BIO-EXPRESS


A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W XYZ


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G


es informations dont nous disposons sont quelques fois très succintes et ne nous permettent pas vraiment de réaliser une fiche biographique conventionnelle, ou alors, il s'agit de quelqu'un ayant eu un rapport épisodique à la chanson. Aussi, nous ajoutons cette série de pages (en ordre alphabétique) pour diffuser les quelques renseignements que nous possédons sur les personnages ne faisant pas l'objet d'une Fiche biographique...




 Galilée, Charles

De Léon de Bercy dans Montmartre et ses chansons, Paris 1902 :

Ancien garçon limonadier, rendit un jour son tablier pour aller jouer la comédie en province ; y connut tous les déboires de la vie de baladin et se décida à revenir à Paris, sa patrie. Ne voulant point reprendre sa profession première, ­ dont il semble rougir aujourd'hui, bien qu'affichant des opinions anarchistes, ­ il se met alors à fréquenter les caveaux et y débite des vers de Paul Paillette.Mais, un jour, il se juge bien naïf de faire valoir le talent d'autrui quand il sent en lui-même pétiller le feu sacré ; et il se dit qu'il sera poète, ou tout au moins qu'il le proclamera. Après Boileau, ­ qu'il ignore, ­ il se rend compte que
Ainsi qu'en sots auteurs
Notre siècle est fertile en sots admirateurs.

Et le voilà qui se met à pondre des vers, des vers, et des vers, et toujours des vers, tant occupé par la recherche de la rime riche qu'il oublie de courir après l'orthographe et laisse passer le style sans l'arrêter. Cependant, afin de ne point dévoiler son ignorance (ô illusion !), il émaille son texte d'expressions latines et de tous les termes magnifiques et peu usités à la découverte de quoi s'écarquille son orgueil. Il collectionne ces préciosités et, sans nul souci de leur sens, il les lance au nez du bourgeois... ; et ce dernier est bigrement épaté !
Ainsi parle-t-il à Kruger :

Tu viens, attristé, mais stoïque,
Demander à la République
Le "coup de main" du compagnon :
Son giton est problématique ;
Sa crinière est un faux chignon ;
… .
Les potentats, que tu déranges,
­ Alors qu'ils chassent, ou qu'ils mangent ­
Refusent de te recevoir ?...
Cela sied bien à tes phalanges
Qu'il te faudra bientôt revoir ! ?
… .
Puisse, au port, aborder le dogre !
… Si, cette fois encore, l'ogre
A mangé le "petit poucet" ;
Quand même la force donne aux gre-
dins les champs que tu traversais ;
…. Et de la glèbe désolée,
De ta jeune race immolée
Sortiront les germes, sacrés !
De la concorde immaculée, ­
Qu'on clame les Miserere.

Pour les victimes qui reposent ;
Pour les flibustiers qui s'exposent ;
Pour les bandits au pilori ;
Pour les peuples qui s'ankilosent,
Le destin du monde est écrit.

Quel peut bien être le poète de notre décadence qui de problématique giton à la République ? Mais cela ne nous regarde pas ; contentons-nous d savoir que cela sied aux phalanges de l'Oncle Paul. Et réjouissons-nous que le destin du monde permette enfin une troisième rime à ogre. Résisterai-je au plaisir de vous éblouir de ce joyau que Charles Galilée me fit l'agréable surprise in dédier ? ­ C'est une ballade :

BALLADE DES TROIS COULEURS

La première, quand la nuit brève
Achève d'endeuiller les cieux,
Nous paraît être d'un beau bleu ;
D'un bleu léger, d'un bleu de rêve,
De rêve de bons petits fieus
Qui ne seront jamais nuisibles
Et deviendront plutôt risibles A genoux devant l'ostensoir !
Mais les spectres, indivisibles,
N'aperçoivent rien que du noir.

La seconde, lorsque s'élève
Au Zénith l'astre glorieux,
Semble être blanche aux curieux
Qui s'aventurent par la grève,
Clamant, d'un ton impérieux,
Des paroles intraduisibles
Alors que s'élèvent, plausible,
Les voix discrètes du savoir
Et que les gnomes, infusibles,
N'aperçoivent rien que du noir.

La troisième, lorsque s'achève
Le jour, ressemble au merveilleux
Eclat d'un couchant radieux.
Splendide, colossale, et brève,
La rouge prête aux factieux :
Forts de leurs haines, incessibles,
Ils montent aux inaccessibles
Sommets du rêve pour mieux voir !
Mais tous les lâ ches, impassibles,
N'aperçoivent rien que du noir.

ENVOI

Illusion, aux gueux loisible !
Les trois couleurs, quand vient le soir,
Flottent encor, mais invisibles,
Et, les bons promeneurs, paisibles,
N'aperçoivent rien que du noir.

Et voilà ! Il y a dans ce goût-là quatre mille vers distribués en quatre-vingts poèmes qui doivent former un livre sous ce titre Croquis. Mais n'est-ce point tout : Galilée promet encore la réunion en volume de vingt-cinq autres poésies sous le titre Loques et Hochets, sans préjudice de cinquante chansons dont le recueil portera nom : Chansons à Mariette.

De plus, il publie des thèses philosophiques sous ce titre générique : Etudes sur l'Absolu de l'Existence, dont la première, Dieu et notre Ame, vient de para?tre à la Librairie de Propagande Socialiste, 60, boulevard de Clichy. Il faut lire cela.

Galilée dit ses vers en convaincu : il croit que c'est arrivé ; et c'est avec fureur presque qu'il clame ceux auxquels il suppose une portée philosophique. Il a fait de fugitives apparitions aux Quat'-z-Arts pris huit jours durant la direction artistique de l'Alouette, fondé à l'Exposition de 1900 le Cabaret de la Butte (Andalousie au temps des Maures) et régi, rue Lepic, pendant un mois, les Rayons X. Particularités : ne veut être exploité ni par les directeurs, ni par les éditeurs, ni par la Société des Auteurs, ni par qui que ce soit. Il s'exploite lui-même. S'intitule fièrement et irréductiblement poète et se montre très vexé lorsqu'on le traite de chansonnier.



