l est des artistes qui survivent si longtemps à leur époque qu'on ne s'imagine pas qu'ils puissent être toujours de ce monde... C'était le cas de Nadia Dauty, disparue ? l'aube du XXIème siècle et qui était déjà sur sc?ne en décembre 1927. Elle jouait alors, aux Noctambules, dans la revue Eh ! Raflons..
Curieux parcours que celui de cette chanteuse qui aborda tous les genres, passant des cabarets de chansonniers ? l'opérette, du music-hall à l'Opéra-Comique... Rien ne la destinait à cette carrière Fille d'un comptable parisien, elle fit de bonnes études au lycée Fénelon, faisant partie, à l'âge de 14 ans, de la chorale que dirigeait Gabriel Pierné. Vite remarquée, elle décide alors d'étudier le chant, à l'insu de ses parents, avec Madeleine Caron, de l'Opéra.
Présentée sur les programmes de l'Apollo, en février 1928, comme la "future divette", elle est engagée pour créer l'opérette Putiphar, au théâtre des Célestins de Lyon, le 12 mai 1928. Puis, elle figurera dans la revue Nudist' Bar au Palace, en octobre 1930).. Peut-être, lors de son passage à La Fourmi en février suivant, croisa-t-elle André Pasdoc, le gagnant d'un crochet sur cette même scène... Après un contrat à Bobino en octobre 1931, elle consacre les années qui suivent à plusieurs opérettes créées à la Gaité-Lyrique et au Trianon-Lyrique : Chanson d'amour (avec Louis Arnoult) et "Carabas et Cie" (avec Henri Defreyn). En 1934 et 1935, elle s'illustrera dans les reprises de Mam'zelle Nitouche (avec Boucot) et de La Chaste Suzanne (avec Robert Allard).
Bien que ressortissant à une presse plus spécialisée, nous ne pouvions passer sous silence l'épisode qui la mit alors aux prises avec Fréhel. Cette dernière avait épousé en avril 1935 un certain Boettgen, qui se révéla être un arriviste sans scrupule, et qui la trompait effrontément avec Nadia Dauty [*] Fréhel préféra s'effacer. Le couple Boettgen-Dauty durera des années... En mars 1950 Nadia épousera M. Bourreau, un jeune médecin parisien de 26 ans, dont elle divorcera en 1961.
Poursuivant sa carrière dans l'opérette : Frasquita, Princesse Czardas, La Veuve Joyeuse.. elle ira jusqu'à chanter Carmen à l'Opéra. Mitty Goldin, directeur de l'A.B.C. la remarque et la fait débuter le 27 mai 1938. André Thérive, critique de Libert, s'enthousiasme : "Je viens de voir naître une vedette et, je crois bien, une grande vedette : elle s'appelle Nadia Dauty et on peut prédire qu'elle va égaler ou ?clipser toutes les gloires féminines du music-hall... Elle est divette, elle est diseuse, elle est mime, elle est cantatrice, je ne crois pas qu'il y ait des artistes aussi complets..." Et Thérive, qui note "son répertoire volontairement hétéroclite et bigarré" conclut de façon étonnante : "au même programme figure Lucienne Boyer, charmante, mais que la comparaison rapetisse notablement...". Mitty Goldin engagera à nouveau la chanteuse dans ses programmes de juin et décembre 1938. Jusqu'à la guerre, elle aura d'autres occasions de figurer à l'Européen et à l'Etoile.
En mai 1940, elle est au théâtre Pigalle avec Félix Paquet. Le mois suivant, elle quitte Paris et s'installe dans une propriété près de Tarascon. Elle se produira dans les villes du Midi, aux arènes de Nimes, à Marseille ( elle chante en septembre 1940 au Pathé-Palace, avec Andrex). Les auditeurs de la Radio Nationale peuvent également l'entendre : le 16 août 1941 dans La Veuve Joyeuse, avec Reda Caire, le 17octobre 1941 dans La Belle Hélène, avec José Lanzone et Jean Planel ...
Elle fait sa rentrée parisienne au théâtre de l'Etoile en mars 1943. La critique est moins favorable si l'on en juge par celle parue dans Les Ondes du 21 mars 1943: "La vedette du programme a voulu nous prouver qu'elle peut aborder tous les genres et ceci est sans doute une erreur. Charme et fantaisie, poésie et réalisme font un curieux mélange, dont l'éclectisme à tout prix déroute le spectateur..."
Après la Libération, Nadia Dauty effectue une grande tournée en Egypte. Le 30 septembre 1945 elle participe à la première émission du Music-Hall franco-allié ainsi qu'à Chansons grises, chansons roses. Pratiquant toujours le mélange des genres elle est, en octobre 1945, dans l'émission Musette et chansons... Le 3 avril 1946 elle chante "Mon cœur est au bal" dans l'émission Les Compagnons de la Renaissance. On la retrouve le 23 juin 1948 ? l'Alhambra dans Les 28 jours de Clairette, l'inusable opérette d'Hippolyte Raymond et Antony Mars, créée en 1892, interprètée au cinéma en 1933 par Mireille et Armand Bernard. En 1952, elle figure en page de couverture de La Semaine Radiophonique (n° 45 du 9.11.52), et annonce sa participation régulière à l'émission de Raoul Praxy Elle, Lui, elles (Prog. Parisien, lundi 13h40-14h10).
Son tour de chant, très varié, comprend alors "En ce temps-là", "Des millions de Français", "Amigo mio". Nadia Dauty l'enregistra au côté de Fred Gouin, alors grande vedette du disque au début des années trente, un rare disque Odéon de 30 cm : "Un vieux farceur" et "La demande en mariage".
Note [*] : In Fr?hel (Nicole et Alain Lacombe. Ed.Belfond.1990, p.208).
Odette Marie Thiaud, dite Nadia Dauty est née le 29 juin 1908 à Paris, 1er et décédée le 23 mai 1999 à Bezons (95 - Val d'Oise).
Illustrations sonores
Par exemple, ce duo inattendu avec Fred Gouin : "La demande en mariage" en 1929 :
"La demande en mariage" (L. Pujet - G. Lemoine) Disque Odéon n° 170.092 (1929)
accompagnement : orchestre André Cadou
Et ce premier Prix du Grand Prix de la Chanson de l'A.B.C. en 1938 :
"Le Gallipétant"
"Le Gallipétant" R. Bacley - L. Kirchner) Disque Columbia n° DF 2577(1939)
accompagnement : orchestre Jo Bouillon