'année 1906 fut une année faste pour la chanson française. Cette année-là, Mayol créa son célèbre "Mains de femmes", Dranem y alla avec son "Pétronille tu sens la menthe", Scotto, sans trop le vouloir, allait écrire une chanson du nom de "La petite Tonkinoise" qui allait faire le tour du monde, Esther Lekain était à son "Cœur de Ninon" et Adolphe Bérard y allait avec son "Rêve passe". - Polin chantait, on l'a vu, son "P'tit objet" mais parmi toutes les chansons sorties cette année-là, il y en a une qui, passant complètement inaperçue, allait devenir un des plus grands succès d'une des grandes interprètes de la chanson française (et qui n'allait la mettre à son répertoire qu'en 1911 !) : Damia.
Damia qui, si en avance sur son temps, allait en faire une des chansons les plus connues d'un groupe que l'on a associée plus volontiers à la fin des années vingt et du début des années trente qu'à 1906.
On ne sait au juste à qui Lucien Boyer (celui de "Monte là-dessus") la destinait. - Dans les mains de Weber ou de Bérard, la chose eut résultée en une de ces chansons-catastrophes que Georgius se serait plu à parodier. - Peut-être était-elle trop mélodramatique, trop tirée par les cheveux, trop grandiose (même pour Bérard), mais voilà que Damia, avec son fourreau noir, un seul rideau comme décor, avec ses éclairages hérités de Loïe Fuller, ses bras en croix (une mise en scène que ne dédaigneront pas après elle les Juliette Gréco, les Piaf et les Barbara), qui s'avance et qui en fait une tragédie.
Nous l'écouterons dans une version qui date de 1929 :
Disque Columbia - n° DF 15 (aussi publié sous n° BF 151)