 Gangloff, Léopold

Compositeur décédé en 1898. Composa "La Boiteuse" (L. Delormel et L. Garnier - L. Gangloff) qui fut vendue a 400 000 exemplaires.

 

Source : "La chanson?sous la IIIe république" de Serge Dillaz.



 Ganier, Hector

De Léon de Bercy dans Montmartre et ses chansons, Paris 1902 :

Un bon et brave garçon qui se fit une spécialité de rajeunir et d'arranger les vieilles chansons de province ; traita également l'actualité politique. Il prit la direction artistique de plusieurs caveaux montmartrois, humbles satellites du Chat Noir Il obtint un grand succès avec quelques-unes de ses productions, dont les Frères de Citeaux. Quand il mourut, en 1888, il était directeur du caveau de la Gauloise. Je donne de lui ces couplets :

Pour une belle

A gente damoiselle
Toujours suis à rêver :
Quand l'étoile étincelle,
Le jour, dès mon lever.
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon rêver !

Mais la farouche belle
Ne veut pas me chérir ;
Pour fléchir la cruelle
Que lui faut-il offrir ?
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon souffrir !

Je donnerais pour elle
Mon pigeon messager,
Avec ma tourterelle,
Et mon chien de berger.
Ah !pour une belle
Qu'il I fait bon gager !

Pour un doux regard d'elle
Je deviendrais martyr,
Sans que jamais mon zèle
Puisse se ralentir.
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon pâtir !

Pour un sourire d'elle
Je me ferais damner,
D?t la joie éternelle
De moi se détourner.
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon donner !

Sur sa lèvre jumelle
Si j'arrive à quérir
Un br?lant baiser d'elle,
Je consens à périr.
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon mourir !

A la Sainte-Chapelle
Je veux m'agenouiller :
"Sainte Vierge immortelle,
"Daigne la conseiller !"
Ah ! pour une belle
Qu'il fait bon prier !







 Ganne, Louis

Louis Gaston (Gustave) Ganne est né à Buxières-les-Mines (03 - Allier) le 5 avril 1862, mais grandit ? Issy-les-Moulineaux. Il fréquente la classe du grand Jules Massenet (Werther - Thais) au Conservatoire national de Paris. Premier prix d'harmonie puis Second prix d'orgue. Il devient chef d'orchestre des bals de l'Opéra, compose des opérettes, de la musique de ballet, des marches militaires, des chansons populaires et crée l'Orchestre de Monte-Carlo en 1905. Il présidera la S.A.C.E.M. (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) en 1907. Louis Ganne fut, pendant un temps, le directeur musical (après-midi seulement) du célèbre Café des incohérents, qui, le soir venu, devenait un café-concert.
Louis Ganne s'éteint à Paris 17e, le 13 juillet 1923.

Il est le compositeur (entre autres) de :

C'est cette derni?re mazurka (dite japonaise) que nous écouterons, un peu pour ses accents "exotiques"(sic), endisquée en 1914 par l'orchestre Pathé, sur disque Pathé n°7007

Louis Ganne sera fait chevalier de la Légion d'honneur en janvier 1914.



 Garait, Émilie

Comédienne et chanteuse d'opérette née en 1839 qui fit ses débuts en 1856 aux Bouffes Parisiens dans les Pantins de Violette, une opérette-fantaisie en un acte d'Adam Adolphe Charles (1803-1856), livret de L. Battu.

En 1866, elle était aux Variétés où elle fut de la création de La Grande Duchesse (rôle de Wanda) en même temps que Hortense Schneider et José Dupuis.

Elle est décédée en 1903.



 Gasta

De Léon de Bercy dans Montmartre et ses chansons, Paris 1902 :

De son véritable nom Gaston Galempois.
Mort fou à l'asile de Vaucluse en septembre 1900.
Encore tout jeune homme, Gasta se produisit au caveau des Roches-Noires en compagnie de Joyeux et de Jean Varney. Il fut de la fondation du Casino des Concierges, dont il s'absenta quelque temps pour prendre la gérance du sous-sol de la Ville-Japonaise ; puis, revenu à Montmartre, il suivit Maxime Lisbonne au Jockey-Club de Montmartre et au Ministère des Contributions Indirectes. En 1900, on le chargea des représentations montmartroises à la Grande Roue de Paris. C'est là qu'il fut frappé par le terrible mal qui devait l'emporter quelques semaines plus tard, à l'âge de trente ans. Chansonnier adroit et fécond, Gasta s'appliquait spécialement à peindre les moeurs du monde interlope.

Il choisissait ses types dans les lieux de plaisir ou les "maisons de société" et les flagellait avec cruauté, recourant sans vergogne au mot cru, à l'expression ordurière. Il était sans pitié pour les tares et ridiculisait parfois le malheur avec une inconscience qui, pour l'observateur, était l'indice certain de sa fin misérable.
Voici un échantillon du talent de Gasta :

PREMI?RE COMMUNION

C'était la premier' communion
De la fille de la patronne.
Le soir, brillante réception
Au bordel. Près de la matronne,
Les filles, viande pas fra?che,
Les macq'reaux mangeant et buvant,
Et la sous-maitress' l'air revêche,
Trouvant le d?ner embêtant.
L'ingénu' présidant la fête,
Regardait de ses yeux vicieux
Un vieux cochon qui, d'un air bête,
Avait des gestes malicieux
Pourquoi ? C'est le propriétaire
De cette pâl' virginité.
Aujourd'hui, il doit satisfaire
Son sal' besoin en liberté.
Au fait, cette gosse est un' femme.
Ne vient-ell' pas de communier ?
Dès à présent c'est une dame,
Personne ne peut le nier !
Les verr's s'emplissent de Champagne ;
Les femm's goual'nt de sales refrains ;
Bref, c'est un pays de Cocagne,
Vrai république de putains.
Enfin, la patronne se lève
Et débite ce boniment :
"? Ma fille, au travail je crève !
Remplac' ta mère, mon enfant :
Que vas-tu faire ? Tu es jeune !
Ta soeur, ton frère à leur façon
S'occup'nt ! Un r'mèd' contre le jeûne
Est d'savoir gagner du pognon.
Allons ! ne fais pas la bégueule !
Sois franche, vite réponds-moi !
T'es gironde ! T'as un' bell' gueule
Que feras-tu de tes dix doigts ?"
La goss' prenant un air candide,
Se lève et répond lentement :
"J'su?s assez bath, j'ai pas un' ride,
Eh ben ! j'mass'rai : c'est amusant !
J'vous l'jure, au turbin j'suis pas flegme !
J'perds mon innoncence aujourd'hui ;
La préfectur' m'donn'ra un brême ;
Voilà c'que j'veux gagner c'te nuit !"
La macqu'rell' dit : ? "T'es bien gentille,
C`est tout que j'attendais de toi ;
Le vieux est là, monte avec moi ! "
.... Et la mère embrassa sa fille....



