Suite d'une série de pages consacrées au French Cancan



French Cancan à Tabarin






Cancan au Bal Mabille


Lunel, le Quadrille à l'Élysée-Montmartre
Dessin paru dans le Courrier français en 1889.




Le coup de pied au chapeau :
grand classique du Cancan



Figure du Cancan : le port d'armes


Figure du Cancan : la cathédrale



Figure du Cancan : la mitraillette

HISTOIRE


Le Cancan

st-ce une vraie danse ? Une forme de chahut ? - Qu'est-ce que c'est ? - Et pourquoi cela serait-il French ?


Voyons d'abord les dictionnaires

Le Petit Robert dit que le mot cancan (1829) - notez la date - vient du nom enfantin du canard (1808) et qu'il s'agirait d'un quadrille populaire excentrique et tapageur.

Le Grand Robert renchérit en disant qu'il s'agit d'une danse et qu'on aurait nommé cette danse cancan par analogie avec le dandinement du canard.

Le Petit Larousse ne conteste pas l'origine palmipède du mot mais ne parle ni d'excentricité, ni de tapage mais d'une danse française, variante du quadrille.

(Drôle de définition : le quadrille n'étant pas une danse. - Il s'agit bien d'une danse, oui, mais elle peut se danser sur n'importe quel rythme et, d'une certaine façon, de n'importe quelle manière ou sur, à toutes fins utiles, n'importe quelle musique. - La seule condition pour qu'une danse soit nommée quadrille se résume au fait qu'elle doit être exécutée par quatre couples (d'où le mot). - En Angleterre et dans les pays anglophones (tiens, tiens...), les quadrilles sont appelés square dances, justement : à cause du carré que doivent former les danseurs lorsqu'ils dansent un quadrille où a square dance, expression qui, d'ailleurs est toujours utilisée en Amérique et même au Canada-Français où existent toujours les sets carrés...)

Le Grand Larousse précise quand même qu'il s'agit d'un quadrille désordonné.

Hachette parle d'un spectacle de music-hall où des girls (sic) danseraient ensemble dans une sorte de quadrille.

Le Littré est moins indulgent : pour lui, il s'agirait d'une sorte de danse inconvenante des bals publics avec des sauts exagérés et des gestes impudents, moqueurs et de mauvais ton...

Lettelier, en 1836, lui donne une tout autre origine : cancan viendrait, selon lui, du vieux mot caquehan (qui signifie tumulte) et que le cancan serait une danse. Tout simplement.

Quant au Quillet (1932 plus un supplément datant de 1950), on peut lire à l'article cancan :

Origine : jadis quanquan, corruption du latin quanquan, quoique, début de bien des arguments d'école au Moyen-Age (déjà !). - Sens premier : discussion d'école, d'érudits, harangue universitaire. - Autres sens : a) tout bruit exagéré fait sur quelque chose ou quelqu'un ("colporter des cancans") et b) danse avec de grands gestes désordonnés et libres.


Les faits

Il existerait des bas-reliefs égyptiens qui représentent presque exactement les mouvements exécutés de nos jours par les danseuses (et nous ne disons pas danseurs) de French Cancan. - Fait véridique ou pas, ce que l'on peut affirmer, c'est que le French Cancan n'était pas nécessairement French à l'origine. - Des descriptions d'une danse analogue, britannique, datant du XVIe siècle sont parvenues jusqu'à nous : on y retrouve à peu près tous les éléments du classique French Cancan contemporain : les dames dansent seules, exécutent divers mouvements, soulèvent leurs robes, lèvent une jambe en l'air et finissent leur prestation en faisant le grand écart.Le Cancan, les femmes le dansent de manière très osée, voire licencieuse, portant de longues robes sous lesquelles apparaissaient de légers jupons et leurs culottes fendues. Une fois la jambe levée, la tenue devient ainsi très érotique. A ses débuts, le Cancan est donc très mal perçu par les défenseurs de la morale traditionnelle et la pratique est réservée aux filles aux mœurs dites "légères".- Cette danse ne portait pas un nom particulier ; ses danseurs, oui : on les appelait les high-kickers.

En France, la première mention du mot cancan se trouve dans les descriptions qu'on fait d'une danse inventée (sans doute plus justement : répandue) par un personnage nommé Chicard qu'on ne reconnaît plus aujourd'hui que sous les traits d'un dessin ou d'une caricature de Sulpice Guillaume Chevalier, dit Paul Gavarni (1804-1866) à qui l'on doit sans doute les plus beaux titis, débardeurs, étudiants et les plus belles lorettes et autres personnages parisiens de la première moitié du XIXe siècle.

