrons très amochée
Dans la
tranchée !
Alors commec'nt sempiternels
Les arrosages de leurs schrapnels
La terre en est toute jonchée
Dans la
tranchée !
Nous rigolons dans nos clapiers
Qu'ell' collection de press'-papiers
Pour le retour sera pêchée
Dans la
tranchée !
L'un d'nous est mort - et mort joyeux -
En s'écriant : "Tout est a mieux
Voilà ma tomb' toute piochée
Dans la
tranchée !"
Le sergent - qu'est curé - lui dit :
"Repose en paix, héros béni
Sur qui la Gloire s'est penchée
Dans la
tranchée !"
"Nous te veng'rons, nous l'jurons tous
Car la victoire est avec nous :
Elle mont' la gard' près d'nous couchée
Dans la
tranchée !"