 Gesky

Ou Paul Gesky, né à Lyon le 25 avril 1885 et décédé à Paris le 26 mars 1974.

Pas tout à fait vedette de l'entre-deux-guerres, Gesky enregistre de la fin de la Première Grande Guerre au début des années 1930. Son répertoire est varié: chant patriotique, fox-trot, succès du jour. Sur certaines partitions, il est défini comme "Artiste lyrique". Il ne connait pas vraiment la gloire, parce qu'il enregistre principalement les chansons des autres. On n'entend plus parler de lui quand arrive la Deuxième Grande Guerre.

 

 

 






André Gill, caricature
de Hector Moloch (1860)

 Gill, André

Début 1840, Silvie-Adeline Gosset, une jeune couturière agée de 21 ans s'aventure avec le comte de Guines, un aristocrate peu recommandable. Le 17 octobre, elle met au monde un gar?on, André, que son p?re refuse de reconnaitre. La pauvre fille-mère en mourra de chagrin. Devenu peintre et caricaturiste André Gosset se fera appelé André Gosset de Guines et choisira de signer ses dessins du nom de André Gill.

Il publie ses premiers dessins en 1859 dans le Journal Amusant puis le Hanneton ainsi que dans des journaux satiriques comme Le Charivari, la Lune.

Lors de la Commune de Paris, il fait partie de la Fédération des Artistes, dirigé par Courbet et a la responsabilit? d'administrateur au musée du Luxembourg. En septembre 1871, il fait partie du cercle des poètes Zutiques, nom donné à un groupe informel d'artistes , qui se réunissaient à Paris, à l'hôtel des Etrangers.

En 1875, il fréquente un cabaret à Montmartre. En 1880, à la demande du propriétaire de dessiner une nouvelle enseigne, il peint un tableau qui représente un lapin bondissant d'une casserole. Reproduit sur un panneau de bois par Osterling il devient l'enseigne du cabaret de la rue des Saules" Le lapin à Gill" deviendra "le Lapin Agile". A partir de 1881, la santé mentale d'André Gill se détériore, il meurt le 1er mai 1885 à Saint-Maurice (75 - Seine, aujourd'hui 94 - Val de Marne).

Voir également Au Lapin Agile.






Gobin dans La Fauvette du Temple - 1885

 Gobin

Né le 26juillet 1843 à Paris et décédé à Royan (17-Charente-Maritime) le 6 août 1907.

Paulus, dans ses Mémoires, ne le mentionne qu'en passant (chap. 9) car ce ne fut pas, à proprement parler, un artiste du café-concert : Charles Constant Gobin fut en effet plus comédien que chanteur mais il fut un comédien considérable :

Il débuta, comme le souligne Paulus, figurant au Théâtre Montmartre. C'était en 1860 et il avait alors 16 ans. Des bouts de rôles lui sont confiés là, puis à la Porte Saint-Martin et même au Palais-Royal jusqu'à ce que Cogniard, le directeur des Variétés, voit, dans le gros bonhomme à l'œil ahuri et au sourire communicatif qu'il était devenu, la vedette de ses futurs féeries au Château-d'Eau. C'était en 1870, peu de temps après que Paulus ait eu fait sa connaissance. Il y resta quatre ans avant de repasser au Théâtre de la Porte Saint-Martin qui, cette fois-là, en fit son premier comique.

Il y resta sept ans, faisant partie de presque toutes les pièces reprenant tous les rôles de son prédécesseur, le gros Laurent, en créant d'autres et en donnant une nouvelle vie à certains depuis longtemps oubliés.

Les Folies Dramatiques l'accueillirent à leur tour où il devint notamment un Bonacieux inoubliable dans les Petits Mousquetaires de Louis Varney (100 représentations), un Agénor époustouflant dans la Fauvette du Temple d'André Messager.

Retour au Palais-Royal en 1896 qui, cette fois en fait une de ses principales vedettes puis retour également à la Porte Saint-Martin et aux Bouffes où l'on ne cesse de lui fournir des rôles à son immense mesure.

Dans La Fauvette du Temple...

... dans Juanita...

... dans L'œuf rouge.

Il a cinquante-six ans quand il décide de prendre, en 1901, sa retraite, une retraite fort confortable où il s'éprit de la nouvelle folie du siècle naissant, l'automobile. Elle ne dura, hélas, pas trop longtemps car, atteint d'urémie, il mourut le 6 août 1907 laissant, parmi d'autres donations, plusieurs milliers de francs à la Société des artistes.






