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Petits formats




                                      portrait par Foujita






Avec Marianne Oswald et Jean Sablon





(collection Robert Thérien)


Damia (1964)


Damia

ue n'a-t-on dit sur cette grande dame de la chanson, celle qu'on appelait la tragédienne lyrique ?

Avant Damia, il y avait des chansons, des auteurs, des compositeurs et... des interprètes.

Après Damia, seuls les interprètes sont restés. - De la même manière qu'on dit, aujourd'hui, un film de tel comédien ou de telle comédienne, on a commencé, avec elle, à dire : "Une chanson de Damia" sans se demander qui en avait écrit les paroles ou composé la musique.

Et quelles chansons ! Et quelle musique !

Avec Damia, une chanson devenait un drame qui se jouait comme on joue au théâtre : les éclairages étaient savants, calculés, les gestes précis ; pas une seule expression du visage qui ne fut significative.
Et elle chantait, avec une voix qui était à la fois un sanglot et un cri.

"Les goélands" (de Lucien Boyer), sa chanson-fétiche - et dont le texte n'est pas à proprement parlé, génial -, devinrent, entre ses mains, une immense tragédie et quand elle entamait son dernier couplet, on aurait cru voir "l'âme d'un matelot"... planer dans la salle.


Née Marie-Louise Damien, à Paris, le 5 décembre 1889.

Elle a dix-huit ans quand Roberty, le mari de Fréhel, la remarque alors qu'elle est figurante au Châtelet. - Il lui donne des cours de chant et la fait débuter vers 1910 au Petit Casino puis à la Pépinière sous le nom de Maryse Damia... - Mayol la remarque et l'engage aussitôt pour son Concert.


Une de Paris Qui Chante
du 6 janvier 1912
Les débuts sont relativement lents mais, petit à petit, sa réputation de diseuse pas comme les autres se répand. - Durant la guerre de 14-18, elle chante au front puis elle rencontre Loie Fuller, avec qui elle part en tournée, qui lui enseigne la science des éclairages et de la lumière mais surtout celle de la mise en scène. - À son retour, le personnage de Damia est né. - Elle le conservera longtemps, jusqu'en 1956 où, à l'âge de 64 ans, elle remplit sa dernière salle, vêtue de son éternel  fourreau noir dont Juliette Gréco s'inspirera.

 

 

 

Son tour de chant ne variait pas beaucoup :
Un seul projecteur annonçait sa venue. Le rideau s'entrouvrait et Damia paraissait ; jetait un coup d'œil dans la salle et entamait sa première chanson et son public était conquis.

Les innombrables photos qu'on a prises d'elle nous la montre tragique, les épaules nues ou totalement recouvertes, bras compris, esquissant plus que faisant des gestes avec un visage aux yeux soit mi-clos, soit lancés vers le ciel mais toujours expressifs.

 

Selon la chanson qu'elle interprète, elle danse, s'assied par terre, passe et repasse dans le rayon du projecteur braqué sur elle, ouvre ses bras. - Tout est choisi en fonction de ce qu'elle peut faire sur scène.

Sa grande période va du début des années trente au début des années quarante.

Où elle enregistre, coup sur coup, "C'est mon gigolo" (L. Casucci, A. Mauprey, J. Lenor), "Le grand frisé" (L. Daniderff, E. Ronn), "Tu m'oublieras" (J. Lenoir, H. Diamant Berger), "La chaîne" (L. Daniderff, E. Ronn), "La ginguette a fermé ses volets" (L. Montagné, C. Zimmer), "Sombre dimanche" (S. Erzso, J. Marèse, F.-E. Gonda) - que Georgius ne manqua pas de parodier avec son "Triste Lundi" - "Johnny Palmer" (C. Pingault, C. Webel), "Tout fout l'camp" (Juel, R. Asso)...

Parallèlement à son activité scénique, elle tourne dans quelques films :

C'est elle, la Marseillaise dans le Napoléon d'Abel Gance (en 1927) - Elle est de la distribution de Tu m'oublieras en 1930 et de Sola en 1931 sous la direction de H. Diamant-Berger. On la voit brièvement dans La tête d'un homme de Julien Duvivier en 1933 et dans Les perles de la couronne de Sacha Guitry (et de Christian-Jaque) en 1937 et on la revoit, vieillie, en 1956, en mendiante dans le cent soixantième remake de Notre-Dame de Paris, celui de Jean  Delannoy en 1956 avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn.
Damia s'éteint à 89 ans, dans sa résidence de Saint-Cloud le 30 janvier 1978.


Un clip

Une chanson "filmée" en 1935, "Les naufragés" (Davson et Mercier).


Enregistrements

Nous avons eu l'occasion de parler de Damia dans notre série sur la chanson française du Temps des cerises aux Feuilles mortes en cinquante chansons. - Son "Les goélands" y est classé chronologiquement au numéro 18.

À ce titre, nous en ajouterons ici trois autres - peu souvent entendus de nos jours - qui donneront une idée du répertoire de Damia.

Nous joindrons tout d'abord une chanson de Jules Jouy, un poème plutôt, écrit en 1887 et qui ne fut mis en musique, par Pierre Larrieu qu'en 1924. Une chanson dont la version-Damia a tant plu à Robert Desnos et dont le sujet reste encore de nos jours surprenant : la guillotine ou, en argot, la veuve :

"La veuve"

Disque Columbia DFX 144 CLX1664-1-2 - 1933

Notre deuxième titre (de C.H. Laurent et A. Sap) a un thème plus classique :

"La suppliante"

Disque Columbia DF 1171 CL4343-1 - 1933

Et finalement, une chose qu'on n'oublie pas (de L. Daniderff et E. Ronn) quand on l'a entendue une fois :

"La chaîne"

Disque Columbia DF 1803 - CL5416-1 - 1935

On pourra, par ailleurs, entendre une cinquième chanson, "Les ménétriers", interprétée par Damia à partir d'une page dédiée à Richepin.


Petits formats

Voir ici.


Merci à Thomas Louis Jacques Schmitt pour son apport iconographique.