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Julia Baron


nterprète née Julie Badin le 19 décembre 1840, à Coulanges-sur-Yonne (89 - Yonne). Elle débuta comédienne en jouant des petits rôles avant de se faire connaître en 1865 dans celui de Giroflée dans la Biche au Bois à la Porte Saint-Martin. Elle passa ensuite aux Bouffes-Parisiens où elle joua dans la revue de la fin de l'année 1866 chantant un air qui allait assurer sa pérennité, "Suivez-moi jeune homme". Hervé la remarque et la fait passer en vedette aux Folies Dramatiques. Au Palais Royal qui ouvrait sa salle à Offenbach, elle tint le rôle en 1868, de Metella dans la reprise de La Vie Parisienne.

En octobre 1869, elle reprend, toujours dans La Vie Parisienne, le rôle, cette fois, de la baronne. A partir du 14 janvier 1874, elle se retire du théâtre. (Source : Félix Jahyer dans Paris-Théâtre - 9 au 15 septembre 1875 - page 2);En 1876, elle se retire à Accolay (89 - Yonne) et s'y marie. Veuve en 1885, elle se remarie à Nantes (44 - Loire Inférieure aujourd'hui 44 - Loire Atlantique) en 1888 avec Edmond Sellier (frère du ténor Henri Sellier). Elle meurt à Cannes (06 - Alpes-Maritimes) le 14 avril 1906. Plus d'informations,de détails et de photographies dans la notice publiée ci-dessous et disponible au format PDF, rédigée par notre amie corédactrice Claire Simon-Boidot.

Ajout du 21 novembre 2024

Nous publions ci-dessous l'intégralité de la note biographique résumant les recherches menées et les informations trouvées par Claire Simon-Boidot qui a eu la sympathie de la partager avec nous :


Julia Baron
(Née Julie Badin ; Coulanges-sur-Yonne, 1840 - Cannes, 1906)

Julia Baron fut une comédienne aussi connue pour son physique et
ses relations masculines que pour son talent artistique... Elle était la sœur
aînée de Léonie Baron, à la carrière moins prestigieuse, mais
supérieurement courtisane au point d’être fichée par la police des mœurs [1]

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[1] Fiche n°221, d’après HOUBRE (Gabrielle), Le livre des courtisanes, archives secrètes de la police des moeurs, Paris, 2006, p. 241. En janvier 1873, date de la fiche, Léonie Baron a 25 ans selon la police. Julia Baron, quant à elle, est citée à la p. 478 de ce même ouvrage.

La carrière de Julia Baron est résumée dans diverses biographies [2] et l’on connaît de nombreuses photos d’elle en costume de scène, soit dans les collections parisiennes de Carnavalet [3], soit sur les sites marchands .[4] Ces anciens tirages indiquent au verso qu’elle se nommait réellement "Jenny Boudin". Or, les sources généalogiques ne mènent vers aucune Jenny Boudin. Quel était son vrai patronyme qui permettrait de retrouver ses dates et lieux de naissance et de décès ? La presse ancienne rapporte plusieurs anecdotes à son sujet (chevaux reçus en cadeau mais non payés par le donataire [5] ; vol de bijou à l’arrachée [6]), en particulier des démêlés judiciaires : l’un avec son coiffeur,
auquel elle devait une forte somme d’argent et qui s’était remboursé en
détournant à son profit une livraison de vin destinée à l’artiste. L’autre
avec le directeur du théâtre des Folies-Dramatiques. Dans le premier elle
est dénommée Jenny Baudin [7] et dans le second, son pseudonyme seul est
indiqué [8].
Pourtant son patronyme correct est avancé dès 1869 : "Le Petit Marseillais dévoile, sous la signature de maxime Aubray, une foule de pseudonyme contemporains : en voici quelques uns : [...] MademoiselleJulie Baron, qui a créé le fameux Œil crevé, se nomme Julie Badin."[9]
Le nom de ses amants et des somptueux cadeaux qui lui furent faits (dont un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine), ne sont pas de grand intérêt aujourd’hui.

