Georges Milton

l était petit, un peu rondelet. Il avait l'air à la ville d'un petit fonctionnaire bourgeois qui venait de quitter son ministère et qui était sur le point de prendre le métro pour se rendre chez lui où, dans son quartier, il n'allait pas s'arrêter au café du coin parce qu'aucun copain ne l'y attendait. - Quant il allait au café, d'ailleurs, c'était pour un prendre un verre d'anisette, le dimanche, en famille. - Son revendeur de journaux lui disait quand même bonjour, de même que sa concierge et il serrait la main à son épicier et son boucher. - Ses conversations se limitaient à la température et à la montée des prix. - À la maison, il était pantouflard, s'attendait à ce que sa femme lui prépare des repas selon les règles et, de ses enfants, il exigeait d'abord et avant tout une obéissance aveugle. Des êtres sans histoires, comme lui, il y en a eu et il y en a toujours des millions sauf que lui, à l'âge de dix-sept ans, il a décidé de monter sur scène.

Au début, il fait dans le genre Dranem et se fait huer. - Il devient chanteur de charme et se fait huer. - Il adopte différents styles comiques et se fait huer. - Quelques fois, dans une salle pas trop difficile, il obtient un certain succès, ce qui l'encourage. - Car notre bonhomme est travailleur et courageux.

Remarqué par Maurice Chevalier, qui le surnomme Bouboule, il se fait peu à peu une certaine réputation de chanteur léger : en 1920 il est au Casino de la Porte Saint-Martin ; en 1922 il tourne un film avec Maurice Chevalier, Gonzague (Henri Diamant-Berger) aux côtés de Florelle, Marguerite Moreno et Albert Préjean ( il a alors 34 ans mais presque dix-huit ans de métier !) puis, petit à petit, il se tourne vers l'opérette et c'est le miracle :

C'est que cet homme, aux allures conventionnelles, a besoin d'une mise en scène pour être "lui-même" :

Dranem n'avait qu'à se montrer en scène pour que le rire éclate, Polin jouait les naïfs, Mayol et Fragson jouaient dans la fantaisie, Delmet poussaient la romance, Georgius gambinait, Chevalier, Mistinguett dansaient, menaient des revues. d'autres avaient de grands physiques, de belles gueules, mais Bouboule ?

Bouboule, avec son costard trois pièces, sa petite taille, sa rondeur, n'avait rien de tout cela sauf que derrière son allure banale, il était débrouillard, entreprenant, énergique, enthousiaste, impulsif et lorsque le public a finalement pu saisir ce personnage, il est devenu "national" : tous les Français finirent pas se reconnaître en lui.


En 1927, dans une opérette sans conséquence, Le Comte Obligado (A. Barde, R. Moretti), il crée une chanson, drôle, sans plus, mais au refrain incontournable : "La fille du Bédouin". - En 1925 et 1926, il avait bien enregistré "Le trompette en bois" (Scotto), "J'aime pas ça" (Fred Pearly) et même deux autres demi-succès de deux autres opérettes ("Quand on veut être heureux" de M. Yvain et "Pourquoi qu'les p'tits oiseaux n'jouent pas de la mandoline" de Veber, Pares et Van Parys) mais rien de comparable à ce qui devait arriver à cette scie que devint "La fille du Bédouin"qui, depuis sa création, n'a jamais été retirée du catalogue. - Et ce n'était qu'un début. - Suivirent :

"C'est pour mon papa" - disque Columbia n° DF180
Paroles : René Pujol, Charles-Louis Potier - Musique : Casimir Oberfeld - 1930 :

L'habit qui n'va pas, c'est pour mon papa
Les plus beaux vêtements, c'est pour ma maman !
Le livreur c'est tout le temps pour ma mère
Les factures, c'est tout l'temps pour mon père
Les vieux pyjamas, c'est pour mon papa
Les dessous troublants, c'est pour ma maman
Ses chaussures sont coquettes mais les plus sales chaussettes
Aux trous grands comme ça, c'est pour mon papa !

"Si tous les cocus"
Paroles : Léo Lelièvre fils, Henri Varna - Musique : Jean Boyer - 1930 :

Si tous les cocus
Avaient des clochettes
Des clochettes au dessus
Au dessus d'la tête
Ça f'rait tant d'chahut
Qu'on n's'entendrait plus
.

"Emilienne"
Paroles : Albert Willemetz, Charles-Louis Potier - Musique : Casimir Oberfeld - 1931 :

C'est--y-toi qui s'appelle Émilienne ?

C'est--y-toi, c'est-y-toi ou c'est-y pas toi ?