Avec ses longs cheveux, sa longue redingote,
Poussant de longs soupirs tout le long du trottoir,
L'esthète à pas très lents piétine dans la crotte,
Les yeux perdus au loin dans la brume du soir.
Il semble marcher dans un songe,
Loin de la terre et près des cieux :
Sans doute un sourd travail le ronge,
Enfantement laborieux !
Sans doute il parle avec sa Muse,
Il cherche le Verbe Idéal,
Sans voir que sa chaussure s'use,
Que son chapeau se trouve mal !
Mais non : la Muse chère à son rêve d'esthète
N'est pas dans le ciel bleu, près des étoiles d'or !
Ecoutez les doux mots que sa lèvre répète,
Pendant qu'il déambule en soupirant plus fort :
"Qu'elle soit vierge ou demi-vierge,
"Quart de vierge ou bien moins encor ;
"Qu'elle soit mince comme un cierge,
"Décharnée ainsi que la Mort ;
"Qu'elle soit grasse comme une oie
"Et gonflée ainsi qu'un ballon,
"Peu me chaut, pourvu que je voie
"Beaucoup d'écus dans un blason !
"Puissé-je rencontrer la compagne idéale,
"Celle qui vous soutient tout le long du chemin,
"Celle qui chaque jour vous remplume et vous cale,
"Un sourire à la bouche et de l'or dans la main !
"Et qu'importe qu'elle soit laide
"Comme plus laid des chameaux,
"Aveugle ou borgne sans remède,
"Qu'elle ait toutes sortes de maux !
"Elle sera la Muse chère
"A mon cœur de poète errant,
"Car son argent saura me plaire,
"Et le reste est indifférent !"


Avec ses longs cheveux, sa longue redingote,
Poussant de longs soupirs tout le long du trottoir,
L'esthète à pas très lents piétine dans la crotte,
Les yeux perdus au loin dans la brume du soir !


 Gondoin, Jules

Né le 4 août 1869 à Nonancourt (27 - Eure) et décédé le11 janvier 1945 à Paris.

A utlisé le pseudonyme de Jules Denancourt ou Jules de Nancourt.

Ce que dit Léon de Bercy (Montmartre et ses chansons, Paris 1902) de ce chansonnier :

Dans les derniers temps de son existence, le Chat Noir comptait au nombre de ses habitués un tout jeune homme long et mince, au visage agréable, à l'œil ingénu, qui, à cause de ses trop fréquentes visites aux cabarets montmartrois, faisait le désespoir des siens. C'était Léon Ohnet, – le fils du romancier, – qui rêvait de demander à l'art (il ne savait au juste lequel) une existence aussi luxueuse qu'indépendante. Il était quelquefois accompagné d'un homme de vingt-cinq à trente ans qui lui donnait des leçons particulières pour le préparer au baccalauréat ès lettres. Nous apprîmes un soir que, à la suite d'une pique avec l'auteur du Maître de Forges, le professeur avait résigné ses fonctions. C'est alors que son élève le présenta à Salis comme chansonnier.

Le maître du lieu demanda quelques renseignements, puis il annonça au public : "Jules Gondoin, messeigneurs et nobles dames, que vous allez entendre et applaudir, avant qu'il nous quitte pour traverser le pont des Arts, était hier encore le professeur de philosophie, de français et de maintien de M. Georges Ohnet, dont l'indécrottabilité l'a dégoûté au point qu'il s'est vu forcé de venir demander au Chat Noir, ce refuge de tous les talents, d'émettre en relief ses brillantes qualités poétiques. J'ai dit ! La parole passe, messeigneurs, à Jules Gondoin !"

Le succès du débutant s'affirma d'emblée ; Salis se l'adjoignit définitivement et l'emmena en cette tournée fameuse dont Montoya a écrit la relation [Le Roman Comique du Chat-Noir. Flammarion, édit.].

Gondoin (Jules-Alfred-Alexandre) est né à Nonancourt (Eure) le 4 août 1869 ; il est licencié ès lettres et président du comité de Paris de la "Concordia", société d'études et de correspondances internationales. Entré au Chat Noir à la fin de 1896, il ne chansonna guère que deux ans ; sa production cependant est nombreuse et pourrait fournir amplement matière à deux volumes. Ses premières chansons sont bien montmartroises, et leur causticité n'a rien de violent ni d'outrageant ; elles semblent être sorties de la collaboration de Mac-Nab et d'Eugène Lemercier et demeurent cependant bien personnelles. Je me rappelle de lui, parmi les plus amusantes : "La Chanson à l'Académie", "Lamentations d'un Médecin", "Mariage de convenance", "Une Histoire de Palmes académiques" [Ondet, édit.], "Les Malheurs de Francisque", "Un Discours du Père La-Pudeur", "Les Restes de Voltaire et de Rousseau". Il a également écrit des vers sérieux, comme Mes Baisers sont des Papillons, La Nuit descend des deux, Réveil, Dormez ma Mie [Baudoux, édit.], Je t'adorais [Ricordi], Soirs d'Eté, Un peu, beaucoup, passionnément [Joubert, édit.], et une trentaine d'autres jolies romances de salon. Avec L'Enlèvement de Gyp, Le Dernier article de Séverine, La Crète de Sarah, Les Projets de Liane de Pougy, Congrès féministe et La Journée de Sarah Bernhardt, il donna une note anti-féministe, qui le conduisit... au mariage.

Actuellement, Gondoin s'occupe de critique littéraire et de composition dramatique. Il a passé des articles dans divers journaux, notamment au Figaro, au Journal pour tous et au Gil Blas illustré ; il fait la chronique à Concordia et ; collabore à la Bévue Eolienne, à la Mode, et à la Revue Cartophile ; il a déjà fait représenter Une Ancienne, comédie en un acte, et La Mort de Pierrot, mimodrame mêlé de chant. Il a en cartons une comédie en cinq actes : Les Débrouillards ; une en quatre actes : Bengaline ; un acte d'opéra-comique : La Leçon de Chant, musique d'Esteban Marti, et trois actes d'opérette : Le Roi de Carton, avec musique d'Irénée Berge.

Malgré qu'on ne le voie plus à Montmartre, le camarade Gondoin chansonne encore de temps en temps ; à preuve cet Esthète tout récemment né et qu'il m'autorise à reproduire :

< voir encadré ci-contre

J 'ajouterai que Gondoin a actuellement deux livres en préparation : Lermontoff et la Poésie byronienne en Russie, ouvrage de critique littéraire, et Rimes sans Raison, recueil de poésies.

Note supplémentaire : On retrouve sur le WEB les titres de plusieurs comédies en un acte écrites par Jules Gondoin soit seul ou en collaboration et ce, jusqu'en 1914. Après, plus rien. Michel Herbert dans La chanson à Montmartre (La Table Ronde, 1967) nous informe que cet ancien professeur (lycée de Tarbes) se serait mué en préfet de la Troisième République...
Il fut préfet de l'Ain en 1922

   


 Goublier, Gustave

Compositeur (1856-1926). De son vrai nom Gustave Conin. Son pseudonyme reste lié à quelques œuvres connues comme "L'Angélus de la mer" et "La Voix des chênes".






