l'examen, sa carrière apparaît un peu décevante. Comment expliquer, en effet, la prééminence qu'Elyane Celis eut sur Lucienne Dugard, née Noëlie Lucienne Rose Gros le jour de Noël 1901, à Nîmes (30 - Gard) On les a souvent comparées . Elles enregistrèrent les chansons du film Blanche-Neige et les 7 nains, et l'on attribue tantôt à l'une, tantôt à l'autre, la voix de Blanche-Neige dans la version du film sorti en mai 1938 [*] D'autant qu'on pouvait lire, en première page de Paris-Soir du mardi 6.decembre 1938, juste au dessus de l'annonce du mariage de Reda Caire, cette manchette :" Charles Trenet et Lucienne Dugard Grands Prix du Disque". Avec cette précision : "Mlle Dugard, de l'Opéra-Comique, spécialiste des délicates vocalises, succède à Yvonne Printemps..."
[*] Note : Ni elle, ni Elyane Celis n'est la voix de Blanche-Neige employée dans la version de 1938, puisque c'est Béatrice Hagen aux États-Unis qui a doublé le film. Ces rumeurs ont néanmoins toujours permis au public de dresser un parallèle entre les deux artistes qui ont interprété un répertoire commun.
Nous savons aujourd'hui qu'elle avait épousé André Baugé en juillet 1929 à Colombes. Le couple habitait alors cette même ville. Mais, probablement à cause des infidélités fréquentes du chanteur, les époux se séparèrent au bout de quelques années...
Curieuse carrière que la sienne, en vérité. Elle aurait débuté à l'Opéra-Comique, mais on ne trouve aucune trace de ce passage. Absente de la moindre opérette et du moindre film, elle enregistre son premier disque à l'âge de 36 ans. Le supplément Pathé d'avril 1938 la présente ainsi : " Une nouvelle étoile est née : Lucienne Dugard qui, du premier coup, se révèle comme l'égale des plus étourdissantes vocalistes...Un très grand talent dont nous sommes heureux de signaler la fulgurante apparition.,." Mais le grand public ne découvrira son nom que fin 1938 à l'occasion du film "BlancheNeige", puis de la tournée Charles Cros qu'elle accomplit en compagnie de Germaine Sablon.
C'est entre 1940 et 1944 que se situe l'apogée de sa carrière. On est tout de même un peu surpris de lire dans Paris-Programmes du 6 août 1941: "La grande révélation de l'année nous revient après de longs mois de silence. C'est, de loin, la meilleure voix de cabaret du moment.:' Révélation ?... pour une artiste déjà quadragénaire et ex-Grand Prix du Disque ! Après avoir chanté à L'Aiglon (Mai), au Paris-Paris (Juin), elle fait la saison d'été du Casino de Biarritz, avec Ded Rysel. Puis elle passe à l'Allhambra (avec Marjane) et débute une activité de doublage de films allemands (c'est elle qui double Marika Rôkk dans "Corra Terry,") dont elle enregistre les chansons en français.
L'année 1942 la verra se produire à la fois au cabaret (Nox), au music-hall (A.B.C.) et à la radio.
Le 9 avril 1943, elle donnera un récital salle Pleyel et finira l'année au Casino Montparnasse avec Tony Murena. Entretemps, elle aura participé à plusieurs galas de bienfaisance. A Radio-Vichy, le 29 septembre 1943, c'est Jo Bouillon qui l'accompagne. Le 9 décembre 1943, elle interprète "Mam'zelle Nitouche" avec Félix Oudart.
Le 21 décembre 1943 au cours d'un concert avec l'orchestre Armand Bernard, elle chante la "Barcarolle" de Schubert, et prouve son éclectisme en chantant les refrains de La Suite pour jazz.
Le 12 janvier 44 elle se produit à Radio-Paris avec l'orchestre Derveaux, et passe aux Folies-Belleville le 10 mars suivant. A son répertoire figurent "Mes trois sérénades", "L'horloge de grand-mère" et "Mon ami" (Poterat) qu'elle gravera sur disque souple. Elle retrouve Elyane Celis en 1944 au gala de la police donné au cinéma Lyon-Pathé.
A la Libération, le Comité d'Epuration se montrera indulgent, ne lui infligeant qu'un simple blâme. Le 24 decembre 1945 on la retrouve salle Pleyel dans un gala pour les Déportés et Internés, avec Rina Ketty.
En mars 1946, elle chante "Sur les toits de Paris", puis à l'Européen à partir du 18 mai 1946.
Le nom de Lucienne Dugard est souvent associé à la chanson "Chansons grises, chansons roses" (Bourtayre & Kubnick), qu'elle enregistra en mai 1946. Une émission de même nom avait débuté le 11 juillet 21945 sur le Programme Parisien. Lucienne Dugard ne s'y fera entendre que le 23 juin 1946.Après 1950, son nom disparaît presque complètement des programmes radiophoniques.
En 1955 Lucienne Dugard sollicite sa réintégration à l'Opéra-Comique comme "second plan". Cette demande restera sans suite. En 1960-1961, elle enseignait à l'école du tour de chant de Bobino. Une de ses élèves se souvenait de sa mise modeste, de ses problèmes de santé (elle souffrait d'emphysème) mais sa voix restait magnifique.
Le 3 décembre 1961, elle épouse Jules Moneron, directeur d'usine et décède à son domicile de Bougival, le 22 septembre 1968.
Opéra Comique
A l'Opéra Comique, elle fut :
Jeannette, dans les Noces de Jeannette de Victor Massé, livret de Jules Barbier et Michel Carré.
Lakmé, dans Lakmé de de Léo Delibes, livret français d'Edmond Gondinet et Philippe Gille
Micaëla, dans Carmen de Georges Bizet, livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy
Mireille, dans Mireille de Charles Gounod,livret de Michel Carré
Rosine, dans le Barbier de Séville de Gioachino Rossini, livret de Cesare Sterbini
Sophie, Käthchen, dans Werther de Jules Massenet, livret d'Édouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann
Violine dans La Reine Fiammette de Xavier Leroux, livret de Catulle Mendès