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[2]T.G. , "Julia Baron" dans L’Album des théâtres (1 novembre 1867), [p. 17/147] ; BUGUET
(Henry), "Julia Baron » dans Foyers et coulisses, tome 4 : Palais Royal, Paris, 1874, pp. 69-71 ;
JAHYER (Félix), "Julia Baron » dans Paris-Théâtre (9 septembre 1875), pp. 1-2.
[3] https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/recherche?keywords=Julia Baron3
[4] Ebay par exemple.
[5] Le Gaulois, littéraire et politique (11 janvier 1896), p. 2.
[6] Le Petit Journal (24 décembre 1871), p. 3.
[7] Le monde illustré (21 avril 1860), p. 270.
[8] La Liberté (8 février 1868),8
[9] Akhbar : journal de l’Algérie (8 juillet 1869), [p. 3].

Le Dictionnaire des pseudonymes la décrit ainsi : "jolie actrice des Folies-Dramatiques, à qui une folie insensée d’Hervé, l’Œil crevé, a donné un moment de demi-célébrité. Elle est née Badin (Julie), en 1844" .[10]
Si l’on en croit le Dictionnaires de Comédiens, ceux d’hier, elle serait née à Paris vers 1836. Mais une autre publication la donne nantaise [11] ! Ce même Dictionnaire des Comédiens fournit une liste assez complète de ses engagements et de ses rôles [12]. Il est précisé que, vers 1875, elle renonça au théâtre et rentra dans la vie privée.
En effet, dès 1874, les entrefilets se bousculent qui annoncent un engagement en Russie puis un mariage : "Mme Baron, la charmante Tulipia du Magot, va quitter, malgré ce succès, le Palais-Royal et partira pour la Russie aux appointements de 6 000 francs par mois." [13] Ou encore :"Mlle Julia Baron part demain pour St Petersbourg où l’appelle un engagement de trois mois, le temps de faire une partie de traîneau sur la Neva et de revenir au Palais-Royal avec une rivière... de diamants."[14]
"On annonce le mariage Mlle Julia Baron avec un acteur du nom de Vilmer. Si, comme le dit le proverbe, le feu purifie tout, le mari de Mlle Baron ne risque rien que de brûler les planches." [15]
Apparemment, Julia Baron a été, à St Petersbourg, fidèle à son image : "Le temps n’a pas tenu les promesses que nous avaient faites les quelques beaux jours de soleil que nous avons eu au commencement de la semaine passée. Il pleut continuellement, ce qui ’empêche pas tous les habitants aisés de Saint-Pétersbourg de partir pour la campagne ; ce qui n’empêche pas non plus les concerts Arban, l’Etablissement des Eaux Minérales aux îles et le Jardin Demidoff d’être chaque soir remplis de

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[10] d’HEYLLI (Georges), Dictionnaire des pseudonymes, 2ème éd., Paris, 1869, p. 25 ; dans
l’édition de 1887, p. 35, le texte est modifié comme suit : "ancienne actrice des Folies-
Dramatiques, des Bouffes et du Palais-Royal. Elle a dû un moment de célébrité à sa création du
rôle de Fleur-de-noblesse dans l’Œil crevé, folie musicale d’Hervé (octobre 1867) - Née Julie
badin en 1844, elle a quitté définitivement le théâtre en 1874 ».
[11] L’Union Libérale (28 décembre 1871), p. 3. Entrefilet à l’occasion du vol de son bijou.11
[12] LYONNET (Henry), Dictionnaire des comédiens Français, ceux d’hier, vol. 1 : A-D, Genève, s.d.,12
pp. 95-96.
[13] L’Evénement (17 janvier 1874), p. 4.13
[14]La Liberté (31 mars 1874), p. 4.14
[15]Le Tintamarre (27 septembre 1874), p. 4

monde. A propos, Julia Baron a débuté à ce jardin-concert, et dans une toilette des plus ébouriffantes. Ce n’était que paillettes de jais blanc, scintillant à la clarté de la rampe, et profusion de diamants autour du cou, aux oreilles, aux bras, au corsage, sur la tête, partout enfin. Néanmoins... quel four ! La pauvre fille, - c’est une manière de parler, puisqu’elle assure qu’elle a quatre cent mille francs de placés en France, - a laissé sa voix, si
elle en a jamais eu, en chemin de fer." [16]
S’il n’y a pas de trace d’un mariage avec un Vilmer, quel qu’ait été le vrai patronyme de ce "comique du Palais-Royal", en revanche, la vente des biens de l’actrice, au printemps 1875, défraie la chronique :