 


L'IMPOSSIBLE RÊVE


Pauvres êtres humains, pauvre foule éphémère !
Prisonniers évadés du ventre de la mère,
Conceptions des nuits, naissances des hasards,
Jeunes greffes, bourgeons d'hier, ô milliards
D'individus ? parfois femelle, parfois homme ?
Projetés au soleil sans savoir quoi ni comme...
Néants qui du Néant reprenez le chemin...
Parasite de la Terre, vieux genre humain
Attaché pour toujours à la terrestre fange,
O fantastique roi des Bêtes, qui fais l'Ange...
A boucler tes désirs, résigne-toi, petit !
Au niveau du repas borne ton appétit...
Quelques milles en l'air, et voilà ton couvercle.
Lorsque tu veux marcher, tu voyages en cercle.
Fermé partout, là-haut, là-bas, plus loin, toujours,
Quels que soient tes espoirs, tes luttes, tes amours,
Les crampes de ton cœur, les rêves de ton ventre,
Une force t'attire à jamais vers le centre
Du globe ridicule où nous sommes liés,
Énergique prison qui nous tient par les pieds.


Oh! s'échapper!... Rêver qu'on flotte dans l'espace,
Que la terre au-dessous de nos ailes s'efface;
Toute une nuit, dans l'ombre épaisse du sommeil,
Songer que l'on a pu coudoyer des soleils...
Puis, à l'aube, reprendre avec horreur sa tâche.
Sentir qu'un invisible argousin vous rattache
A de mesquins labeurs, à des plaisirs mesquins...
Monnayer les soleils du rêve en vils sequins...
Tenter de ressaisir à pleins poings la Chimère
Qui s'évade laissant une ironie amère :
Pour retrouver les grands précipices des Cieux,
Aller plonger ses yeux, amantes, dans vos yeux;
Pour avoir un semblant de pétillement d'astres,
Guetter l'or à travers des milliers de désastres,
Travailler, s'empoigner, lutter, suer du sang,
Aimer, jouer, jouir, salir du papier blanc,
Accumuler richesse, honneurs, génie et gloire,
Puis... comme le vin pur ressemble au soleil... boire...
Et faire tout cela sans avoir jamais pu,
Sinon par impuissance,être jamais repu.


Ah ! plutôt que lutter contre la Force immense,
Plutôt que de lancer nos désirs en démence
Vers les clartés d'En-Haut, pleines d'obscurités,
Puits d'où ne tombe pas sur nous la Vérité,
Plutôt que d'assaillir le dieu des Nébuleuses,
Roi du Chaos et des Étoiles fabuleuses,
Subissons les arrêts de ce despote dur :
Couchons-nous, et dormons sur notre lit obscur !
Laissons l'odieux Ciel insondable ! Qu'on ferme
L'espace fou qui n'a commencement ni terme !
Dormons ! et, repliant les bras, courbant le dos,
Que nous n'aimions plus rien, sinon le grand repos...


Plus d'inconnu ! plus d'infini ! plus d'hirondelles !...
Bondir, pour retomber brisés... Coupons nos ailes.


 Goudeau, Émile

(1849-1906)

Voici ce que disait Léon de Bercy (Montmartre et ses chansons, H. Daragon, libraire - 1902) à propos de ce poète, chansonnier, romancier, fondateur des Hydropathes et célèbre pour ses mystifications:

Qui ne connaît l'auteur des Voyages d'A'Kempis, le parfait poète des Fleurs de Bitume et des Poèmes ironiques, le fondateur et inamovible président des Hydropathes, l'intéressant chroniqueur de Dix ans de Bohème, le romancier puissant de la Graine humaine, le paradoxal fantaisiste, le savant helléniste, lettré délicat, disert, éloquent, persuasif, touchant et élégant- le pur artiste, en un mot - qu'est Émile Goudeau ? Et n'est-ce point de ma part un "pléonasme" que d'oser le présenter ici ?

Dans le dernier numéro de l'Hydropathe (22 décembre 1899), il expose ainsi lui-même, sous la signature Hégé, sa généalogie :

"Le premier Hydropathe dont il soit fait mention remonte à l'âge de la pierre éclatée. Il n'avait pas de nom, selon l'usage de ces êtres primitifs; mais tout porte à croire que la syllabe; Go, qui signifiait Dieu, ou Chef, ou Maître, lui fut appliquée. D'ailleurs, à l'âge du bronze, on retrouve un certain Go qui devait descendre de ce premier Hydropathe.

"Une foule de commentateurs qui s'acharnent à déchiffrer les pierres runiques et les monolithes de l'Arrière-Egypte assurent que ce Go, que les Phéniciens, en leur alphabet, écrivaient par gamma-oméga, était le même que Io, la Vache Sacrée, et que Iod, qui est la première lettre du nom de Iaveh.

"Ainsi Go (Gê-ô ou gamma-oméga), de même que Io ou Iod, aurait signifié la Divinité, soit mâle, soit femelle, et le premier Hydropathe, si l'on en juge d'après ces savants, devait être hermaphrodite et divin.

"Vint ensuite une génération, durant la préhistoire, une peuplade qui, allant vers le Nord, reconnut pour chef un Hydropathe Scalde, qui s'appelait Ud ou plutôt Vd, d'où le nom des Védas mythologiques.

"Il y eut là, ce semble, deux familles d'Hydropathes, sorties du premier Hydropathe hermaphrodite des temps de la pierre éclatée et de l'âge de bronze : les Go et les Vd.

"Et de même que les Angles (sic) et les Saxons finirent par former un peuple agréablement connu dans l'univers sous le titre d'Anglo-Saxon, de même, par une sorte de fusion assez fréquemment observée dans le domaine historique, les Hydropathes cosobrins, ou cousins, si vous voulez, les Go et les Vd ou Ud fusionnèrent en une race qui, dès le temps des Grecs et des Romains, s'appela les Ioûd ou Govd, d'où le nom de Goth est sorti. Et aussi le mot God, qui signifie Dieu en anglais et qui rappelle le Iod des vieux Iavhistes.

