Parodie du "Train fatal" de Charles Louis Pothier (Musique de
Charles Borel-Clerc) interprétée par Bérard (en 1916), le "Train fatal" est un des sommets de Georgius.
Paroles
Le jeune conducteur du train de marchandises
Qui va de Saint-Brieuc jusqu'à Romorentin,
Transportant du charbon, du poisson, des cerises,
Ce conducteur disait : "J'avais le gros béguin
Pour la garde-barrière de Bouilladin-Sur-Grive."
Et chaque fois qu'il passait au passage à niveau
Hop ! Il ralentissait sa grosse locomotive
Pour lui chanter cet air issu de son cerveau :
"Roule, roule, mon joli train
Je sens rouler aussi mon âme et ma cervelle
Grince, grince, grincez mes freins
Je sens grincer mon cœur pour toi, pour toi, ma belle."
N'pouvant lui jeter des fleurs, il lui jetait du charbon...
Tandis que rougissante, elle comptait les wagons.
"Roule, roule, roule toujours
Roule et grince, beau train d'amour...."
Un matin qu'il
filait à vingt-et-un à l'heure
Il pensait : " La fortune sourit aux audacieux."
Au passage à niveau, là, devant sa demeure,
Il stoppa, descendit et dit l'œil comateux :
"Je vous aime, je vous veux, je ferais des bêtises."
Elle restait pantelante. Il reprit : "Croyez-moi.
Nous irons à Paris, sur mon train de marchandises."
Elle oublia de fermer sa barrière en bois.
Roule, roule train pas pressé
Et là-bas sur la route le drame se développe.
Grince, grince, train mal graissé.
Une petite rosingare conduite par un vieux myope
S'engouffre dans le passage pulvérisant le train...
Mais sans se rendre compte continue son chemin
Roule, roule, train de malheur
Roule tête du conducteur.
D'un chaos de
wagons, le talus se tapissent
De cerises, de charbon, des pieds du conducteur.
Un crie monte : ce sont les poissons qui gémissent
Et la garde-barrière sanglote de terreur.
Nouvelle Salomé, elle court, elle saute
Ramasse la petite tête de son cher adoré.
Elle besotte ses moustaches lui disant : "C'est ma faute
Si t'es mort en service et le train défoncé."
Roule, roule train de malheur
Maintenant le tocsin sonne dans les villages
Grince, grince train de mon cœur
De partout on accourt, elle pousse un cri sauvage.
Après bien des recherches au bout d'une heure ou deux
On la retrouva morte dans le wagon de queue
Roule, roule, train de ferraille
Elle avait avalé... un rail[*].
Note [*] : Il existe une autre version de ces quatre derniers vers :
"Et maintenant la pauvre foll' qu'on aperçoit
Les soirs d'hiver cherchant sa voix le long des voies
C'est ell', c'est ell' la garde-barrière
Elle pass' les rails au papier d'verre !"