oli minois, voix pure, pas trop suraiguë , un peu d'espièglerie, de multiples talents - une diction, par contre, qui aurait mérité une certaine amélioration. - Voilà Jeanne Aubert résumée en quelques mots. - Ajoutez à cela une comédienne non seulement passable mais surprenante.
Née Jeanne Perrinot, le 21 février... 1906 (ou serait-ce 1900 ?) [*], d'un père qui, selon la légende, était un "aristocrate" (pourquoi pas ?) et d'une mère "vendeuse de fleurs" (encore mieux., non ?), Jeanne Aubert serait montée sur scène pour la première fois vers l'âge de cinq ans avant de faire ses véritables débuts, sous le nom de Jane Aubert, dans une revue de Mistinguett, au Casino de Paris, en 1924 quoique Philippe Chauveau (Music-Hall et Café-Concert, Bordas, 1985) nous dit qu'elle faisait partie d'un programme à La Cigale en 1923... - Elle avait alors dix-sept ou dix-huit ans et peut-être même vingt-deux ou vingt-trois...
Qu'importe !
Jeanne... Jane : se souvenait-elle de Jane Avril ?
En 1925, au Concert Mayol, dans la revue Très excitante de Varna, Lelièvre et Rouvray, musique de R. Nelson, elle crée, en compagnie de Bayle, une chanson qui la fera connaître du tout Paris : "Si [par hasard] tu vois ma tante".
Du tout Paris mais également du tout New York car, de novembre1926 à avril 1927 (175 représentations), elle est en vedette au Winter Garden Theatre dans une comédie musicale intitulée Gay Paree d'Alberta Nichols, Mann Holiner, Maurie Rubens, J. Fred Coots et Clifford Grey.
De cette prestation, un petit bout de film (muet) datant de 1926.
La même année, elle paraît au Moulin Rouge dans la revue Paris aux Étoiles, revue dont fait partie Johnny Hudgins et le Symphonic Jazz de Fred Melé et ses 32 solistes...
Au début de 1928, elle tourne un premier film, muet, La possession, une réalisation de Léonce Perret (d'après la pièce d'Henri Bataille) que le fils héritier du roi du corned beef américain, Nelson Morris (jr.), visionne 52 fois avant de se décider à la rencontrer, à lui faire la cour et puis finalement l'épouser pour la ramener aux USA... seulement, une fois rendu là, il lui interdit formellement de remonter sur scène.
Bien sûr.
(Pour la petite histoire, Nelson Morris fut un des survivants du désastre de l'Hindenburg, le 6 mai 1937.)
Un retentissant divorce s'ensuivit et Jane, qui redevint Jeanne, réapparut sur le Broadway où elle est, dès septembre 1927, sinon la vedette, de :
Good News de Sigmund Romberg, Edward Childs Carpenter et Irving Caesar - au New York Chanin's 46th Street Theater - du 6 septembre 1927 jusqu'à la fin de décembre 1929, pour un total de 557 représentations (ou serait-ce 551 ? - Les sources varient)
Le succès de ce cette comédie musicale est si grand qu'Henri Varna en confie, sous le nom de Bonnes nouvelles, l'adaptation à Albert Willemetz et le tout, avec Jeanne en vedette, est repris à Paris le 30 décembre au Palace. - Pas un four, mais on arrête les représentations au début de mars. - Cette Collegiate Musical Comedy (sic) n'aurait pas trop plu aux Parisiens malgré des critiques dithyrambiques. - Aussi, voit-on réapparaître Jeanne à New York dans :
Princess Charming d'Albert Sirmay, Arthur Swartz et Arthur Swanstrom - du 13 octobre au 29 novembre 1930, à l'Imperial Theatre.
America's Sweetheart de nuls autres que Rodgers and Hart (et Herbert Fields) - du 10 février au 6 juin 1931.
The Laugh Parade d'Harry Warren, Ed Wynn, Ed Preble, Mort Dixon et Joe Young - du 2 novembre 1931 au 21 mai 1932.
Ballyoo of 1932 de Norman B. Anthony, Sig Herzig, E.Y. Harburg et Lewis E. Genslerde - (Au côté de Bob Hope) du 6 septembre au 26 novembre 1932.
et même de :
Melody de Sigmund Romberg, Edward Childs Carpenter et Irving Caesar - Au côté de Gypsy Rose Lee, du 14 février au 22 avril 1933.
Parallèlement à cette activité, elle tourne, à New York, dans deux autres films : The Gem of the Ocean de Roy Mack (1934) et un certain Mysterious Kiss dont nous n'avons pas retrouvé la trace. - Des prestations à la radio, évidemment, et plusieurs apparitions dans des cabarets à la mode.
Son retour "définitif", en France, s'effectue en 1935. Elle y crée "C'est une petite étoile" (à l'A.B.C.), "Solitude" et "Je t'aime c'est tout" (à Bobino)... ce qui ne l'empêche pas de se rendre, à Londres pour jouer dans la version britannique de la comédie musicale de Cole Porter, Anything Goes (235 représentations à partir du 14 juin 1935) ou encore de donner des récitals en Belgique, en Italie, en Suisse...
