eau gosse, voix agréable, bon pianiste, compositeur talentueux, présence scénique indiscutable, John Hess aurait pu faire une longue carrière s'il n'avait pas suivi ce qu'on pourrait appeler "la mode" mais le côté anecdotique de l'histoire de la chanson a peut-être des secrets que l'on ne connaît pas.
Né le 31 decembre 1915 a Engelberg(Suisse), il s'intéresse, très jeune, au jazz dont le rythme se répand de plus en plus en France. Il joue, après ses heures de classe, dans différents cafés, bistrots petites boites où il fait la rencontre d'un décorateur, vaguement peintre, vaguement poète, un certain Charles Trenet, avec qui il forme, en 1934, un duo qui n'a pas l'expérience de celui de Pills et Tabet mais le pianiste (Hess) et celui qui n'hésite pas à sauter sur l'instrument (Trenet) ont l'enthousiasme de la jeunesse. - Cela donne, de 1934 à 1937, de fort jolies chansons qui nous sont parvenues via d'innombrables rééditions sans doute à cause de la notoriété qu'acquerra au fil des ans celui qu'on qualifiera vite de "fou chantant", Charles en personne : "Tout est au duc", "Sur le Yang Tsé Kiang", "Maman ne vend pas la maison", mais aussi "Rendez-vous sous la pluie" et une chose qui perdurera jusqu'à aujourd'hui, "Vous
qui passez sans me voir" que Jean Sablon créera et qu'un certain Patrick Bruel ne dédaignera pas soixante-six ans plus tard mais qu'entre temps auront endisquée Léo Marjane, Ray Ventura, Line Renaud, Isabelle Aubret, Petula Clark, Patachou, Francis Lemarque et bien d'autres encore.
Après le départ de Trenet, Johnny Hess continue seul ses activités de compositeur et d'interprète mais dans un tout autre genre. Il se veut à l'heure des grands orchestres américains et dumouvement"swing". Cela donne : "Je suis swing" et "J'ai sauté la barrière", ses incontestables plus grands succès (en 1938). Il poursuivra ainsi sa carrière jusqu'en 1945 avec des titres comme "Rythme", "Ils sont zazous", "Mettez-vous dans l'ambiance", "Je suis jitterbug", "Sweet, Sweet, Sweet" tout en composant, pour d'autres, des chansons plus "classiques" ; c'est lui, par exemple, l'auteur de la musique de "Monsieur Saint-Pierre", créé par
Piaf ou encore celle de "Les jours sans ma belle" de Tino Rossi.
Après la guerre, cependant, son style a vieilli. On lui préfère Montand, Guétary, Mariano, George Ulmer, Pierre Dudan et voilà que se pointent à l'horizon Ferré, Brassens et... le Rock n' Roll qui finira par prendre toute laplace de ceux qui en sont encore au "swing" des années quarante.
Il continue à travailler, moins (il compose, par exemple, en 1951, la musique du film Amour et compagnie de Claude Grangier avec... Georges Guétary...) puis devient directeur artistique de "boîtes". Il se lance dans l'industrie, travaille ici et là pour ne retourner en studio qu'en 1965, endisquer des chansons qui disparaissent aussitôt créées.
Exit un chanteur qui, pendant sept ou huit ans aura été une tête d'affiche mais que la vague du changement a emporté.
Johnny Hess est décédé à Paris, en 1983.
Enregistrements
Encore une fois, se référer à Frémeaux & Associés qui a publié, en 2003, un excellent coffret (deux CDs) intitulés Johnny Hess - Intégrale 1938-1951 qui comprend non seulement tous les enregistrements de Johnny Hess de l'époque mais des interprétations de ses chansons par Ray Ventura, Jean Yatove, la belge Betty Spell, Richard Blareau (et son orchestre) et même Eva Busch qui n'a pas, comme plusieurs autres, hésité à enregistrer son "Clocher de mon cœur". - Numéro FA 5054. - Mais il est facile de retrouver ses deux chansons fétiches, "Je suis swing" et "J'ai sauté la barrière" dans plusieurs compilations courantes.
Pour notre part, nous préférons à ces deux tubes, la chanson (Charles Trenet / Johnny Hess) qui suit, dans un enregistrement de Jean Sablon datant de 1936 :