Pour cause du départ de Mlle Julia Baron, artiste dramatique, vente de bijoux, rivières et parures en brillants, perles fines et pierres de couleur. Argenterie, plaqué, dentelles, garde-robe, linge, porcelaine de la Chine et du Japon, de Sèvres et de Saxe, faïences anciennes, tableaux, bronzes d’art. Meubles riches de KRIEGER, bronzes d’ameublement, billard,
meubles anciens, glaces de Venise. En l’hôtel des Ventes, rue Drouot." [17]

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[16] Le Soir (26 juin 1874), p. 4.16
[17] Le pays : journal des volonté de la France (11 mars 1875), [p. 4]

Les résultats de la vente sont même connus : "La vente des objets mobiliers et de toilette de Mlle Julia Baron a été terminée hier à la salle des ventes de la rue Drouot, après avoir duré six jours. Le total s’élève à près de 100 000 francs. En revanche, la vente des livres ayant composé la bibliothèque de notre regretté confrère Paul Foucher n’a produit que
5 000 francs » .[18]
Cette vente questionne la presse sur les raison qui y ont conduit...
Elle se demande si elle résulte de dettes à rembourser suite à la faillite d’un changeur ou à un mariage. L’hypothèse d’une prise de voile n’est indiquée que de façon ironique... : "La Faillite du changeur Monteaux n’a pas seulement éprouvé dans le monde artistique M. Delannoy ; elle a aussi touché Mlle Julia Baron, l’actrice du Palais-Royal. Est-ce pour réparer en espèces sonnantes ce désastre, dont nous ignorons le chiffre ? mais
d’immenses affiches, où le nom de l’artiste s’étale gros comme cela, annoncent la vente des bijoux, des meubles, des vêtements et des voitures de Mlle Julia Baron, qui vendrait aussi son hôtel. Qu’est-ce que cela signifie ? On avait parlé jadis de mariage. La question deviendrait-elle réalité ? Car nous ne voulons pas croire que Mlle Julia Baron, renonçant à
Satan, à ses pompes et au théâtre du Palais-Royal, ait formé projet de
prendre le voile." [19] Même le Figaro évoque un départ en Russie : "On
nous affirme que Mlle Baron, fatiguée du luxe, dégoûtée des applaudissements, se retire dans un couvent. Nous avons peine à croire à une fin si prosaïque : nous croyons plutôt à un long voyage en Russie."[20]
Cette brusque disparition de la vie publique ne la fait pas totalement oublier : "Vous souvient-il d’une grosse jolie blonde qui eut son heure de célébrité sur nos théâtres de genre ? Nous voulons parler de Julia Baron. Hélas ! Elle ne paraît plus disposée à chanter, à rire en montrant ses belles dents au public. La folle actrice s’est rangée. Encore une à la mer !
Elle a vendu ses splendides propriétés du Vésinet et de Neuilly-sur-Seine...
et s’est mariée. Elle doit être aujourd’hui châtelaine dans le Bourbonnais." [21]

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[18] La Liberté (22 mars 1875), [p. 2].
[19]L’Evénement (15 mars 1875), p. 1.
[20]Le Figaro (13 mars 1875), p. 2.
[21]Le Figaro (21 février 1876), p. 3.


Un journaliste, traitant, dans la rubrique "gazette des tribunaux", des interrogatoires menés au cours du jugement de la faillite des changeurs Monteaux et Rodrigues, évoque le témoignage de Julia Baron. Celle-ci ne s’est pas présentée au tribunal, sur certificat médical, mais sa déposition a été lue par le substitut. "Il résulte de cette déposition que Mlle Julia Baron, qu’on disait retirée dans un couvent, est tout simplement en train de
vivre de ses rentes à la campagne, à Accolay, près d’Auxerre. Le bruit court qu’elle est mariée."[22] C’est cette source qui va permettre de retrouver la célèbre actrice, bien qu’il n’existe aucun acte d’état civil indiquant son ancien métier. En effet, on retrouve le mariage de Mlle Julie Badin dans les registres de la commune d’Accolay... Et heureusement car,
si l’on devait en croire l’article du Figaro, elle aurait 29 ans en 1876 et serait donc née en 1847, ce qui est faux. Mais, si l’on en croit les fiches d’inscription des chanteuses de café concert à la mutuelles des artistes (MAPS), ces dames avaient une fâcheuse tendance de se rajeunir !

