Fac-similé
[1] Monsieur Jean-François Chariot, webmestre d'un site consacré à Polin, nous informe que cet article serait paru dans "La liberté" du 23 septembre 1927.
[2] Voir : Mayol - Mémoires - Chapitre 6
[3] Le papier à lettre de Mayol (sous l'article) indique : 37, Faubourg Saint-Denis, Paris 10e.
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Mayol
UNE LETTRE INÉDITE
Historique
Nous n'avons pu retrouver qui est ce "J. F." qui a signé l'article auquel
Mayol se réfère dans cette lettre, ni le journal dans lequel cet article est paru [1]. - Mayol en a joint une copie à sa lettre.
Ce que l'on sait, c'est que cette lettre fut adressée à Jean Bernard, historiographe de Paris, auteur de "La vie de Paris" (paru en 1927).
Des recoupages à partir d'informations au verso de l'article nous permettent de le situer aux environs de septembre 1926 (voir la note [2] ci-contre).
Mayol répond à une demande de renseignements de Jean Bernard.
Cette lettre est conservée au Musée des Arts et Traditions Populaires, à Paris.
Le texte
a) l'article auquel Mayol fait référence
(les mots entre crochets sont de Mayol [rajoutés à la main])
"La curieuse histoire du petit habit de Mayol
Dans le magasin des costumes des Folies Bergère de Rouen, installées dans l'Île Lacroix - il ne s'agit pas pour cela d'une scène inférieure ! - il y a un petit habit qui n'a pas l'air de grand'chose et qui pourtant a son histoire... C'est un vêtement de clown noir bordé d'ue par4ements verts et garni de brins de muguet. Vestige usé et poussiéreux d'un soir de music-hall défunt, mais qui marqua une date, il git entre un tutu de danseuse et un manteau de mousquetaire. Il ne peut espérer sortir, tant il est vieilli désormais, qu'à l'occasion de quelque mardi-gras, jour de location de costumes.
L'histoire de ce petit habit est brève mais ce n'est pas si mal, car beaucoup de ces habits n'ont pas d'histoire... Elle ne date pas d'hier. Elle nous reporte au soir où Mayol monta pour la première fois sur une scène, la scène des Folies Bergère de Rouen, où il chanta sa première chanson. Il avait endossé avec émotion le petit costume de clown noir. Il obtint avec lui un gentil succès mais il ne lui en fut pas reconnaissant, car il le laissa à son départ au magasin de l'établissement.
Pourtant Mayol n'oublia pas l'habit qu'il avait porté pour ses débuts. C'est lui qui lui donna l'idée d'arborer du muguet à sa boutonnière. Bien longtemps après - il y a six ans - l'artiste revint aux Folies Bergère de Rouen et le sympathique directeur M. Marcel Guisard, lui montra son ancien costume.
- Je me rappelle, dit-il. [Pas vrai]
Mayol se souvint peut-être aussi que lorsqu'il quitta le théâtre après ses premiers débuts, on inscrivit à son sujet sur le registre de la maison : "Bon petit chanteur". [C'est vrai]
Cela lui porta chance. Mais un autre artiste, dont le succès est plus récent et qui débuta également à Rouen, et qui touche actuellement à Paris des cachets de 6.000 francs par soirée, fut moins heureux. "Aucun avenir" nota-t-on sur le livre ! Ce chevalier du music-hall gagnait alors 20 francs par semaine...
Il est vrai que le franc valait vingt sous ! - J.F."
b) La réponse de Mayol
"Cher Monsieur et Ami,
Voici les renseignements que vous me demandez.
La première fois, c'est à Toulon, mon pays natal. Au Gr. Th. Municip. où j'ai joué les rôles d'enfant. J'avais 6 ans et j'ai tenu l'emploi jusqu'à 11 jusqu'à la mort de ma mère. Ensuite ce fut encore à Toulon au Music Hall Casino en 1892. J'avais 20 ans. À Rouen, aux Folies Bergère, j'avais 22 ans. J'avais déjà paru à Toulouse, Grenoble, Lyon, Bordeaux et par conséquent je ne débutais pas dans la chanson ! Après avoir imité Paulus, j'ai imité Mévis qui chantait en Pierrot et c'est de cela sans doute qu'on se rappelle à Rouen mais je n'étais pas en clown. J'étais en Pierrot de Montmartre. Habit noir, culotte courte, serre-tête, bas noir sauf la collerette [sic] et la figure blanche. J'avais trouvé ce moyen pour impressionner le public et me faire écouter car je n'ai jamais eu beaucoup de voix et je chantais des choses intelligentes autant que possible. - Je gagnais 300 f. par mois et vous pensez bien que je n'aurais pas laissé mon habit au magasin de costumier. Je n'avais pas le sou.
Ce Mr Marcel Guisard que je ne connais pas, veut se faire connaître sans doute en racontant qu'il m'a montré un habit clown que je n'ai jamais vu. Quant au muguet c'est après en débarquant à Paris, à la Gare St Lazare le 1er mai on vendait le muguet porte-bonheur 2 sous et une camarade Jenny Cook [2] qui était venue m'attendre m'en offrit un bouquet pour ma chance car je venais auditionner au
Concert Parisien. Je le mis à ma boutonnière et je fus engagé par Mr. Dorfeuil un bien brave homme. C'est en 1896-98 je crois que vous m'avez présenté à la Bodinière [*]. Ce muguet a porté bonheur à d'autres, aussi, car le Concert Parisien qui est devenu en 1910 le Concert Mayol appartient aujourd'hui à Mr Dufrenne le Roi des Directeurs de music-hall qui y fit ses début en directeur de music-hall en 1914. À l'époque, c'était la Guerre et je croyais que c'était fini et qu'on ne chanterait plus jamais. Je le vendis 200.000 f. payables par année (en 6 ans)
Recevez, cher ami, une cordiale poignée de mains de votre tout dévoué
Félix Mayol Clos Mayol" [3]
[*] Sarcey avait écrit : retenez ce nom : Mayol
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