ans notre page d'introduction sur le French Cancan (voir le lien ci-dessus), nous avons fait entendre deux extraits musicaux tirés d'une suite (ballet) du chef d'orchestre et compositeur Manuel Rosenthal.
Pour ceux qui ne les aurait pas entendu, nous les rappellerons ici :
Un court extrait, d'abord - d'à peine une douzaine de secondes
Et voici cet extrait dans sa version intégrale (une minute, douze secondes)
C'est ce qu'on fait jouer le plus, de nos jours, lorsqu'on veut invoquer le French Cancan.
Cette musique - tirée d'une œuvre intitulée Gaîté Parisienne - date pourtant de 1938 !
Bon d'accord, comme nous le disions dans la page ci-dessus, elle est basée sur des airs d'Offenbach [*], cet autre compositeur dont le nom revient souvent en rapport avec le French Cancan. - Ce qu'on oublie de rappeler à ce moment-là, c'est qu'Offenbach, ce grand compositeur d'opérettes, est mort neuf ans avant l'ouverture du Moulin Rouge ! Qu'il avait à peine neuf ans quand, déjà, on dansait le cancan, en 1830 !
(À remarquer que, pour le titre, Rosenthal ne semble pas s'être fendu en quatre - passez-nous l'expression - puisque paraissait, en 1905, un enregistrement intitulé, déjà, Gaîté Parisienne, sur disque Eden interprété par l'Orchestre de la Garde Républicaine et qui n'était qu'une variante de la cinquième figure d'une série de cinq variantes enregistrées l'année précédente par le même orchestre sous le titre d'Orphée aux Enfers [1858]... mais dont une partie reprenait des airs de La vie parisienne [1866] toujours d'Offenbach...)
Mais alors la vraie musique du vrai cancan ?
Si l'on parle des quadrilles de 1830, il faut remonter à une époque où n'importe quelle marche, jouée au piano ou à l'orchestre (des cuivres, surtout), pouvait se danser à la cancan.
Le Quadrille des Lanciers est resté le plus célèbre, et toujours en vogue de nos jours (2023) notamment a l'École Polytechnique où il est éxécuté à trois reprises lors de son bal de l'X au printemps à chaque année à l'Opéra Garnier : Le voir en video ici.
Sinon, à l'écoute, ce Quadrille des Lanciers (Louis Lust) dans une version remastérisée en 1953. Grand Orchestre dirigé par Jacques-Henry Rys :
Le Quadrille des Lanciers a été inventé à Dublin en 1818 par un certain Duval, professeur de danse français et fut importé d 'Angleterre en France vers 1856.
Le quadrille (de carré) est à la langue francaise ce que le square dance est à la langue anglo-américaine.
Le Quadrille des Lanciers compte cinq figures comme il y a cinq continents :
1ère figure : les tiroirs
2ème figure : les lignes
3ème figure : les moulinets (ou les saluts)
4ème figure : les visites
5ème figure : la chaine (ou le galop ou les lanciers)
Les mauvais garçons ont imaginé des paroles pour ce galop : "Elle avait des bottes et des souliers pointus , la cathédrale dans l'dos ! La tour Eiffel dans l'...." !
Pour ce qui est de la musique pré Moulin Rouge, il faut se référer aux compositions de Philippe Musard (dont nous avons retrouvé le galop n°1 "Les Amours d'un rossignol" par La Simphonie du Marais : ici en video et à ses partitions datant de 1850 à 1860 dont les enregistrements pertinents sont difficiles à retrouver de nos jours... - Et, en plus, ils sont très inégaux. Nous avons également retrouvé "Le Danois" Quadrille français de 1834.
... La musique d'Amilcare Ponchielli et spécialement La danse des heures tirée de l'opéra La Gioconda (1876) offre un galop digne du Cancan, extrait :
Extrait de "Dance of the Hours" - The Best of the Academy - Academy of St Martin-in-the-Fields - Warner Classics - 2003 - direction Sir Neville Marriner
... Et en ce sens, la "Marche des petits Pierrots" (1894) d'Auguste Bosc, qui fit les beaux soirs de Fred Gouin, avait aussi son intérêt, extrait :
Extrait de Bal à l'Hotel de Ville - Grand Orchestre de Bal - BnFcollection
1959 - direction Adolphe Sibert
Sur quelle musique alors dansait-on à cet Élysée et à ce fameux Moulin Rouge, celui de 1889 à 1895, date du départ de Valentin le désossé et de la Goulue ? Et ben... sur celle d'Offenbach. Et à Tabarin, le chef d'orchestre Auguste Bosc, jouait sa musique !
Or Offenbach, le véritable Offenbach, non celui de Rosenthal, l'Offenbach d'Orphée aux Enfers (1858 et 1874), l'Offenbach de La Belle Hélène (1864) et l'Offenbach de La Vie parisienne (1866) (vous avez remarqué les dates ?) n'a composé, hors quelques suites, que des opérettes.
Vous vous souvenez de l'air entendu au début de cette page ?
Le revoici, tel qu'il figurait, en 1858, dans Orphée aux Enfers :
"Galop infernal - Acte II, quatrième tableau"
(Cet extrait provient de Orphée aux Enfers - EMI Classics - direction Marc Minkowski - 1998)
Vous en connaissez les paroles, n'est-ce pas ?
Ce bal est original d'un galop infernal, donnons tous le signal !
Vive le galop infernal ! Donnons le signal d'un galop infernal !
Amis, vive le bal ! La la la la la la (Pluton, Jupiter, Vénus et Eurydice, en chœur)
Autant revenir à Rosenthal mais un orchestre symphonique dans un cabaret ?
Les documents d'époque (lire : enregistrements) sont rares. Rares mais pas au point où notre ami, Jean-Yves Patte n'ait pu en retrouver sinon exactement de la grande période du Moulin Rouge (1889 à 1895) du moins d'une période très près.
À commencer - pour se replacer les esprits après l'écoute de la version originale et de la version Rosenthal - par le Galop, tel qu'interprété par l'Orchestre de Léonideff vers 1925 - complète avec xylophone :
"Galop infernal - Orphée aux Enfers"
Pas très brillant, n'est-ce pas mais il y a plus vieux :
"Orphée aux Enfers" - Orchestre Pathé - 1899
(Manque dans cette série la "cinquième figure" ou "le Galop" - voir ci-dessous)
Ou plus exotique : (vers 1913 ou 1914)
Une version allemande - attention à la fin
Pour les grands amateurs, pour ceux qui veulent vraiment se tremper dans l'atmosphère du Moulin Rouge, voici, l'une après l'autre, les cinq figures du grand cancan du Moulin Rouge, tels qu'enregistrés par l'Orchestre de la Garde Républicaine, en 1904. Étiquette
Zonophone - Arrangement de H. Crémieux. - C'est ce qui se serait fait de plus près par rapport à la musique du Moulin Rouge.
"Orphée aux Enfers - Première figure"
"Orphée aux Enfers - Deuxième figure"
"Orphée aux Enfers - Troisième figure"
"Orphée aux Enfers - Quatrième figure"
"Orphée aux Enfers - Cinquième figure"
Mais on ne saurait passer sous silence la version de 1905 du même orchestre, étiquette Eden n° (1-2150/668-1).
[*] Pour une biographie d'Offenbach, voir le site de Philippe Goninet. - Ce site contient, en outre, une liste complète des œuvres d'Offenbach avec leurs dates et lieux de création et plusieurs fichiers MIDI.