Portrait extrait du n° 47 des Chansons illustrées






Illustration extraite des Mémoires de Paulus



















































































































































































































Concert de la Scala issu de l’Album théâtral n° 20 [août 1874]

Antony

(Iconographie et texte présentés par Claire Simon-Boidot que nous remercions pour ses recherches)

résenté comme le beau-frère de Paulus, le chanteur connu sous le pseudonyme d’Antony fut l’un des nombreux enfants adoptés par Auguste Lassaigne et son épouse, Mlle Prudence (Suzanne Bernard). Auguste Lassaigne, un physicien, aéronaute, magnétiseur et prestidigitateur a commencé sa carrière par la partie la plus scientifique. Ayant découvert une jeune femme extrêmement sensible, Suzanne Bernard, il développa avec celle qu’il faisait appeler "Mlle Prudence" des expériences d’hypnose et de magnétisme qui connurent un grand succès, mais furent décriées par la communauté scientifique. Il épousa cette femme et ils adoptèrent de nombreux enfants. à partir de cette époque, "Mlle Prudence", devenue Mme Lassaigne, ne fait plus parler d’elle. Mais le phénomène a été si grand qu’on retrouve une chanson, interprétée par Mme Busseuil-Goudesone : "La somnambule extralucide" qui témoigne de cette vogue. Tous les champs de foire avaient leur extralucide (un charlatan bien entendu) et "Mlle Prudence" semble être devenu l’expression qui désigne une personne qui prédit l’avenir sans aucun don de double vue.
C’est à Toulouse, au Jardin oriental, que Paulus, engagé par Lassaigne, fera la connaissance de "Mlle Rosa", qui deviendra son épouse, et d’Antony, qui sera témoin de leur mariage, permettant de connaître son état civil : Jules Lacade, né à Toulouse le 16 juillet 1855, de père et mère inconnus. Lacade apparaît dans la presse en premier lieu sous le nom de "Antony Tom Pouce". Il a alors environ trois ans et c’est lui qui se place dans les accessoires de Lassaigne et que son père fait disparaître et réapparaître. Il n’est pas exclu que Tom Pouce" soit systématiquement l’enfant le plus jeune de Lassaigne... ayant encore la taille de se glisser dans le rôle ! Difficile de dire combien d’enfants ont ainsi été adoptés (et exploités ?) par Lassaigne. Paulus parle d’une ribambelle d’enfants ; la presse les présente nombreux et en nomme quatre : Antony, Mlle Rosa, Georges et Gaston. La biographie d’Antony lui donne le patronyme de Lassaigne, ce que le mariage de Paulus dément. Antony est bien Lacade à l’état civil.
Conservant leur patronyme, on peut supposer que tous les enfants de Lassaigne ont été "accueillis" sous le régime de la tutelle officieuse (code 1804). La lecture de la presse donne l’impression que Lassaigne y trouvait son compte : un petit personnel constamment renouvelé et qui ne lui coûtait que de le nourrir. A contrario, leur vie a été probablement plus excitante et mieux assurée qu’à l’orphelinat...

Biographie à présent !

Voici celle d’Antony publiée par l’Echo des jeunes [*] :