"Il y a là un mélange singulier de doctrines indo-européennes et sémitiques qui troublent l'observateur superficiel. Mais que celui-ci daigne un instant considérer que toutes les religions et toutes les races se tiennent à l'origine, comme l'indique le si lointain symbole de la fraternité de Sem, Cham et Japhet.

"Donc, nous eûmes, à partir de Charlemagne, les Hydropathes Govd, appelés aussi Goud.

"Survint le Moyen âge - car tout survient à qui sait attendre, et les archéologues et archivistes sont de patientes gens qui savent attendre. Donc, le moyen âge étant survenu, voilà qu'une branche cadette, plus féminisée que l'aînée et dirigée par une femme appelée Eav, ou Eaû (ce qui rappelle Eve ou Eva, car tous les symboles se tiennent) s'éloigna du tronc principal de l'Hyropathie, laquelle, dès lors, sembla dégénérer et tomber dans l'oubli.

"Où trouve-t-on trace des Hydropathes sous Henri IV ou sous Louis XIV, sous la Révolution et sous l'Empire ? Il n'en est pas une, excepté dans quelques récits de la Bohème, écrits en vieux tchèque-tziganique et à peu près indéchiffrables.

"Mais voici qu'au début de ce siècle, on trouve une famille hydropathe dans les cavernes du Périgord. Cette famille ayant soudé les diverses branches hydropathiques, les masculinistes comme les femellistes, s'appela, sur les registres devenus obligatoires de l'état civil, les Govd-Eav, d'où, par ignorance sans doute ou malveillance, les officiers municipaux firent GoudEau et, par corruption, Goudeau..."

Donc, Émile Goudeau naquit à Périgueux, en Périgord vers le milieu du siècle dernier.

En ce qui concerne ses débuts, si le lecteur en a la coupable ignorance, je l'enverrai à la Bibliothèque Nationale s'esjouir deux heures durant à la lecture de Dix ans de Bohème. Qu'il me suffise de dire ici que le président des Hydropathes fut l'instigateur du mouvement littéraire montmartrois, le bras droit de Rodolphe Salis et l'âme du premier Chat Noir. C'est lui qui sut amener et grouper à Montmartre cette phalange de poètes dont s'honore aujourd'hui le Théâtre et les Lettres. Et si Rodolphe Salis a fourni l'écrin, Goudeau fut celui qui choisit pour le garnir les étincelants joyaux dont l'éclat se projeta et se projette encore en rayons de gloire autour de la Butte Sacrée.

Après vingt ans, il est resté fidèle à Montmartre. Car, après l'avoir applaudi à l'Hostellerie-du-Lyon-d'Or et à la Roulotte, nous l'avons vu organiser avec Willette les fêtes de la Vachalcade, le bal du Déficit et rédiger en chef le journal des Quat'-z-Arts.

En mémoire de la joie et de l'exquise sensation d'art que j'ai toujours éprouvées à la lecture ou à l'audition des œuvres de Goudeau, je donne ici les vers qu'il nous récita à la dernière réunion des Hydropathes :

< voir encadré ci-contre


Notes :

En 1911, la municipalité de Paris a remplacé le nom de la place Ravignan (du nom du prédicateur jésuite Gustave-François-Xavier de La Croix de Ravignan - 1795-1858) par celui d'Émile Goudeau. Au numéro 13 de cette place se trouve le nouveau Bateau-Lavoir (1978), le précédent ayant été détruit lors d'un incendie en 1970.






Jean Goudezki
par Georges Redon (1895)


 Goudezki, Jean

De son vrai nom, Edouard Goudez est né à Louvignies-Bavay (Nord), fils d'un industriel, le 20 décembre 1866. Après des études à Valenciennes, il vint à Paris pour y faire son droit et se tourner, vers 1890 à la chanson et débuter, récitant des poèmes de son cru, à l'Hostellerie-du-Lyon-d'Or pour ensuite partir en tournée avec Trombert, le futur directeur du cabaret des Quat'z'Arts, et faire une entrée triomphale au Chat-Noir, où ses satires furent très appréciées par un public médusé.

Goudez-Goudezki ? "Pour qu'on ne s'étonne pas de me voir boire comme un Polonais" disait-il.

Ami d'Alphonse Allais, il écrivit, comme lui, au Journal, des articles vitupérant la bourgeoisie (dont, curieusement, il faisait partie) tout en publiant des poèmes un peu partout notamment dans des recueils intitulés Chansons de lisière, Les vieilles histoires ou Les Montmartroises.

Antisémite notoire il écrivit, en outre, plusieurs couplets contre les juifs dans La Libre Parole.

En 1897, on le retrouve à la Muse de Montmartre, mais il disparaît peu de temps après.

Michel Herbert dans La chanson à Montmartre (La table ronde, 1967) nous informe qu'à la mort de son père (vers 1898) il alla finir ses jours, en industriel respectable et rangé, ayant repris la direction de la fabrique paternel, dans son village natal.

Amateur de calembour, il en fit des célèbres. Comme celui qu'il inventa, voyant une prostituée maigre et longue : "Tiens, dit-il, l'Odalisque de Luxure !" ou encore :

Bas-bleu

C'est le bas-bleu que l'on me nomme,
Bas-bleu qui n'est point femme et n'a
Ni la virilité de l'homme,
Ni la candeur de l'Auvergnat.

Pour moi, l'inconstante compagne,
On a livré plus d'un combat,
Et cependant mon coeur ne bat
Mon coeur ne bat que la campagne.

Pour dissiper mon long ennui.
J'ai près de moi toute une garde
De poètes qui, jour et nuit,

De frais madrigaux : me bombarde.
Je peux dire : "C'est moi qui suis
La véritable Femme à Barde."

Son sonnet olorime, dédié à Alphone Allais, demeure un classique :

Invitation
(À venir à la campagne prendre le frais, une nourriture saine et abondante, des sujets de chroniques et des bitures.)

