Avec son épouse Betty, Georges Ulmer posa
ses valises dans le Haut-de-Cagnes, ouvrant
un restaurant qui accueillit de 1960 à 1966
les plus grands noms du show-business,
des arts et des lettres.
Georges Ulmer
orgen Ulmer est né à Copenhague (Danemark), le 16 Février 1919 . Son père, sculpteur, décède en 1921 et sa mère, pour des raisons de santé, s'installe avec son fils à Palma de Majorque (Espagne). Le jeune Georges s'intéresse très tôt à la boxe, au dessin et à l'étude des langues étrangères dès son retour d'un séjour aux Etats Unis ce qui sera, quelques années plus tard, son inspiration puisée dans la musique et la culture américaine.
En 1938 le régime de Franco l'oblige à revenir en France et c'est à Perpignan (66 - Pyrénées-Orientales) qu'il va d'abord exercer plusieurs petits métiers et se retrouver guitariste-chanteur dans un bar où le chef d'orchestre Fred Adison le remarque et l'engage pour une tournée en zone libre, puis à Nice (06 - Alpes-Maritimes) au Casino Municipal (qui n'existe plus d'ailleurs) et à l'Ecrin. Georges Ulmer écrit alors ses premières chansons "Marie" (petit béguin du mois de mai), "Si tu savais", "Bing" (vieux cheval de gaucho) et surtout "J'ai changé ma voiture contre une jeep" à la gloire de l'armée Leclerc qui va bientôt délivrer Paris.
Toujours influencé par les rythmes des orchestres américains, le cinéma et les westerns vus et entendus à Cincinatti, il compose "Quand allons-nous nous marier ?" chanson ô combien réussie et pleine d'humour des films de cow-boys et reprise par d'autres chanteurs par la suite. Georges Ulmer présente ses chansons à Paris à l'A.B.C. en 1944 et remporte un véritable triomphe pleinement justifié : voix moderne grave et timbrée avec cet accent et cette diction si caractéristiques, de la sensibilité, de la fantaisie et du charme à revendre, un physique et une présence scénique indiscutables, tous les atouts sont réunis et le public ne s'y trompe pas. Tout comme
Fred Adison qui a découvert de nombreux talents.
Les premiers disques sont gravés chez la marque de disques Columbia en Avril 1945, il est accompagné par l'orchestre de Jacques Hélian, lui aussi à la conquête de la gloire. En quelques mois Georges Ulmer est promu au rang des grandes vedettes de la chanson. Les galas, cabarets, music-halls se succèdent à un rythme effréné jusqu'en 1946, année au cours de laquelle il enregistre "Pigalle" (écrite et déposée à la SACEM en 1945) qui va devenir rapidement son titre référence et un succès mondial repris dans toutes les langues. Ecrite en collaboration avec Géo Koger pour les paroles, musique de Georges Ulmer, cette chanson est un véritable chef d'œuvre d'observation, tableau vivant ou toute la faune diurne et nocturne d'un Pigalle aujourd'hui révolu est décrite avec la plus grande minutie et sans la moindre omission. Le triomphe immédiat de"Pigalle" n'éclipsera pas toutefois les autres chansons enregistrées dans la même séance le 18 Avril 1946 et si aujourd'hui "Un petit bout de femme" n'est plus dans toutes les mémoires, tout le monde par contre se souvient de "C'est loin tout ça". On se demande ce que pourrait écrire aujourd'hui Georges Ulmer s'il devait ajouter un troisième couplet-refrain à sa chanson pour évoquer les problèmes et les mœurs de la jeunesse actuelle ?
Toujours en 1946, Georges Ulmer enregistre "J'ai bu" qui, exceptionnellement, n'est pas de sa composition mais de Roche et Aznavour, duettistes alors débutants et c'est avec cette chanson qu'il remporte le
Grand Prix du Disque."Goût de miel" est l'une des chansons tendres et intimistes de son répertoire tout comme "Si tu savais" enregistrée une première fois en Avril 1947, inédite à l'époque. C'est Philippe Bouilly qui mérite nos remerciements, pour avoir mis à la disposition de la maison d'édition cet enregistrement, à l'état d'épreuve ainsi que "Mon complet neuf" que fort peu de personnes ont la chance de posséder. L'on peut se poser la question : pour quelles raisons ces deux enregistrements ne furent-ils pas publiés en 1947 ? La version commercialisée de "Si tu savais" sera celle de la séance d'enregistrement du 3 Juillet 1951.