Ce Chicard était une sorte de clown, de danseur, de meneur de spectacle et c'est vers 1820, alors que la quadrille était LA danse en vogue (qui ne permettait aucune improvisation) qu'il aurait mis à la mode une danse en forme de quadrille où les danseurs, à tour de rôle, auraient exécuté des figures plus ou moins excentriques. - Cette danse fut populaire jusqu'au début des années quarante (1840), puis ne fut utilisée, par la suite, que dans des spectacles. - Vers 1845, une certaine Céleste Mogador l'édulcore pour propager sa popularité. La nouvelle version de cette danse, le quadrille naturaliste, dure une petite dizaine de minutes, pendant lesquelles les femmes sautillent et se déhanchent en rang, les unes à côté des autres, face aux spectateurs, sur de la musique au rythme endiablé. Les froufrous des longues robes sont gardés mais ils cachent cette fois-ci une culotte fermée. Ce cancan moralement plus acceptable par les autorités est rebaptisé sous le nom de French cancan d'abord au Bal Mabille, puis au Bal Montesquieu, au Bal de la Cité d'Antin et au Bal Valentino. - Ce n'aurait été, à l'époque qu'une danse bien modeste : une sorte de quadrille exécuté par des couples à partir de figures basées sur des polkas, des valses ou des marches.

Guère apprécié par la censure, le cancan, au cours du Second Empire, n'aurait été dansé que dans les établissements de quatrième ordre où il serait vite devenu synonyme de danse suggestive et encanaillée (Leblond), outil de travail des prostituées et de leurs souteneurs qui s'en seraient servi pour attirer une certaine clientèle. - Hé quoi : danser (tout d'abord), se tenir les doigts (scandale) et puis risquer de voir un mollet, un bout de jambe ou même des cuisses (de quoi fermer tous les établissements du genre) !

En 1880, on retrouve le cancan un peu partout. - Ses caractéristiques, déjà fort répandues dans les pays dits civilisés (aux USA, notamment), sont fixées :

C'est une danse réservée uniquement aux femmes, pratiquées par les blanchisseuses qui veulent s'émanciper et sortir et aller au bal seules !

C'est une danse au cours de laquelle elles doivent nécessairement lever la jambe (et montrer leurs dessous). Les figures principales s'imposent durablement, au point d'exister encore aujourd'hui ! Les noms de ces figures empruntent, au vocabulaire militaire :

  • le port d'armes, ( il est indispensable d'être souple ! Impossible d'effectuer le mouvement sinon. En général, ce pas est réservé à la meneuse. Il s'agit d'attraper son pied avec sa main (du côté de la jambe) au niveau du talon et de tendre sa jambe en grand côtécart à côté de son côtépaule. L'autre main vient attraper la pointe de pied. Il faut ensuite sauter vers l'arrière pour effectuer un tour sur soi-même. La jambe au sol est souple sur le genou pour pouvoir sautiller sur place)
  • la mitraillette, (Voir ci-contre à gauche)
  • l'assaut,
  • le pas de charge, (on attrape la jupe dans les deux mains. On effectue un pas chassé : le pied droit glisse vers le pied gauche comme pour le chasser et prendre sa place (ou l'inverse). Pendant ce temps, les bras se plient et se déplient du haut vers le bas pour relever la jupe sur les cuisses, les genoux bien d?verrouillés en léger plié pour vous d?placer au mieux. La tête est tournée dans la direction où l'on va)

mais aussi aux jeux enfantins, :

  • le saute mouton,
  • la roue,
  • les petits chiens,

et pourquoi pas :

  • la cathédrale, (Voir ci-contre à gauche)
  • la crevette, (On attrape la jupe dans ses mains et on pose les poings fermés sur les hanches. On l?che un c?t? de la jupe et on vient attraper une de ses jambes du même côté sous la cuisse au niveau du genou. Le but est ensuite de sauter en gardant la jambe de terre souple au niveau du genou et en tendant et pliant successivement la jambe que vous avez attrap? avec votre main. Le pied de la jambe qui se tend est flex. Le dos reste bien droit, le corps gain?. Bien s?r, ici encore, il est plus simple d'avoir le grand ?cart pour r?aliser cette figure.
  • le tire-bouchon ? (On attrape la jupe dans ses mains et on pose les poings fermés sur les hanches.On lance la jambe droite pli?e vers l'int?rieur sur le côté et on la d?plie vers l'extérieur pour qu'elle arrive tendue. Le haut du corps est légèrement en torsion pour faciliter le mouvement de la jambe.Lorsque la jambe droite atterrit, elle vient chasser la jambe gauche qui fait la même chose : on la lance pliée vers l'intérieur pour qu'elle se déplie vers l'extérieur et qu'elle arrive tendu en seconde)
 Et puis c'est une danse où, à la fin, elles doivent faire le grand écart (non sans avoir, en levant la jambe, au moins jeté par terre un des chapeaux haut de forme d'un des spectateurs présents dans la salle : c'est le coup de pied au chapeau !).

Et c'est là que le cancan d'un certain cabaret-music-hall-café-débit-de-boissons entre en scène. Ce cabaret s'appelle l' Élysée-Montmartre et, en 1889, il est connu pour ses danseuses exceptionnelles de... cancan. - Il est aussi connu pour les individus louches qui le fréquentent, la saleté de son plancher (qui fait qu'après quelques grands écarts, les dessous de ces demoiselles, n'avaient plus la blancheur espérée), les innombrables bagarres qui surviennent à presque tous les soirs. - On y va parce que tout le monde y va et puis qui sait, peut-être en ressortira-t-on une danseuse au bras.

Un seul problème mais il est de taille : les lieux sont un peu dangereux pour la bonne société et c'est ce moment-là qu'entrèrent en scène Charles Zidler et les frères Oller...


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