Je t'attends samedi, car Alphonse Allais, car
A l'ombre, à Vaux, l'on gèle. Arrive. Oh ! la campagne !
Allons – bravo ! –  longer la rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l'écart.

Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L'attrait (puis, sens !) : une omelette au lard nous rit,
Lait saucisse, ombre, thé des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l'est tôt. L'art nourrit.

Et, le verre à la main, – t'es-tu décidé ? Roule —
Elle verra, là mainte étude s'y déroule,
Ta muse étudiera les bêtes et les gens !

Comme aux dieux devisant, Hébé (c'est ma compagne)...
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m'accompagne...
Amusé tu diras :
"L'Hébé te soûle, hé ! Jean !"

Jean Goudezki décède en 1934.






PATRIOTARD


C'est un dégénéré simplement veule et flasque
Qui mesure un guerrier à l'ampleur de son casque.
Son finie est de ruolz
(1), son cœur de maillechort (2).
Il prend pour uriner des poses de ténor.
Son crâne est un musée où des images dorment
D'ustensiles guerriers, d'éperons, d'uniformes.
Son courage est en zinc, et son verbe brutal
A des sonorités d'un goût... municipal.
A sa littérature il n'est pas de remède ;
Il suinte des vers de monsieur Déroulède,
Où de jeunes enfants, coiffés de blonds cheveux,
Sont nommés caporaux en distiques piteux,
Pendant qu'un vieux sergent, sous des grêles de balles
Couche sur des drapeaux, mange dans des cymbales,
Ou, la main sur l'affût de deux ou trois canons,
S'asseoit sur des tambours en sonnant du clairon.
Le bouillant, le bruyant, le braillant patriote
Est un être malsain: s'y pique qui s'y frotte.
Sa marotte lui vint, un jour de révision,
Quand le major lui dit: "Remets ton pantalon.
Ta triste architecture est un bloc pitoyable,
Tu ne feras jamais un troupier convenable."
Lors, en son cœur, le chant, russe, autant qu'usuel,
Quoique quasi anticonstitutionnel,
A dit son bon vouloir, son ivresse de vivre,
Aux sons républicains d'une musique en cuivre.
0 jour trois fois heureux ! Béni soit le major
Qui préserva tes pieds des oignons et des cors.
A toi bocks et vermouths, kummel, absinthe pure,
Et les rêves d'alcool que ton esprit suppure,
Evoquant le décor des Quatorze-Juillets,
A toi pétards, fusées et coups de pistolets,
Chaussette franco-russe au parfum de pandore,
Ceinture à la moujik
(3), caleçon tricolore !
Embrasse, coq gaulois, l'aigle dominateur !
Vive la liberté, béni soit l'empereur !
Et, fétide, il s'en va, de gargote en gargote,
Ressasser des propos de femelle en ribote
(4),
Danser la moscovite, en songeant à Moscou,
De sinistre façon s'asseoir un peu partout,
Dans un ruisseau rêver de blondes cantinières
Posant sur ses genoux leur croupe hospitalière.
Et puis, un beau matin, a question d'Orient,
Du Niger ou d'ailleurs, aura l'inconvénient
De faire résonner la trompette de guerre.
Les simples s'en iront défendre la frontière,
Mais lui, le bon gueulard, soudainement promu
Au rang de spectateur, et gravement ému
En songeant aux malheurs qui menacent la France,
Ira dans un désert enterrer sa souffrance.
Prudent, il se tiendra loin des endroits malsains
Où d'autres, sans orgueil, sans discours, sans refrains,
Iront faire ajourer le drap de leurs capotes
Pour le compte de faux et bruyants patriotes.


 Gréjois, Henri

D'après Léon de Bercy - Montmartre et ses chansons - H. Daragon, libraire - Paris - 1902.

< Encadré à gauche. Voici ce qu'il disait à propos de ce parolier-violoniste-comédien-présentateur, né en 1876, qui fut également correcteur, préfacier (Œuvres de Paul Delmet), directeur artistique et auteur de nombreuses pièces en un acte, d'une comédie-bouffe en trois actes (La Bonne affaire, en 1906) et de multiples comédies qu'il écrivit en collaboration avec Gabriel Tallet, Gualbert Guinchard, Adrien Gau, etc., mais surtout connu pour ses délirants poèmes et chansons satiriques (quoiqu'il écrivit les paroles de valses et autres chansons de facture plus classique telle que "Parfum d'été" mis en musique par Léo Daniderff).

Je dirigeais le spectacle au Conservatoire de Montmartre lorsque, en 1898, s'y présenta Henri Gréjois, qui, après deux ou trois jours d'essai et sur mes instances, fut engagé à raison de 3 fr. 33 par soirée. Il débuta avec quelques satires très acerbes, mais d'une forme un peu lâchée, châtiant les sottises et le ridicule des gens du monde, le jésuitisme et l'hypocrisie politique. À la lecture de la pièce ci-dessous, qui obtint beaucoup de succès, on aura une idée exacte de la façon dont il traite ses sujets :

< voir encadré ci-contre

C'est à Clamecy que revient l'honneur d'avoir vu naître, en 1876, Henri Mazier, dit Gréjois, qui fit ses études à Paris, à Bourges, à Blois, à Laval, au Puy, à Toulouse (où il passa son bachot) et à Paris. Afin d'esquiver le service militaire, il fait deux années de médecine interrompues, à trois reprises différentes, par des tournées qu'il fait en compagnie d'une troupe de comédie. Il entre ensuite dans la maison d'édition Picard et Kahn, à Paris, en qualité de correcteur; il y corrige des livres de "prix" dont les auteurs nouent d'aimables idylles entre enfants de treize à quinze ans; il revoit également un Traité sur les Engrais naturels, où il développe sur la respiration des plantes des théories aussi dramatiques qu'abracadabrantes. Mais une gastrite lui fait abandonner la correction. Il entre alors comme premier violon dans un quintett au café de la Cloche, rue Custine, à raison de six francs par jour. De là, il fait, avec le même emploi, plusieurs saisons dans des stations thermales.

