PAGES ANNEXES
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Petits formats I - Petits formats II
Petits formats III - Petits formats IV
Petits formats V - Petits formats VI
Petits formats VII























Dranem entre les sœurs Hortensia

(Édith Méra et Olga Valéry)

(Collection particulière)



Dranem chevelu !

dans Alfred à
l'Eldorado
(Source : Paris Qui Chante n°349
du 10 octobre 1909)















Fondation Dranem



















(Collection Robert Thérien)


Dédicace à son ami Maupi
(Collection Dominique-Henri Simon)


Carte postale de Dranem
(Tout ce qu'il y a de plus sérieux)
(Collection Jacques Alluchon)





Détail du pilier de portail de la maison de Dranem
au Port des Olivettes à Antibes [*]
[*] Collection David Silvestre








Voir également
Chansons illustrées - Galerie de portraits

Dranem

rmand Ménard, dit Dranem, interprète né à Paris le 23 mai 1869, mort à Paris le 13 octobre 1935.

D'abord apprenti-bijoutier, il entre, après son service militaire comme garçon de magasin chez un marchand de bretelles de la rue Greneta en 1892. Déjà, cependant, il chante la chansonnette comique dans diverses troupes d'amateur où il est connu pour son entrain et sa bonne humeur. En juin 1893, il quitte son emploi pour entrer temporairement dans un autre magasin, rue Béranger, qui lui donne cependant plus de temps libre.

Le 1er avril 1894, sous le nom de Dranem (anagramme de Ménard), il fait ses débuts à l'Electric-Concert, au champ de Mars, comme "chanteur comique" genre Polin. Deux jours plus tard, son cachet est réduit de moitié.

Il passe ensuite au Concert de l'Époque où il joue la comédie interprétant, entre autres, le rôle d'Anatole Garadoux dans les Deux timides de Marc Michel et Eugène Labiche.

En août 1895, il est au Concert Parisien où il se fait connaître dans des pièces en un acte et dans divers "tours de chant" où figurent deux autres débutants : Félix Mayol et Max Dearly. (Dix ans plus tard, personne ne pourra s'offrir une telle affiche.)

Un jour, au tout début de 1896, il trouve, au carreau du Temple, pour la somme de dix francs, une petite jaquette à basques courtes, un pantalon jaune passé, rayé de vert et un petit chapeau bizarre dont il se revêt le soir même et il entre sur scène plus ou moins en courant, comme si on l'y avait poussé. Il entame, ce soir-là,  les yeux mi-clos et lentement, une chanson aux paroles navrantes d'imbécillité.

C'est le délire.

Francisque Sarcey (Voir également à Paulus, chapitre 4) qui est dans la salle constate : "Dranem est un idiot de génie."

Le genre "Dranem" était né.

Du Concert Parisien, il passe au Divan Japonais où, dans son tour de chant, il montre de plus en plus de finesse dans son jeu de super-niais. - Les critiques de l'époque, décontenancés devant cet homme d'une rare intelligence et qui réussit à faire passer à peu près n'importe quoi, sont dithyrambiques et en peu de temps finissent par en faire une grande vedette.

Il passe successivement à l'Horloge, à l'Alcazar, au Petit Casino, aux Ambassadeurs puis, enfin, le 2 septembre 1899 à l'Eldorado où il va rester plus de vingt ans, y jouant dans plus de 200 pièces ou revues, créant d'innombrables chansons, attirant le tout Paris.

Son grand comique découlait du fait qu'il chantait des énormités sans, semble-t-il, s'en rendre compte et puis - ce qui, évidemment, n'a pas été endisqué - il chante comme si ce que l'on demandait de chanter était la chose la plus importante au monde : une sorte de clown, totalement inconscient de ses pitreries. (Voir ci-dessous un lien vers un clip de l'époque)

Adolphe Brisson écrivant sur lui, en 1905, disait ceci :

