IMPORTANT : Les éléments biographiques concernant la vie française de Casimir Oberfeld et sa déportation, ainsi que les clichés, ne sont pas libres de droits. Leur publication, même partielle, est interdite, sans autorisation. Ils sont la propriété du fils de Lili (Elisabeth de Donici), qui nous les a courtoisement transmis. Même s'il souhaite rester discret, qu'il soit, ici, vivement remercié.
'Histoire et même la petite histoire ne semblent pas avoir retenu le nom de ce compositeur né en Pologne. Pourtant, s'il y eut un compositeur prolifique de mélodies célèbres, c'est bien lui.
Fils de Roman Oberfeld, banquier d'origine juive et de Olga Heryng [1], poétesse de religion chrétienne, Casimir Georges Oberfeld, naît Kazimierz Jerzy Oberfeld, le 16 novembre 1903 à Lodz (Pologne). Déjà à l'école, le jeune Casimir monte des revues musicales de fin d'année.
Arrivé en France, il compose, la musique de chansons à succès de style humoristique comme "A Paname un soir" pour
Alibert, "C'est pour mon papa" pour
Georges Milton, avec, entre autres, les paroliers Roger Pujol, Jean Manse, Charles Pothier,
Albert Willemetz (avec lequel il fait aussi des opérettes). Ses premiers succès datent de 1924 et sont publiés à compte d'auteur, puis il s'associe avec l'éditeur Lucien Brulé (Editions Lucien Brulé) à Paris. Le 8 octobre 1926, Casimir Oberfeld est accepté comme stagiaire dans la section des compositeurs à la SACEM [2].
En novembre 1931, il s'installe définitivement en France. A Paris, il obtient ses plus grands succès, parfois sous le nom de Georges Grandchamp. Après avoir émigré en France, il achève ses chansons en polonais pour les publier comme des "succès étrangers". Il compose la musique de films sonores français d'abord, puis ses chansons et revues sont au répertoire de grands artistes français :
Joséphine Baker, Lucienne Boyer, Mistinguett ("C'est vrai" - 1933), Maurice Chevalier (entre autres, "Paris sera toujours Paris") et surtout Fernandel, (dont "Félicie aussi", que l'on entend toujours) et pour lequel il fait de nombreuses musiques de films dont Fric-Frac (1939) avec Arletty et Michel Simon, Barnabé et Le Schpountz (1938), Les cinq sous de Lavarède (1939), tournés pour la plupart aux Studios de la Victorine à Nice.
C'est là, au cours d'un tournage, qu'il rencontre et s'éprend de Lili, (Élisabeth de Donici) une ravissante figurante-danseuse d'origine russe/roumaine et britannique, également pianiste avec qui, il aura un fils, Grégoire qui portera le nom patronymique de l'époux de sa mère après la Seconde Grande Guerre, Paul Dunant..
S'agissant de ses opérettes, outre Le Rosier de Madame Husson (1937) avec Jean Manse et Cœurs en rodage (1935) avec M. Eddy et J. Darrieux, il travaille beaucoup avec Albert Willemetz, pour entre autres La Pouponnière (1932).
Compositeur très actif, la liste de ses œuvres composées, au cours de ses séjours en France, (entre 1925 et l'éclatement de la Seconde Grande Guerre ) et enregistrées auprès de la SACEM [2], représente plus de 100 pages.
Il écrit de la musique de revues, de la musique religieuse, des chansons pour virtuose du piano forte, de nombreux tangos, foxtrot, blues, charleston, rumba, java, des marches, one step et pasodoble. Pour la grande musique, mentionnons sérénades, intermezzi et deux symphonies : Danse de Paulette et Roland ainsi que Misterioso Concon (achevé en août 1939). En 1938, Casimir Oberfeld compose même une "conga", nouveau rythme en vogue : "La Conga". Le 24 mars 1939, Casimir Oberfeld devient membre à part entière de la SACEM [2].
Pendant la "Drôle de Guerre" (sic), période d'attente entre septembre 1939 et mai 1940, Casimir Oberfeld n'hésite pas à sortir de son répertoire comique en composant pour Fernandel au Théâtre aux Armées, la musique de "Francine", chanson stigmatisant l'intox et la propagande des Allemands visant à démoraliser l'armée française. Ces derniers ne manqueront pas de s'en souvenir plus tard lors de leur entrée à Paris...
Effectivement, depuis juin 1940, sous l'Occupation, la vie devient plus difficile, voire risquée pour lui. Pourtant, il refuse de voir le danger qui le menace. Il doit cependant quitter sa maison de Saint-Cloud et fuir avec ses parents en Corrèze, à Uzerche, en "zone libre ".
