(Collection Jean-François Petit)





Théodore Botrel

Le couteau

1900

aroles et musique de Théodore Botrel

Éditeur : Librairie Beauchemin, Montréal (Chansons de Botrel pour l'école et le foyer) - 1903

On pourra en écouter un extrait au numéro 202 de notre rubrique Chansons perdues, chansons retrouvées.


Paroles

- "Pardon, Monsieur le Métayer,
Si, de nuit, je dérange;
Mais je voudrais bien sommeiller
Au fond de votre grange !
- Mon pauvre ami, la grange est pleine
Du blé de la moisson;
Donne-toi donc plutôt la peine
D'entrer dans la maison !

- "Mon bon Monsieur, je suis trop gueux;
Qué gâchis vous ferais-je !
Je suis pied-nus, sale et boueux !
Et tout couvert de neige !
- Mon pauvre ami, quitte bien vite
Tes hardes en lambeaux;
Pouille-moi ce tricot, de suite
Chausse-moi ces sabots !"

- "De tant marcher à l'abandon
J'ai la gorge bien sèche :
Mon bon Monsieur, baillez-moi donc
Un grand verre d'eau fraîche !
- L'eau ne vaut rien lorsque l'on tremble
Le cidre... guère mieux;
Mon bon ami, trinquons ensemble ;
Goûte-moi ce vin vieux !"

- "Mon bon Monsieur, on ne m'a rien
Jeté, le long des routes;
Je voudrais avec votre chien
Partager deux, trois croûtes !
- Si, depuis, ce matin, tu rôdes,
Tu dois être affamé;
Voici du pain, des crêpes chaudes,
Voici du lard fumé !"

- Chassez du coin de votre feu
Ce rôdeur qui n'en bouge :
Êtes-vous "blanc" ? êtes-vous "Bleu" ?
Moi, je suis plutôt "Rouge" !
- Qu'importe ces mots : Réplique,
Commune ou Royauté :
Ne mêlons pas la Politique
Avec la Charité !"

Puis le Métayer s'endormit,
La minuit étant proche...
Alors, le vagabond sortit
Son couteau de sa poche
L'ouvrit, le fit luire à la flamme,
Puis, se dressant soudain,
Il planta sa terrible lame
Dans... la miche de Pain !

Au matin-jour, le gueux s'en fut,
Sans vouloir rien entendre...
Oubliant son couteau pointu
Au milieu du pain tendre...

Vous dormirez en paix, ô Riches !
Vous et vos Capitaux,
Lorsque les gueux auront des miches
Où planter leurs couteaux !!!