"Un pantalon à carreaux sanglé, trop court, laissant apercevoir les chaussettes ; un veston étriqué et miteux ; non pas des pieds, des bateaux ; un énorme nœud de cravate rose géranium ; un minuscule couvre-chef en feutre déteint ; des cheveux roux ; un pif écarlate, écrasé comme une tomate, au centre d'une face blême ; des lèvres fendues au coup de sabre jusqu'aux oreilles, riant d'un rire muet. Ce rire est communicatif. Pourquoi rit-on ? On ne sait... On rit parce que lorsque Dranem rit, il faut rire, et qu'on ne peut s'en empêcher. Cet homme est grotesque ; il l'est immensément, épiquement : qu'il marche en butant à chaque pas,  qu'il s'arrête et se dandine sur des jambes flageolantes,  qu'il se taise, qu'il parle, qu'il se cache la tête dans un mouchoir de cotonnade, comme pour y vomir la fin de ses phrases, ou qu'il les lance au nez des spectateurs en ayant l'air de se moquer d'eux et de lui-même, une drôlerie intense jaillit de sa personne tout à la fois falote et robuste, de sa silhouette de pochard... Ce qu'il dit ? C'est à tel point inepte, plat, grossier, qu'aucun mot ne le saurait rendre... Qu'importe ! Dranem peut raconter tout ce qu'il voudra ; on l'écoute à peine, on le regarde ; on se divertit de sa grimace, de son crane en poire, de son petit chapeau pelé et râpé, des soubresauts de son corps dégingandé, de sa bouche hilare... Il rit ; et l'on s'en veut de rire, et l'on se demande pour quelle cause on rit ; et l'on ne comprend pas... ; mais on rit."

Le grand et exigeant metteur en scène Antoine reconnaît en lui un artiste de la lignée des grands farceurs, des Scaramouche et des Gaultier-Garguille ; il le fait jouer en décembre 1910, à l'Odéon, dans le Médecin malgré lui où il triomphe.
La critique est élogieuse : "Enfin une farce de Molière jouée comme elle le devrait !"

Au cours de la Grande Guerre, il est versé au théâtre des armées : il chante dans les hôpitaux. Puis, en 1918, conscient que le music-hall a fait son temps, il se tourne vers le théâtre, l'opérette et le cinéma. Il devient vite le grand premier comique aux Bouffes-Parisiens (entre autres).

Le chanteur idiot disparaît et laisse la place à un grand chanteur d'opérette :

Opérette Création Théâtre Rôle

Flup !... 1920 Ba-Ta-Clan Flup

Là-Haut 1923 Bouffes Parisiens Frisotin

La Dame en décolleté 1923 Bouffes Parisiens Girodo

En chemyse 1924 Bouffes Parisiens Phœbius Lahirette

Troublez-moi 1924 Bouffes Parisiens Monsieur Picotte

PLM 1924 Bouffes Parisiens Le contrôleur

Trois jeunes filles nues 1925 Bouffes Parisiens Hégésippe

Le Diable à Paris 1925 Marigny Le diable

Vive Leroy ! 1929 Capucine Fabrice

Louis XIV 1929 Scala Louis

Bégonia 1930 Scala Saturnin

Six filles à marier 1930 Scala Adolphe

Couss-Couss 1931 Scala  

Encore cinquante centimes 1931 Nouveauté Hercule Boulot

Un soir de réveillon 1932 Bouffes Parisiens Honoré

Deux sous de fleurs 1933 Empire  

Les Sœurs Hortensia 1934 Nouveautés  

Tonton 1935 Nouveautés Ambroise

... et à un comédien qu'on retrouvera dans les films suivants :

 Film Création Réalisateur Rôle

Le roi des palaces 1932 Carmine Gallone [1] Roi Stanislas

La poule 1932 René Guissart Silvestry, dit La Poule

Monsieur Albert 1932 Karl Anton  

Ah ! Quelle gare ! 1932 René Guissart Tuvache

Il est charmant 1932 Louis Mercanton [2] Emile Barbarin

Miche 1932 Jean de Marguenat Me Raphaël Demaze

La guerre des valses 1933 Ludwig Berger Le juge

Ciboulette 1933 Claude Autant-Lara [3] Père Grenu

Un soir de réveillon 1933 Karl Anton [4] Honoré

Le malade imaginaire 1934 Lucien Jaquelux [5] Argan [6]

Monsieur Sans-Gêne 1935 Karl Anton Le souffleur

La mascotte 1935 Léon Mathot Rocco

[1] sur un scénario d'Henri-Georges Clouzot
[2] d'après l'opérette d' Albert Willemetz (voir ci-dessus)
[3] d'après la pièce de de Croiset et de Flers (musique de Reynaldo Hahn)
[4] avec Meg Lemonnier, Arletty et Henri Garat. Opérette de Paul Amont adapté par Jean Boyer, musique de Raoul Moretti (créé aux Bouffes Parisiens - tel que ci-dessus)
[5] et Marc Méranda
[6] évidemment !

Il chante, tourne, joue la comédie, écrit même (Une riche nature [*])... sans doute un peu trop. Il doit, en mars 1935, interrompre sa dernière création, Tonton, parce que malade.