Puis, mourant d'ennui, il part s'installer, avec sa chère Lili, à Marseille où il rejoint Fernandel pour lui faire encore quelques chansons en 1941 dont "Les jours sans". Pour sa propre sécurité, il fait signer par des compositeurs "aryens" ses musiques de chansons et d'un film, Le chapeau de paille d'Italie (tiré d'une opérette) avant d'être peu à peu réduit au silence !
Belle occasion pour deux "auteurs" (Charles Courtioux et André Montagard) de s'inspirer "fortement"d'un passage de son opérette de style comique troupier, La Margoton du bataillon (1937) pour en faire le refrain de l'hymne du régime de Vichy de Pétain,"Maréchal nous voilà !" (n° 45 de nos Cinquante chansons.)
A l'époque, la SACEM [2] avait bien relevé ces "réminiscences" (sic) avant de se voir plus tard contrainte de geler tous les droits d'auteur de Casimir Oberfeld ! Désormais interdit de musique par les lois antisémites de Vichy, forcé de fuir de Marseille, en 1942, lorsque les Allemands envahirent la zone libre, à l'instar de son confrère et compatriote Norbert Glanzberg (compositeur, entre autres, de "Padam, Padam"), il se réfugie à Nice, alors occupée par l'Italie, plus clémente à l'égard des "métèques". Il est compositeur et pianiste des Studios de la Victorine.
Pour l'anecdote, c'est à Nice, sur la plage, avec Lili, que son côté polonais frondeur s'exprime : il a, un jour, l'impudence de siffler le refrain d'un chant de guerre hostile à l'Allemagne, "Nous irons pendre notre linge sur la Ligne Siegfried", en passant devant des soldats allemands qui, fort heureusement, prirent la chose avec humour.
Cependant, en septembre 1943, à la suite du débarquement des Alliés en Sicile, l'armée italienne évacue la région et est aussitôt remplacée par les Allemands qui, dès leur arrivée, procédent à une rafle de grande envergure. Confiant en la France, Casimir Oberfeld refuse la proposition de Norbert Glanzberg de partir aux Etats Unis, alors que tout était organisé. Arrêté, puis expédié en train au camp de Drancy, pendant le voyage, Casimir Oberfeld a plusieurs fois l'occasion d'entendre (sa propre musique transformée) l'hymne de Vichy.
Il est déporté, le 17 décembre 1943, par le convoi 63, à Auschwitz où il survit, un certain temps, en tant que "musicien des camps". Mais en janvier 1945, devant l'avance des troupes soviétiques et l'imminence de la libération de ce camp de concentration, les SS évacuent les hommes encore valides en organisant leurs sinistres "Marches de la Mort" dans des wagons sans toit par un froid polaire. Comme la plupart des prisonniers, Casimir Oberfeld y meurt de froid.
Pendant un arrêt technique du train, son corps est jeté avec huit autres, devant un village tchèque, à la frontière polonaise. Un prêtre courageux, bravant l'interdiction des Allemands (qui prohibaient l'inhumation des Untermensch), les fait tout de même enterrer, de nuit, dans une tombe collective, dans le cimetière du village. Le numéro de déporté de chacune des neufs personnes est reporté sur une "pierre tombale".
Après la guerre, malgré les efforts [3] de son ami Albert Willemetz , alors président de la SACEM [2], pour réhabiliter sa mémoire, le nom de Casimir Oberfeld tombe dans l'oubli, mais pas sa musique !
L'évocation de son élimination sous l'Occupation pouvait-elle se révéler embarrassante ? Toujours est-il que lorsque certaines chansons, dont il a composé la musique comme "Félicie aussi", sont rediffusées ou chantées, on ne mentionne jamais le nom du compositeur...
Parlez de l'ironie du sort...
Citons ses chansons les plus connues
"C'est pour mon papa" - paroles de René Pujol et Charles-Louis Pothier - 1930 - créée par
Georges Milton
Oh, pas tous des chefs-d'œuvre mais un nom que l'on serait bien injuste d'oublier d'autant plus que sa carrière a été coupée court du simple fait qu'il était ou non d'origine juive et polonaise.
Un court extrait vidéo
Filmé dans les coulisses de Radio-Marseille,en 1942, dans lequel on voit Fernandel répétant une chanson pour les tickets de rationnement, Casimir Oberfeld est au piano.
Notes : [1] Olga Heryng était polonaise par son père et lituanienne par sa mère, née Bergson. [2] SACEM : Sociéte des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique. [3] Propos rapportés par Madame Jacqueline Willemetz, petite-fille du célèbre auteur. [*] Clichés inédits sous copyrights - Collection privée - Droits réservés. Le deuxième portrait (en haut) date de l'arrestation de Casimir Oberfeld, à Nice, en 1943.
Une biographie (rédigée en polonais) agrémentée d'un portrait, est consultable sur le Web