Polin



11  AH ! JE L'ATTENDS

1902 - Paroles de Bouchaud et Eugène Rimbault, musique de Bernard Boussagol.



l est difficile aujourd'hui de se faire une idée de ce que pouvait être un comique-troupier au début du siècle dernier ; difficile de s'imaginer une foule venue entendre un chanteur pousser la romance, un autre entonner des morceaux de bravoure, des dames en robes de soirée roucouler des chansons d'amour mais qui se levait pour applaudir à tout rompre ; un comique, vêtu d'un costume pseudo-militaire (les bottes souvent dessinées sur les bas de pantalons), seul en scène, qui bougeait à peine et qui racontait des histoires de caserne, de  problèmes vestimentaires ou de petites amies laissées derrière, au village.

Le premier en ligne ce ces tourlourous - c'est ainsi que l'on les appelait - fut un certain Ouvrard. - Ouvrard, père, car il a eu un fils qui suivit ses traces jusqu'en... 1970.

Le plus connu (de nos jours) s'appellait Bach, si connu et si célèbre que l'on se souvient encore de sa "Caissière du Grand-Café" (voir notre numéro 26), de son "Ami Bidasse" et de sa plus grande création : "Quand Madelon".

Beaucoup d'interprètes ont débuté en comique-troupier - ce fut le cas, entre autres, de Fernandel et Georgius ne dédaigna pas le genre - mais ils ne s'y sont pas attardés. - Dans le lot, il y a en eu un, cependant, qui a dépassé tout le monde et celui-là fut Polin.

Henri Lyonnet, le célèbre historien et critique, disait de lui qu'il était finaud et pudique, qu'il savait esquiver le mot scabreux sans perdre une intention, qu'il n'insistait jamais plus qu'il n'en fallait sur un effet, que son art était tout en nuances et qu'il était servi par une voix ni trop forte, ni trop étendue mais qui était d'une extrême souplesse.

Reynaldo Hahn y allait, quant à lui, dans une conférence donnée en 1914, des mots suivants :

"M. Polin n'est pas qu'un diseur. Quand on dit ainsi, c'est que l'on chante bien. Il faut l'avoir entendu dans une de ses chansons mi-bouffonnes, mi-sentimentales, pour savoir tout ce dont est capable le tact, tout ce que peut faire, d'une petite chansonnette sans importance, le goût d'un artiste. Or, chez M. Polin, le rythme est admirable. Quand il chante une de ces chansons durant lesquelles, par sa mimique, son essoufflement volontaire, il donne l'impression d'un régiment en marche, d'une foule de troupiers suant par un jour d'été, dans des vêtements trop lourds et souffrant gaîment les incommodités de leur état, comment ne pas admirer l'impeccabilité de son rythme invariable, impitoyablement cadencé, toujours bondissant, à la fois souple et nerveux, et la façon dont le remarquable artiste loge, case, dans son rythme uniforme et prodigieusement exact, les innombrables petits épisodes de diction qu'il invente  ?"

Mayol, dans ses mémoires, précisait : "Son immense talent, si humain et si fin à la fois, se passait aisément de tous autres artifices et, même dépouillé de son cocasse uniforme de "tourlourou" naïf, même en habit noir, Polin ne perdait rien de sa spirituelle et charmante nature... Son génie comique se suffisait amplement, et lui valait toujours un égal succès."

On pourrait continuer comme cela longtemps mais pour de plus amples renseignements, voir notre page ou encore un site plus complet dédié exclusivement à Polin :

http://perso.wanadoo.fr/appoline/Polin/Polin.html

Laissons pour le moment les anecdotes, les compliments, les qui-a-fait-qui-avant-qui et passons tout de suite à une des grandes interprétations de cet homme si spirituel et de si charmante nature, celle de ce "Ah ! Je l'attends", une chanson dite "de route", dont nous joignons, ici, la version complète (du moins sur disque), avec ses monologues et ses remarques qui sauront, nous l'espérons, convaincre l'auditeur de la justesse des propos de Lyonnet, de Hahn, de Mayol et de nombreux autres :

Disque Odéon - n° 33781

Voir également un vidéo clip à notre page sur Polin et un deuxième à notre page sur Bach.