Il allait mourir peu de temps après, exigeant qu'on l'enterre dans le jardin de la maison de retraite qu'il avait fondée pour ses camarades en 1911, maison qui fut connue jusqu'en l'an 2000 sous le nom de "Fondation Dranem" et qui porte aujourd'hui le nom de "Château de Ris", à Ris-Orangis (Essonne). - Aujourd'hui l'établissement est ouvert à tous, artistes ou non.
Maison financée grâce à la fête des Caf' Conc' que Dranem crééra !

.[*].. qu'on trouvera en annexe. - Un roman "réaliste", mais d'un "réalisme" suréaliste... dranemesque !


Les titres de ses grands succès pré-opérettes en disent long

  • "Les p'tis pois"
  • "Les fruits cuits"
  • "Pétronille, tu sens la menthe"
  • "Le trou de mon quai"
  • "Le fils d'un gniaff"
  • ...

On en retrouvera plusieurs sur un disque Chansophone (le numéro 116) mais également dans diverses compilations.

De cette période, nous en avons retenu un, de Plébus et Maubon pour les paroles et d'Émile Spencer pour la musique,"La jambe en bois", dont on pourra lire les paroles et qu'on pourra écouter en cliquant sur le titre.

Malheureusement, cet enregistrement (et tous les autres qu'il a fait) ne nous renvoie qu'une partie du comique - toujours pré-opérette - de Dranem. - Pour en apprécier toute l'étendue, ce qu'il faudrait, c'est un clip de l'époque. Or, des clips de Dranem, il en existe grâce à une grande dame du cinéma, Alice Guy, qui, chez Pathé, expérimentant avec le cinéma au début du siècle dernier, a tourné des phonoscènes mettant en vedette des artistes comme Polin, Mayol et Dranem.

Ces phonoscènes dont des dizaines - voire même des centaines - dorment dans les voûtes de chez Pathé seraient, restaurés, d'un grand intérêt, combinant à la fois son et image. -  Nous en avons joint l'extrait de deux d'entre eux - tout à fait exceptionnels - dans nos pages sur Mayol. En voici un autre, mettant en vedette Dranem en 1906 ou 1907 :

Ces quelques secondes (une vingtaine) illustrent clairement ce que devait être un tour de chant à la Dranem.

En 1906 ou 1907, le voici dans "Le five o'clock".

(Cet extrait est tiré d'un documentaire tourné en 1995 par Marquise Lepage intitulé Le jardin oublié : la vie et l'œuvre d' Alice Guy-Blaché.)

Pour ce qui est de sa période "opérette", les disques et les films (dont on trouvera, avec un peu de recherches, ceux qu'il a tournés avec Henri Garat - Il est charmant et Un soir de réveillon) nous renvoient de ce clown génial une tout autre image ; celle d'un artiste accompli dont les seconds rôles, entre autres, demeurent marquants pour l'époque.

De cette époque, nous avons retenu un autre titre.

Il s'agit d'une chanson tirée d'Un soir de réveillon de Jean Boyer et de R. Moretti au moment où Dranem a alors 63 ans.

Le comique - essentiellement parlé - est dans une toute autre veine  :

"La chanson du doge"

Disque Pathé n° X 94305 - 1933


Deux autres clips ?

Pourquoi pas !

1 - Du film tiré de l'opérette précitée (1933 - réalisation de Karl Anton) cette même "Chanson du doge".


2 - Du film, "Il est charmant" de Louis Mercanton (1932) (opérette d' Albert Willemetz), la chanson "J'en suis un". Dranem (Émile Barbarin), clerc de notaire, se présente à Henri Garat.

Note : Nous recevons régulièrement des demandes concernant les paroles de diverses chansons de Dranem. Le problème avec ces chansons, c'est que Dranem n'en composait pas lui-même les paroles ni non plus celles des monologues qu'il interprétait. En conséquence les innombrables chansons qu'il a créées (on parle de plus de mille) sont dispersés dans divers recueils sans compter les douzaines de marques sous lesquelles il en a enregistré à peu près quatre cents. - Lorsqu'il s'agit d'auteurs ou de compositeurs "connus" de chansons reprises en 33 T, disques ou cassettes (souvent les mêmes), on peut retracer ces paroles mais pour les autres...

À noter que certains de ces monologues ont été repris en recueils (photo ci-contre, à droite : collection de l'auteur)


Dranem fut si populaire qu'on fabriqua même des statuettes à son image

  

(Collection Philippe Garnier)


La "Poupoute" de Dranem
a été précieusement conservée par Monsieur Eric O'Neill [*]


Merci, pour cette fiche, à Internet Movie Database pour la filmographie de Dranem et un grand merci à Jacques Gana dont on retrouvera le site dans nos liens.