En 1946, Georges Ulmer est à Bobino pour l'opérette On a volé une étoile (fantaisie policière de Jean Valmy et Géo Koger sur un scénario de Fernand Sardou. Malgré le talent de Georges Ulmer et celui de sa partenaire Josette Daydé qui tente de succéder à Irène de Trebert avec beaucoup de grâce et une meilleure voix, cette opérette n'a pas les faveurs du public. (c'est toujours le public qui décide). Ce qu'il faut noter,a contrario, quelques chansons de cette opérette auront un énorme succès à la radio : "Nuits de Paris", "Moi je fais des chansons" et surtout "Hôtel des artistes" et réaliseront une bonne vente de disques. Quel don d'observation, quel réalisme et quel souci du détail pour décrire cet hôtel miteux habité par des artistes sans talent ou malchanceux ! Ce qui s'explique par le fait que c'est dans l'un de ces hôtels de Pigalle que Georges Ulmer a vécu quelques temps à son arrivée à Paris. C'est certainement aussi dans ce même hôtel qu'il a croisé ce violoncelliste raté qui joue imperturbablement de la contrebasse dans une brasserie de second ordre, d'où la chanson "Il jouait de la contrebasse" ; détails pittoresques, sens aigu de la mise en scène des personnages, chaque chanson est une petite comédie, un petit drame mais toujours avec un petit clin d'œil ironique et surtout une grande note d'espoir. Il faut écouter avec quelle émotion, avec quelle nostalgie Georges Ulmer parle des rues parcourues dans son enfance à Copenhague. En peu de temps, Georges Ulmer va devenir le plus brillant fantaisiste, mime aux mille expressions, imitateur, comédien-metteur en scène pour "Un monsieur attendait". C'est un artiste aux dons multiples et il parcourt le monde avec toutes ses chansons, les Etats Unis en particulier, triomphant pendant deux mois en 1949 au Versailles de New York où il côtoie les plus grandes stars américaines : Franck Sinatra, Gene Kelly, Bop Hope, Louis Armstrong, Bing Crosby qu'il imite d'ailleurs à la perfection tout comme Al Jolson ou Johnny Ray ou encore le chanteur argentin ou le chanteur cow-boy. Quel don !
En 1946, Georges Ulmer épouse Betty Gola, chanteuse qu'il a rencontrée à Nice en 1943. Avec elle il enregistra en 1952 "L'amour et l'argent" et en 1954 "Tu l'as regardée" ce qui l'incitera à récidiver et à enregistrer en duo "Viens, viens Madeleine" avec Arletty, "Quelle soirée" avec Elise Vallée, "Qu'est-ce que tu prends ?" et "C'est un au revoir" avec Mick Micheyl.
De son union avec Betty naîtront deux enfants : Eric (né en 1947) et Laura (née en 1948) qui fera une brève carrière dans la chanson en enregistrant trois 45 tours chez Barclay, qui épousera le comédien
Jean-Claude Dauphin et deviendra hôtesse de l'air chez Air France.
Malgré son talent indiscutable de comédien Georges Ulmer fera peu de cinéma : il apparaît dans Paris chante toujours en 1952 le temps de chanter"Pigalle"; il incarne deux personnages inquiétants avec "Hello Dick" dans La route du Bonheur en 1953 et dans Une balle suffit de Jean Sacha en 1954, il tient le premier rôle dans cette comédie policière prétexte à chansons.
Tout en continuant à enregistrer chez Columbia entre 1950 et 1955, Georges Ulmer ne peut rester sans voyager (on aurait pu le surnommer le vagabond de la chanson) et fait le tour du monde, souvent en Amérique du Sud et se fait un peu oublier à Paris. C'est d'ailleurs une excellente stratégie que beaucoup de chanteurs emploient toujours.
En 1957, Georges Ulmer fait une brillante rentrée à l'Alhambra où, entouré de Jack Gautier et de l'excellent orchestre d'Hubert Rostaing, il chante, imite, parodie, mime, dévoilant une fois encore les mille facettes de son immense talent. Exceptionnellement doué mais beaucoup moins travailleur et ambitieux qu'Yves Montand, Georges Ulmer, nomade paresseux ne parviendra jamais à la gloire de ce dernier. Mais cela ne le rendra pas envieux pour autant et gardera sa bonne humeur.
En 1960 il quitte Paris pour s'installer dans le Midi de la France. Tout d'abord à Marseille, puis Ajaccio où il anime différents cabarets et enfin Cagnes sur Mer (06 - Alpes-Maritimes) où il dirige avec sa femme un restaurant à leur enseigne "Chez les Ulmer". Il y chante occasionnellement mais semble déjà amorcer une semi-retraite. Il reviendra toutefois à Paris vers 1970 pour animer pendant un mois à la télévision Midi Magazine en remplacement de Jacques Martin et chanter à La tête de l'art.
Il fait ses adieux à la scène en 1981 à Copenhague après s'être vu décerner la Médaille de l'Ordre du Dannebrog par la Reine du Danemark.
Victime de plusieurs infarctus, Georges Ulmer se retire à Marseille (13 - Bouches du Rhône) où il décède le 29 Septembre 1989 à soixante-dix ans.
Discographie
Orchestre direction Jacques Hélian
Date
Matrice
Titre
Disque
10 avril 1945
CL 7964-1
"Quand allons-nous nous marier ?"
Columbia DF 3006
BF 229
CL 7966-1
"Bing" (Vieux cheval de gaucho)
Columbia DF 3007
CL 7967-1
"Marie" (Petit béguin du mois de mai)
Columbia DF 3006
BF 229
CL 7968-1
"J'ai changé ma voiture contre une jeep"
Columbia DF 3007
Note : La matrice CL 7965 est attrbuée par erreur...à Bessie Smith. A la Libération, de nombreuses matrices anglaises et américaines furent rééditées par Columbia , qui leur attribua un numéro de matrice dans la série en cours.