imple café d'artistes, Le Chat Noir, quatre ans après, 1881, son installation au 84 boulevard du Rochechouart, déménage pour un hôtel particulier plus vaste, au 12 rue Laval (rue Victor-Massé en 1887), et devient un théâtre à succès et huppé., il inaugure un genre d'expression nouveau, le théâtre d'ombres avec Henri Rivière, inventeur "éclairé" !
Un peu d'histoire...
La fin du XIXème siècle est morne : après la chute du second Empire, la défaite militaire et le massacre de la Commune de Paris, c'est le retour de l'Ordre Moral !
Certes, l'amnistie des communards en 1880 est votée à l'unanimité, les exilés peuvent rentrer, les survivants revenir du bagne ; mais les espoirs révolutionnaires sont morts. Tel un ultime affront : la basilique du Sacré-Cœur sort de terre (dès 1886), sur la butte rasée de ses ruelles (là où les tueries furent les plus féroces) comme pour effacer le souvenir de la répression meurtrière du peuple révolté.
La mort de Jules Vallès, le "Jupiter des barricades", en 1885, ravive la colère et les blessures, avec des chansons vendues sous le manteau, comme "elle n'est pas morte" (la Commune), "le tombeau des fusillés", "l'insurgé"...
La défaite franco-prussienne de 1870 nourrit chez beaucoup un désir de revanche, le Caf'conc' entretient cette fibre patriotique, avec la bienveillance de la Censure, en proposant des chansons comme "le clairon", "le fils de l'Allemand", "le violon brisé"? (Voir à Amiati)
Pour distraction, les Parisiens ont à cette époque le bal ou le Caf'conc' avec ses programmes stéréotypés et ses textes filtrés par la Censure, et ... en 1881, le cabaret Le Chat Noir !
En novembre 1881, donc, ouverture du cabaret Le Chat Noir, par Rodolphe Salis, peintre médiocre mais homme d'affaires génial, assisté d'Emile Goudeau, chef de file des poètes agitateurs "Hydropathes", devenus les Hirsutes qui s'ancrent au Chat Noir avec notamment Charles Cros poète et inventeur qui séduit l'auditoire avec ses calembours.Un ancien bureau des Postes, tout en longueur et étroit, redécoré qui n'accueille ni anarchiste ni révolutionnaire, mais des amateurs de facéties ouverts à toutes les chimères. Le succès est immédiat ! L'aventure dure 16 ans, avec des collaborations multiples, des brouilles et des réconciliations. L'accueil n'est pas agressif.
Salis tient des discours de camelot pour vanter le talent de ses artistes qui passent plusieurs fois par soirée et qu'il ne rémunère pas. Du premier au second Chat Noir le ton reste convivial. Totalement libre, sans contrainte car il connaît le chef de la police municipale. Il n'a pas eu à demander d'autorisation pour installer un piano. Les rapports du père la pudeur qui surveille, saynètes, tenues et propos n'aboutiront jamais. Les chansonniers qui passent chez lui n'ont pas à soumettre leur texte à la censure. En 1884, il annexe pour s'agrandir une boutique mitoyenne pour laquelle Adolphe Willette va peindre la toile ??Parce Domine?! Populo tuo??, symbole de la jeune bohème montmartroise.
"Parce Domine, parce populo tuo", soit Pardonne Seigneur, pardonne à ton peuple -
Toile du peintre montmartrois Adolphe Willette, conservée au Musée Carnavalet - Paris
(source
PARIS MUSÉES)
Le cabaret édite dès janvier 1882 son journal "irico-blagueur" Le Chat Noir, quatre feuilles hebdomadaires qui le rendent célèbre, tiré jusqu'à 120 000 exemplaires, vendu dans la France entière, véritable vitrine du lieu. L'équipe de rédaction est la même que celle des artistes habitués du cabaret.
Il va notamment chanter "Mademoiselle écoutez moi donc??" qui a été censuré à plusieurs reprises ailleurs et ne l'est plus au cabaret pour lequel il crée la célèbre "Ballade du Chat Noir".