"Totor t'as tort"
Paroles : Jean Boyer - Musique : René Mercier 1932

Dans l'quartier d'la gare du Nord
Tout le monde connaît Victor
Ce garçon fait un métier
Très particulier !
Il passe les rails de chemin d'fer
Chaque jour au papier d'verre
Et comme il n'est pas feignant
Chacun s'écrie en le plaignant :


Refrain
Totor t'as tort tu t'uses et tu te tues
Pourquoi t'entêtes-tu ?
Vas-y doucement
Presse pas l'mouvement
C'est pas normal
Tu t'feras du mal
Totor t'as tort tu t'uses et tu te tues
Pourquoi t'entêtes-tu ?
Sois moins pressé
Rien n'est cassé
Fais ton boulot
Piano Piano !

"Avec les pompiers"
Paroles : Charlys, Couvé. Musique : Henry Himmel 1934

Avec les pom-poms
Avec les pom-poms
Avec les pompiers...

(Sans oublier "Pouet ! Pouet !", "J'ai ma combine", "T'en fais pas Bouboule", "C'est pa... pa..., c'est parisien", "Les artichauts", etc.)

Tout au long des années trente, il est incontournable. Il tourne au moins un film par an et il est sur toutes les scènes.

Cet homme qui ressemblait à tout le monde ne pouvait plus aller nulle part sans qu'on le reconnaisse, sans qu'on lui tape dans le dos, sans qu'on lui offre un verre.

Sous l'occupation, ses talents sont mis à contribution. - Il chante un refrain au sens ambigu :

Nous les Français
Nous n'aimons pas sans raison
Recevoir des coups de bâtons
Pourtant nous trouvons normal
Le bâton d'un Maréchal...

Il remonte sur scène en 1946, tourne deux autres films puis, à soixante ans, il décide qu'il est temps de prendre sa retraite.

Georges Désiré Michaud, alias Georges Milton, alias Bouboule, né le 20 septembre 1888, se retire dans sa villa d'Antibes d'où il ne sortira que pour quelques émissions de télévision en 1964 et où il mourra le 19 août 1970.


Enregistrements

On écoutera de lui, trois enregistrements où l'on aura tout intérêt à noter la diction et... le souffle !

Columbia D 19.1646 (de R. Moretti et A. Barde) [*]

"La fille du bédouin" [**] -1927

[*] La version que nous proposons date de 1934.

[**] ou "La Caravane".

Une chanson typique de Milton, (de Lenoir-Pothier - Columbia DF 1186) :

"As-tu déclaré tes revenus" - 1933

Et puis cette curiosité, enregistrée en 1944, qui donne une idée du genre unique de Milton, (de Llenas, F. Vander et G. Lafarge Columbia DF 2973) :

"Attends-moi sous l'obélisque" - 1944

Et encore : ce n'est rien à comparer avec ses prestations filmées. - On en trouvera une à la page des paroles de "La fille du bédouin".


Georges Milton - filmographie

  • Le roi des resquilleurs [***] (1930) - Pierre Colombier
  • Le roi du cirage (1931) - Pierre Colombier
  • La bande à Bouboule (1931) - Léon Mathot
  • Embrassez-moi (1932) - Léon Mathot
  • Nu comme un ver (1933) - Léon Mathot
  • Bouboule 1er, roi nègre (1933) - Léon Mathot
  • Famille nombreuse (1934) - Léon Mathot
  • Le comte Obligado (1934) - Léon Mathot
  • Jérôme Perreau héros des barricades (1935) - Abel Gance
  • Gangster malgré lui (1935) - André Hugon
  • Les deux combinards (1937) - Jacques Houssin
  • Le prince Bouboule (1939) - Jacques Houssin
  • Ploum ploum tra la la (1946) - Robert Hennion
  • Et dix de der (1947) - Robert Hennion

[***] Personne qui se procure par quelque menue fraude un avantage auquel il n'a pas droit.


Récente édition discographique

Georges Milton, Succès et raretés - 1925-1942 - Chansophone n° 148 (1995)

  • Comprend les titres suivants :
  • "As tu déclaré tes revenus" - 1933
  • "Ca ne fait rien si on rigole" - 1934
  • "Les Chinois" - 1929 - cd_1044 - Columbia D 19336
  • "Donne toi une tape" - 1930
  • "Dudu de la cloche" - 1942
  • "Faut simplifier" - 1934
  • "La fille du Bédouin" - 1928 - cd_1044 - Columbia D 19040
  • "Il n y a plus de binious" - 1929 - cd_1044 - Columbia D 19336
  • "Les intelligences" - 1937
  • "J'aime pas ça" - 1925
  • "Java et java" - 1930 - cd_1044 - Columbia DF 362
  • "Nous les français" - 1942
  • "Oh oh oh" - 1934
  • "P'tit bout d homme" - 1934
  • "Papa vient d'épouser" - 1935
  • "Pourquoi qu'les petits oiseaux" - 1928 - cd_1044 - Columbia D 19105
  • "Quand on veut être heureux" - 1926 - cd_1044 - Odéon 166000
  • "Que demande le peuple" - 1935
  • "La soufflette" - 1937 - cd_1044 - Polydor 524317
  • "Sur le trottoir" - 1933
  • "Le testament de Mazarin" - 1935
  • "Tout le monde la suit" - 1935