l est né Gabriel Fortuné, à Perpignan, le 6 octobre 1887.
Plutôt petit et quelque peu fragile, il possède cependant une belle voix de ténorino et se joint vers dix-neuf ans à une troupe de pantomime qui se produit dans le Midi.
À Montpellier, Narbonne, Béziers, il apprend son métier en imitant
Polin tout en se créant un style très particulier : habit, visage blanc, nez rouge, perruque rousse (en brosse). Il chante les succès du moment mais n'oublie pas d'insérer quelques airs du genre "Le rêve de Manon" ou les "Millions d'Arlequin".
Son nom se répand mais il doit le changer car celui de Fortuné est déjà pris par le comédien marseillais, Fortuné Arnaud, (1872-1962) qui, de plus, se fait appeler Fortuné aîné depuis que son frère est monté sur scène sous le nom de Fortuné cadet.
C'est donc sous le nom de Fortugé qu'en 1910 il monte à Paris pour faire les petites salles.
Mobilisé, il est envoyé en Orient d'où il revient en 1918, non sans avoir contracté le paludisme et non sans reprendre immédiatement sa place dans les grandes salles (Alhambra, Olympia, Eldorado, Zénith, Européen) pour enfin passer en vedette à l'
Alcazar de Marseille et au Casino de Toulon.
C'est le début d'une carrière qui fera, de lui, un nom connu dans toute la France mais qui, hélas, ne durera pas très longtemps.
En 1923, le 25 mai, à 35 ans, il fait son entrée au Casino de Paris mais ce ne sera que pour une seule représentation.Il doit, le même soir, se rendre à une soirée de bienfaisance et il prend froid. Il doit s'aliter et, avec sa santé affaiblie par les fièvres qu'il a contractées en Orient, il meurt le premier juin suivant.
Fortugé sur disques
Le répertoire de Fortugé est quelque peu limité. D'abord, il n'a pas chanté longtemps et ce qu'il a chanté, sous la peau de son personnage, ce furent, en majeure partie, des chansons écrites pour son personnage et, conséquemment, la plupart du temps plutôt naïves.
Entre 1912 (sic) et 1923, il n'a enregistré que 40 titres (chez Pathé, Opéra et
Gramophone) dont deux fois la chanson qui assurera sa réputation. Il s'agit , bien sûr, de "Mes parents sont venus me chercher" de Fred Pearly (1922) que Fernandel n'hésitera pas à reprendre en 1970 mais ne citer que celle-là, ce serait oublier des choses comme "Dans sa petite mansarde", "Il était syndiqué", "Le grand Julot" (une parodie sur les chansons réalistes), "C'est jeune et ça n'sait pas" et une curiosité (pour l'époque) du nom d' "Antoine" de Marc Hély et Albert Valsien.
Chez Gramophone, donc, (couplée avec "Je cherche Papa") :
"Antoine"
Numéro K 1589 - 1922
Suivi d'un enregistrement très connu, chez Pathé :
"Mes parents sont venus me chercher"
Numéro 4088 (et X 3739), également en 1922
Ce ne sont pas des choses que l'on oublie facilement...
Ajout du 12 avril 2023
Dans son édition du 15 juin 1923, la revue fait part du décès de Fortugé en ces termes :
Fortugé n'est plus,nous ne reverrons pas au music-hall ce petit bonhomme à la figure fine et poudrée, sous la perruque roussâtre et dont l'habit, élimé, pas trop mal taillé, le faisait ressembler à quelque rentier modeste, timide et gauche, venu là on ne sait pourquoi et qui semblait aussi empêtré dans ses vêtements que dans son texte. Oui, mais soudain la caricature s'animait et vivait. Une prodigieuse force comique émanait du personnage si ridiculement, si profondément humain, campé burlesquement devant la rampe. L'éclat malicieux des yeux en vrille, le sourire naïf ou complice, la diction tour à tour précipitée ou lente, la mimique ponctuée des deux ronds blancs des manchettes tombant sur les mains,tout se fondait, s'harmonisait pour faire du bonhomme falot un de ces rares et incomparables fantoches qui sont de vrais échantillons d'humanité, tels qu'on en retrouve dans les collections de Molière et de Courteline. N'en doutons pas,le secret du succès de Fortugé n'était pas un secret. Comme Dranem, comme Montel, comme quelques autres encore, très rares, il faisait rire parce qu'il était vrai et c'est parce qu'il apparaissait ainsi aux yeux du public, non comme un amuseur professionnel, mais comme un personnage évoquant à tous un souvenir, incarnant les mille et un travers des types grotesques qu'on coudoie chaque jour dans la vie, que le rire jaillissait à sa vue, fusait, s'étendait en cascades sonores, irrésistibles. (...)