Line Viala


ette fois, on pourra excuser le monde de son silence à la disparition à la presque fin du XXème siècle de cette artiste, car elle fut une véritable étoile filante de notre music-hall, et sa carrière prometteuse s'arrêta brutalement, à moins de trente ans, à cause de la guerre..Line Viala (ne pas confondre avec Renée Viala et Simone Viala, chanteuses elles aussi) était née en 1910 dans une famille de musiciens (ses deux grands pères étaient organistes...).
Dès l'âge de trois ans, elle apprend le piano.
A neuf ans, elle entre au Conservatoire, obtient un prix de piano et poursuit ses études avec Yves Nat durant cinq ans, A vingt ans, elle commence à jouer en public. Une carrière de concertiste s'ouvre devant elle. Mais, tentée par la scène, et par esprit d'indépendance, elle plaque tout et décide de se lancer dans la chanson :"J'avais entendu dire que M. Varna cherchait des chanteuses, je me présentai ? une audition... Quinze jours plus tard je passais en lever de rideau ? I'Alcazar. C'était en novembre 1933..." (Paris-Midi, 12 janvier 1938).

La suite, c'est le Palace, avec Charles et Johnny, les Folies-Wagram en décembre 1933, avec Pills et Tabet, puis le Casino de Paris, le 25 mai 1934, dans Paris-New-York. Elle s'accompagne alors au piano, mais, ayant découvert l'accordéon au cabaret Chez Suzy Solidor (qui sera, un temps, Chez Suzy Solidor et Line) elle a l'idée d'adopter cet instrument - qu'elle maitrise vite - ? la place du piano, et déclare : "Je veux faire de l'accordéon un instrument plus digne qu'il ne parait l'?tre. Ce n'est pas un instrument vulgaire. On doit pouvoir lui faire rendre cette qualité d'émotion qui caractérise l'orgue..." En février 1935, elle l'utilise dans une revue de Rip. Par la suite, les frères Crosio lui fabriqueront un accordéon spécial allégé, blanc avec un soufflet rouge.

Paul Colin, avec qui elle aura une liaison de cinq ans, lui dessine sa robe de scène. L'impact sur le public de cette très belle brune, en robe blanche chic avec son grand accordéon blanc est immédiat. Elle aura plus de mal ? convaincre le milieu des musiciens classiques..s et sa famille. Dans le m?me temps cette artiste-née, avide d'expériences nouvelles, se produit aussi au théatre. Elle joue, en 1936, Un homme comme les autres de Salacrou, au théatre de l'œuvre. Bleustein-Blanchet lui ouvre les micros de Radio-Cité : "Chaque semaine j'allais enregistrer sept chansons qui étaient diffusées jour après jour avec mon répertoire, mais aussi avec des chansons anciennes" En 1934, elle pose nue pour la photographe (et peintre) Florence Henri.
Engagée pour une semaine, en octobre 1937, au Pavillon de l'Elysée, par le directeur artistique Robert Burnier, elle y est toujours, en mars 1938, et f?te sa 200ème, en compagnie de Suzy Solidor, Arletty et Parisys, après avoir, entretemps, enregistré ses premiers disques et fait une tournée en Afrique du Nord. Ces succès lui valent la couverture de Mon Programme du 7 ao?t 1938 et un article qui vante avec lyrisme la muse adorable de l'accordéon moderne, étirant son instrument de ses bras souples comme des serpents... Mais de plus grandes scènes l'attendent. Ce sera l'A.B.C et l'Européen en décembre 1938. Plusieurs de ses succès sont d?s ? la compositrice Jacqueline Batell. Elle retrouve le Pavillon de l'Elysée pour le réveillon 1938.
En février 1939, Line Viala passe en attraction sur la scène du Paramount, ? l'entracte du film Les Hommes Volants. Peu après, le cinéaste Jean Choux l'engage dans son film Le Café du Port. Elle confie au Petit Parisien le 8 mai 1939 :" Au cours de ma première scène, je me jette ? l'eau par désespoir d'amour, mais René Dary plonge et me tire d'affaire On me verra dans ce film avec mon cher accordéon blanc.." Mais ce film, seul témoignage visuel de la chanteuse, ne sortira qu'un an plus tard, le 9 mai 1940, après ses nouveaux passages ? l'A.B.C (8 décembre 1939) et Bobino (1er mars 1940) qui sera sa dernière apparition sur scène. Line Viala vit alors avec un ami avocat d'origine juive "S'il était resté, il aurait été déporté. Nous sommes partis pour le Portugal, nous avons rejoint le Brésil, puis les Etats-Unis". Après son départ, une certaine Colette Vivia interprétera certaines de ses chansons, au cabaret des Champs-Elysées L'Amiral, s'accompagnant, elle aussi, sur un accordéon blanc...
Revenue en France en 1948, Line Viala partagera désormais sa vie entre New-York et Paris jusqu'en 1960, s'occupant d'échanges musicaux avec les pays de l'Est.
Line Viala aura eu le mérite d'avoir tenté de sortir l'accordéon de son ghetto, de gommer son image un peu crapuleuse, de l'ouvrir ? un public plus raffiné. Mais son mérite s'arr?te l? : Elle ne chercha ni ? approfondir l'histoire de l'instrument, ni ? fréquenter les grands accordéonistes de son époque, ni ? œuvrer pour un répertoire spécifique. Pour elle, l'accordéon c'était surtout de l'accompagnement...


Hélène Stiévenard, dite Line Viala est née le 30 ao?t 1910 à Choisy-le-Roi (75 - Seine, aujourd'hui 94 - Val-de-Marne ) et décédée le 26 mars1998 à Saint-Cloud (92 - Hauts-de-Seine).


Illustration sonore

Voyons "Accord?on", du film Le Caf? du Port de Jean Choux en 1939 mis en ligne par l'excellent David Sylvestre :