"Fils d’un prestidigitateur de grand talent, Antony, de son vrai nom Lassaigne, débuta très jeune dans la carrière artistique. A trois ans, il récitait des fables et chantait des chansonnettes. Quelques années plus tard, avec ses frères et sœur, il jouait des duos et des saynètes, il imitait, en outre, les chanteuses à la mode : Thérésa, Colomba, etc., dans les spectacles que donnait son père. En 1870, le Casino de Marseille – aujourd’hui Théâtre des Variétés – vit ses premiers débuts [il avait donc 15 ans]. En 1872, toujours avec ses frères et sœur, il chanta à Nice, au Café Américain. D’une nature assez indépendante, Antony quitta bientôt sa famille et partit avec la troupe d’opérettes Piétro-Bono, en qualité de baryton, car le comique si applaudi ces derniers temps à Ba-ta-clan et au Petit-Casino a possédé une très jolie voix qu’il savait conduire avec aisance et brio. Il parcourut ainsi le midi de la France, se faisant remarquer à Cette [Sète] et à Montpellier dans le rôle de du marquis des Cloches de Corneville et Podesta de La Petite Mariée. Antony s’engagea ensuite dans la troupe Claudius et Jeanroy et se fit applaudir à Agen, Toulouse et Bordeaux, ainsi que dans les principaux casinos des stations estivales des Pyrénées. Après son tirage au sort [à 20 ans : donc vers 1875], il arriva à Paris. Ne trouvant pas de place dans les théâtres d’opérettes, il entra à Ba-ta-clan comme comique de genre. Il passa deux ans dans cet établissement [1877]. M. Renard, alors directeur de l’Eldorado, ayant pu apprécier ses qualité, se l’attacha pour quatre ans à de brillantes conditions [1878-1882]. Très fêté, très applaudi dans son répertoire de comique habillé, il créa successivement "Ma femme est en voyage", "Le tunnel de Saint-Germain", "Léonore est pompette", "Les bulletins de vote", etc. Dans les opérettes à grand spectacle, il remplissait ses rôles avec une verve étourdissante et un entrain endiablé : Coco-Bel-Œil, de Colin, et Les chevaux-légers, de Planquette, furent deux de ses plus beaux succès. Entre temps, Thérésa l’appela à l’Alcazar d’Hiver. Puis, sous la direction de Blandin, aux Menus-Plaisirs, il créa, dans Les Petites Manœuvres, un rôle qui lui valu d’être remarqué par les plus éminents critiques parisiens : Sarcey, Vitu et Toché. Dans les revues de fin d’année signées Monréal et Blondeau, Antony était toujours au premier rang et le Pêle-Mêle Gazette le mit en vedette. Puis il revint au concert de ses débuts, à Ba-ta-clan, qu’il quitta pour l’Eldorado de Nice, que dirigeait son beau-frère Paulus. A cet établissement, il se fit remarquer dans les revues Otez l’eau du paillon [**] et Nous reviendrons. Engagé en 1892 au Casino municipal de Nice, il y eut un succès prodigieux, et la presse de l’endroit fut unanime à reconnaître ses brillantes qualités d’artiste ; témoin cet entrefilet d’un grand hebdomadaire artistique : "Antony est un comique de la bonne école, fin, ne tombant jamais dans la charge, et interprétant avec la même facilité les œuvres les plus différentes. Que de jolies soirées n’avons-nous pas passé au casino avec La Boule, Lili, Orphée-aux-Enfers." A Saint-Honoré-les-Bains, où il alla ensuite, et où il retourne cet été, il fut très applaudi par un public absolument choisi. En septembre 1892, Antony revint à Ba-ta-clan, dont Paulus venait de prendre la direction. Dès ce moment, ces lignes deviennent faciles à écrire, car nous parlerons désormais de ce que nous avons vu. Les lecteurs de l’Echo des jeunes, du reste, ont été tenus au courant des succès de l’artiste qui nous occupe. Outre les nombreuses chansonnettes qu’il interpréta au boulevard Voltaire avec un réel talent en même temps qu’avec un rare bonheur, il a créé dans différentes pièces des rôles que ses successeurs n’ont pas fait et ne feront certainement pas oublier. Qui n’a encore présente à la mémoire cette inénarrable création du Pierrot de Béhanzin, l’amusante pantomime de Garnier, pour laquelle Michiels avait écrit une si adorable musique. "Dire qu’Antony y est parfait est trop peu disait à cette époque notre grand confrère Le Journal (numéro du 22 février 1893), il y est inimitable." Et le rôle du père Samuel dans La Bedide Purze dans Les Paulussonneries de l’année ? et celui d’Albert dans Les pauvres de la paroisse ? et tant d’autres dont la nomenclature serait trop longue et dont un seul suffirait pour consacrer un tempérament d’artiste. Aussi n’est-ce pas sans regret que nous n’avons pas vu son nom figurer sur le tableau de la troupe en 1894, au Paulus-concert. Antony avait préféré se reposer quelques temps ; préféré ! c’est plutôt avait été obligé que nous devrions dire, car la saison de Ba-ta-clan l’avait très fatigué. Après quelques mois de repos, la nostalgie des planches le prenant, il partit pour Lille, puis Besançon, Nancy ; partout, il fut fêté. C’est de Nancy que M. Rey le fit venir pour créer, au Petit-Casino, le principal rôle dans Les petites Chamouillé, de Lebreton et Moreau. Maintenant, pourquoi la pièce, prête à passer, a-t-elle été retirée par les auteurs, comme l’ont annoncé certains journaux soi-disant bien informés ? Mystère et... fermeture. Nous avons toujours eu le plaisir d’entendre encore quelques-unes des chansonnettes et des monologues que détaille si bien notre fin comique, c’est déjà un dédommagement que nous a procuré son retour. Peu d’artistes, comme on le voit par ces quelques lignes, peuvent se vanter d’une carrière aussi bien remplie. Ajouter à cela qu’Antony est un excellent camarade, que désirer de plus ?"


[*] Pierre-A. François, "Antony" dans l’Echo des jeunes, 15 avril 1894, p. 1-2.
[**] NdA : Le Paillon est une rivière descendant de l'arrière pays niçois vers la mer, qui est couverte de son arrivée en ville jusqu'à son delta


Au delà de 1894, date de cet article, Antony joue de plus en plus souvent la comédie, bien souvent avec Gabrielle Chalon... qui habite à la même adresse que lui en 1912, quand ils sont tous deux témoins au mariage de Thérèse Renault, la "sœur" d’Antony et de Rose chez Lassaigne ! Antony s’éteint à Paris, 11ème le 23 août 1923. Gabrielle Chalon lui survit puisqu’elle est pensionnaire de la maison de retraite des artistes de Couilly-Pont-aux-Dames en 1929, quand Ouvrard publie ses mémoires. C’est là qu’elle meurt à son tour le 19 janvier 1929.



Petits formats





Petits Formats pour partie en provenance de Gallica /BnF