Je cherche fortune,
Autour du Chat Noir,
Au clair de la lune,
A Montmartre !
Je cherche fortune ;
Autour du Chat Noir,
Au clair de la lune,
A Montmartre, le soir.
Il chante à plusieurs reprises, chaque soir et Salis l'autorise à vendre, de table en table ses partitions qui portent encore son adresse?: 91 rue de Belleville.
En 1884, Il va chanter, entre autres?: "A Batignolles", "La Marche des Dos", "Serrez les rangs".
Comme il suit l'actualité et que la cinquième pandémie de choléra progresse, il écrit "V'la l'Choléra qu'arrive."
Théophile Steinlen venu de Lausanne va illustrer ses chansons qui connaitront parfois plusieurs dessins. Il a rejoint lui aussi le Chat Noir en 1884.
Salis s'est présenté aux élections en 1884 réclamant la séparation de Montmartre et Paris. Il commence à avoir des problèmes avec les souteneurs du boulevard.
Il décide, en 1885, de déménager pour un immeuble de trois étages 12 rue Laval (qui deviendra en 1887 rue Victor Massé, en hommage au musicien et académicien décédé en 1884) , ancien atelier du peintre Alfred Stevens qu'il réaménage et dont il fait refaire la décoration.
Bruant lui propose de régler l'affaire, de reprendre le local du boulevard Rochechouart à son compte. Il change le ton de l'accueil qui devient agressif. Il bouscule les clients. Il le rebaptise Le Mirliton avec son propre journal pour publier les paroles de ses chansons.
1885, le cortège du déménagement du Chat Noir est organisé selon le protocole de l'élysée. Il ne passera pas inaperçu. Prévu le 29 mai, il a été reporté, cette date étant celle des funérailles de Victor Hugo. Il se fera bruyamment et en musique, de nuit le 11 juin, signalons, en tête, deux chasseurs en culottes courte, un Suisse en livrée, Salis était lui-même en tenue de préfet, ses serveurs en tenues d'Académiciens. N'a-t-on pas donné au cabaret le surnom de l'Institut et l'un des serveurs se faisait interpeller sous le nom d'un peintre membre de l?Académie des beaux-arts Bouguereau, élu en 1876.
Rodolphe Salis disposant de plus d'espace va mettre en place, sur une idée d'Henri Rivière, le théâtre d'ombres. De nombreuses pièces commentées par Rodolphe Salis vont ainsi voir voir le jour et rencontrer un vif succès. Elles vont même faire partie des tournées.
Intérieur du Chat Noir 12 rue Victor Massé
Le Chat Noir partira pour des représentations en province. Il ira jusqu'en Belgique.
Fin 1896, de retour de tournée, il rouvre le cabaret.
Le 12 janvier 1897 a lieu la dernière représentation dans la salle des fêtes.
Salis n'a pas renouvelé son bail. Il vend ses meubles, en déménage et détruit les boiseries. Il songeait alors à ouvrir un troisième établissement.
Il meurt le 17 mars 1897 à Chatellerault où il repose. Il avait 46 ans. Tableaux, œuvres et objets seront dispersés lors de plusieurs ventes aux enchères.
Deux ans après sa mort, Henri Dreyfus dit Fursy rachète l'établissement qu'il rebaptise la boîte à Fursy.
De son côté, Jean Chargot va fonder le Caveau du Chat Noir, au 68 boulevard de Clichy.
Intérieur du Caveau du Chat Noir 68 boulevard de Clichy
Il a ainsi que l'exige la veuve de Rodolphe Salis l'obligation de mettre le mot Caveau afin qu'il n'y ait pas de confusion avec le Chat Noir créé en 1881, 84 boulevard Rochechouart.
Mais ! le mot Caveau disparaît de l'enseigne. Une nouvelle enseigne, s'installe au 68 boulevard de Clichy.
Répertoire entendu au Chat Noir à Montmartre de 1881 à 1897
"La Lune", poème onirique de Louis Denise
"La Ballade du Chat Noir", chanson célèbre d'Aristide Bruant