En quittant le Conservatoire de Montmartre, où il était parvenu, non sans peine, à obtenir la pièce de cent sous quotidienne, il entre au Cabaret des Arts et simultanément aux Noctambules. Nous le retrouvons en 1899, aux Mathurins, où le public snob avale difficilement le fiel de son ironie, aussi n'y reste-t-il que quelques mois, au bout desquels il revient à Montmartre, et grimpe sur le Tréteau-de-Tabarin. Enfin, en 1900, il prend la direction artistique du Cabaret des Noctambules, qu'il exploite aujourd'hui pour son propre compte et où il sait, par le choix de son programme de chansonniers et la représentation d'amusantes piécettes, attirer et retenir la jeune clientèle du quartier des Ecoles. Entre temps, avec Chardin comme imprésario, il a fait la tournée de La Bodinière, cumulant, avec un égal bonheur, les fonctions de présentateur, d'acteur et de chansonnier.

Gréjois a écrit le livret de deux pièces d'ombres : Le Festin de Balthazar, en vers lyriques, avec la collaboration de Raymond Ballu, musique de Jeanne Valentin, ombres de Auglay, représentée au Conservatoire de Montmartre en 1899, et Le Voyage de Mimi Pinson, revue latine avec ombres, jouée en 1900 aux Noctambules, pendant deux mois, avec un succès non interrompu. Il a également composé, pour le même établissement, Mars en Carême, 1901, Dame Sérieuse, avec Jihel, L'Affaire Boutavant, avec Jihel et Butot, et enfin, en collaboration avec Lucien Boyer, la revue qu'on devrait représenter en ce moment. Car, à l'heure où nous mettons sous presse, nous apprenons que, des difficultés ayant surgi entre Gréjois et le propriétaire des Noctambules, celui-ci a repris l'exploitation et composé une troupe nouvelle.

Gréjois compte de nombreux succès de cabaret, je citerai plus spécialement "L'Irrigateur", "Les Apostrophes", "Le Lancement du Coppée", "L'Ecole des Journalistes", "Confidence du Roi Edouard VII au Duc de Connaught", "L'Homme coupé en morceaux", "Recette pour avoir les Palmes". Je signalerai également une nouvelle parue dans Bono Dum-Dum (Jeanne Landre, édit.) : Le Coeur de la Reine.


(1) Le ruolz est un alliage de cuivre, de nickel et d'argent mis au point par le comte français Henri de Ruolz qui lui donna son nom.
(2) Le maillechort est un alliage de cuivre, de nickel et de zinc d'aspect argenté, et pour cette raison parfois appelé argentan, mis au point par les Français Maillet et Chorier en 1819, ils lui donnèrent son nom.
(3) Le terme moujik désignait dans la Russie impériale un paysan de rang social peu élevé, comparable à un serf.
(4) Bombance.



 Guirand de Scevola, Lucien-Victor

Artiste-peintre et musicien né, Victor Lucien Guirand le 14 novembre 1871, à Cette (aujourd'hui Sète 34 - Hérault) et décédé à Paris le 29 mars 1950.

 

Selon : "La chanson sous la IIIe république" de Serge Dillaz :

Artiste-peintre et musicien n? en 1871, d?c?d? en 1950. Chanta aux Quat'z'Arts.



 Guy-Blaché, Alice

Alice Guy (Blaché), réalisatrice française, est née le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé.

Première réalisatrice au monde, en 1896, avec le film La Fée aux choux, dans lequel elle associe le cinématographe (des Frères Lumière) et l'art théâtral par le système du Chronophone [*].

On lui doit notamment les Phonoscènes [*] dans lesquels évoluent Dranem, Polin ou Mayol et que l'on retrouvera dans leurs pages respectives.

Elle crée un nouveau genre : le septième art. Première femme créatrice d'une société de production cinématographique, la Solax Film Co en 1910.

Elle décède le 24 mars 1968 Mahwah (New-Jersey).


[*] Brevet déposé en 1910 par Léon Gaumont. Système (amplification mécanique créée par la modulation d'un flux d'air comprimé) servant à produire et synchroniser un son suffisament puissant et audible dans une grande salle (ca. 4000 places) contrairement au grammophone allemand. Ce système augmente sensiblement la durée de projection et associe disque et film appelé Film parlant ou Phonoscène.



Guyon, père imitant La Bordas




Guyon, fils

 Guyon, Père & fils

Alexandre Guyon, le père, est né en 1830. Il était ciseleur de son métier et grand admirateur de Debureau. S'étant lié d'amitié avec le fils de ce dernier, il se fit, en 1847, machiniste pour voir son idole tous les soirs. Comme il était de toutes les représentations et le suivant de théâtre en théâtre, on lui laissa le privilège, en 1850, de revêtir le costume de Pierrot sous le nom d'Alexandre. - Avec Debureau père et Debureau fils, il fut non seulement au paradis mais apprit son métier.

Plus tard, aux Folies Dramatiques, sous le nom de Guyon, il se fit connaître pour, entre autres, sa faculté de jouer d'à peu près tous les instruments de musique.

Il est un Hercule, nous dit le Docteur Goninet, un fidèle lecteur : un biceps gros comme la cuisse d'une femme géante. Serrurier-mécanicien, il se construit lui-même ses maisons. Habitant Nogent, dans une île, il se fabrique, en véritable Robinson, des cages à poulet, des chaussures, des tournebroches...

Engagé à l' Eldorado (voir Paulus, Mémoires, chap. 12), il y fit surtout connaître pour ses dons d'imitateurs (La Bordas - voir à Amiati) puis rentra aux Variétés en 1876 où il resta jusqu'en 1883.

En 1895, âgé de 66 ans, il obtint la pension de 500 francs de la Société des artistes.

Son fils, Guyon fils, devint, comme son père, artiste de café-concert après avoir suivi des cours au Conservatoire de Musique. - Les deux furent des compagnons de Paulus qui les mentionna souvent dans ses Mémoires : chap. 12, 14, 16, 17 et 19.

Voir aussi à Les étoiles du café-concert.

Guyon, fils


Guyon, père eut également une fille, Aline, qui devint comédienne mais qui mourut très jeune.