Julie Badin se marie donc à Accolay (Yonne), le 3 mai 1876 avec James Bensa, sujet né de père russe et de mère anglaise à St Pétersbourg le 6 mai 1845. Julie, quant à elle, est née le 19 décembre 1840, à Coulanges- sur-Yonne d’un père flotteur. Elle est l’aînée de cinq enfants et la seule à naître en Province, tous ses frères et sœurs venant au monde à Paris, d’où la méprise possible d’une origine parisienne. Julie Badin a une sœur prénommée Léonie Léontine, née en 1849 à Paris (voir infra). Veuve le 3 septembre 1885, Julie se remarie à Nantes (d’où la source d’une origine nantaise ?) le 10 octobre 1888 avec Edmond Sellier, le frère du ténor Henri Sellier (1848-1899). Le même jour, juste après elle, Léonie - sa sœur - épouse un autre frère Sellier : Adolphe Clément Ferdinand ! Julie meurt à Cannes le 14 avril 1906. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse à Paris, en 1906, "corps venant de Cannes par le 6ème arrondissement », selon les registres du cimetière.

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[22] Le Figaro (2 mars 1876), p. 3.

Léonie Léontine Badin : une autre histoire Paris, 1849 ; Châtel-Guyon, 1922) La sœur de Julia Badin, Léonie Baron à la scène, se marie à Nantes le 8 octobre 1888. Elle épouse elle aussi un fils Sellier, frère du ténor Henri Sellier. Son acte de mariage la donne née à Paris le 23 octobre 1853. Comme on le sait, les actes d’état civil de la ville de Paris antérieurs à 1860 ont brûlé pendant la Commune. Or, ces actes ont été en partie reconstitués soit à l’initiative des concernés -qui fournissaient un certificat de baptême, un billet d’inhumation, etc. - soit grâce à divers documents : caisse Lafarge, extraits de registres ou actes de notoriété en possession des notaires. Curieusement, il existe deux actes de naissance reconstitués pour Léonie Badin... L’un est au nom de Léonie Léontine, née le 24 octobre 1849 et le second, au nom de Léonie née le 30 octobre 1849. Le premier a été reconstitué sur la base d’un extrait du registre des naissances du 1er arrondissement de Paris. On y apprend que Jean-Baptiste Badin, désormais garçon de chantier, déclare la naissance à son domicile le 24 octobre 1849 à une heure du matin d’une fille de lui déclarant et de son épouse Victorine Pieuchot, mariés à Coulanges-sur-Yonne. L’enfant a été prénommé Léonie Léontine.

Le second a été reconstitué sur la base d’un certificat de baptême délivré le 15 février 1873 par la paroisse St Philippe de Paris. Selon ce dernier, Léonie, fille de Jean-Baptiste Jules Badin et de Victorine Piochot a été baptisée le 11 novembre 1849. Elle était née le 30 octobre précédent... On comprendra sans difficulté que Jean-Baptiste Badin et Victorine Piochot/Pieuchot ne peuvent pas être les parents de deux Léonie nées à sept jours d’intervalle...

Par ailleurs, la date de naissance de Léonie (pour rappel 23 octobre 1853) sur son acte de mariage est validée sur la foi d’un certificat de notoriété obtenu le 22 juillet 1887 et homologué par le tribunal civil de la Seine le 10 août suivant. On ignore sur quelles preuves la date a été validée...

De plus, la fiche 221 de la police des mœurs est datée de 1873 et donne 25 ans à Léonie, ce qui placerait sa naissance en 1848. Pour finir, la photo Carnavalet Ph-46781 qui montre les deux sœurs actrices côte à côte ne plaide pas pour une différence d’âge de 13 ans (1840 vs 1853). Un écart de 9 neuf ans semble plus probable (1840 vs 1849). On en déduit que Léonie Léontine est vraisemblablement née au 1er arrondissement de Paris dans la nuit du 23 au 24 octobre 1849. Son baptême a dû se tenir le 11 novembre de la même année et on aura triché
auprès du curé sur la date de naissance réelle. Quant à la date de naissance donnée pour le mariage, elle manifeste clairement une volonté de se rajeunir ! Ce "mensonge" (à peine un ajustement de pure coquetterie avec la vérité ?) perdure jusque dans la mort puisque la table des successions et absence de Riom (Puy-de-Dôme), qui appelle Leonie Léontine "Louise Léonie », place son décès à Châtel-Guyon le 5 février 1922 et lui donne 68 ans (née vers 1854), épouse de Sellier Adolphe. D’après les registres des cimetières, elle a été inhumée au cimetière du Montparnasse le 10 février 1922.

Claire Simon-Boidot
20 novembre 2024