L'ex-épouse du roi du corned beef non seulement est remontée sur scène mais elle voyage.
Et elle tourne de plus en plus :
Les époux scandaleux de Georges Lacombe (1935),
Une femme qui se partage de Maurice Cammage (1936),
La souris bleue de Pierre-Jean Ducis (avec Henri Garat) (1936),
Passé à vendre de René Pujol (1936),
Le grand refrain de Robert Siodmak (1936),
À nous deux,madame la vie de René Guissart et Yves Mirande (1936).
À la scène, au Théâtre des Nouveautés, elle joue dans diverses revues de Rip et Albert Willemetz :
V'là l'travail (1937),
Ici Paris,
Tout va trop bien (aux côtés de Marguerite Moreno) (en 1938),
Entre nous, avec André Luguet, Madame la Folie avec le comique Dandy (en 1939),
sans abandonner pour autant le cinéma :
Mirages d'Alexandre Ryder (voir ci-dessous)
La belle de Montparnasse de Maurice Cammage (en 1937).
Les tournées et les tours de chant se succèdent. En 1942, au théâtre Mogador elle est - ce qui restera sans doute son plus grand succès - La Veuve joyeuse de Franz Lehàr, dans une mise en scène d'Henri Varna, aux côtés de Jacques Jansen qui, se souvenant d'elle, a dit : "De toutes les veuves que j'ai tenues dans mes bras, je dois un souvenir particulier à Jeanne Aubert. La voix n'était peut-être pas de qualité supérieure à celle des autres interprètes, mais elle était sur scène incomparable". - 630 représentations.
Elle a 40 ans quand elle décide (ouf !) de ne plus remonter sur les planches.
Dix ans plus tard, en 1957, elle fait un étonnant comeback au cinéma dans un film de Marc Allégret, L'amour est en jeu, film qui sera suivi la même année de Sénéchal le magnifique de Jean Boyer et de Les croulants se portent bien du même en 1961, de Les ennemis d'Edouard Molinaro en 1962 et d'Un monde nouveau de Vittorio De Sica en1966.
Elle se permet même en 1965, au Théâtre du Gymnase, d'être de la distribution d'Après la chute d'Arthur Miller (traduction d'Henri Robillot et mise en scène de Luchino Visconti).
Et puis, à 65 ans, elle consent à jouer un petit rôle dans une série télévisé de Claude Hetmann, Madame êtes-vous libre ? où elle campe une Madame Rémy dont plusieurs se souviennent encore...
Et puis finalement, c'est la retraite mais la vraie.
Elle meurt le 6 mars 1988, peu après son 88 anniversaire, à Coubert (Seine-et-Marne - 77)
Ses cendres reposent depuis au cimetière de Pantin.
Deux photos de Jeanne Aubert
(Musée National des Arts et Traditions Populaires - Paris)
A l'américaine...
... et à la française
Enregistrements
Il existe, évidemment, plusieurs Jeanne Aubert : celle de la chanson, celle de la comédie musicale (américaine), celle du tour de chant, celle de la revue d'avant la période américaine, celle de la revue d'après la période américaine (sans compter la Londonienne, la Belge, la Suissesse et la vedette du cinéma des années cinquante et soixante). De ces Jeanne, nous n'en avons retenus que trois mais aux accents vraiment significatifs, c'est-à-dire trois dont, aux premières mesures, ceux qui l'auront connue, se (re)souviendront d'elle immédiatement.
De l'opérette Good News d'abord (mais en français) un succès éternel. "Tout ça, c'est à tout le monde" ("Everything in Life are Free") :
Du film Mirages d'Alexandre Ryder où Jeanne partage la vedette avec Arletty, Michel Simon et Jean-Louis Barrault, projeté pour la première fois le 16 novembre 1938 (quelques semaines seulement après que Jeanne ait été en vedette à l'A.B.C.aux côtés de - tenez-vous bien - : les Comedian Harmonists, Fréhel, Marie Bizet et Mauricet : "Le long des fils télégraphiques" :
Disque Columbia - Juillet 1937 - n° DF 2135 (Géo Koger et de Vincent Scotto).
De la revue V'là l'travail de Rip, au Théâtre des Nouveautés, mai 1937, cette chose sans commentaire, "Sur la commode", avant qu'on nous la redemande pour la vingtième fois...
Disque Columbia - Juin 1937 - n° DF 2174 (Rip, Thénon, Willemetz et Moïse Simmons)
Discographie
Il existe plusieurs enregistrements de Jeanne (Jane) Aubert en anglais dont un du "Original Cast" londonien d'Anything Goes (disque compact Prism, numéro 938 - reprise de divers 78 T RCA de 1935 et de 1936) où Jeanne chante : "I Get a Kick Out of You" (que l'on pourra entendre au n°2 de notre Page Spéciale 10 ans), "You're the Top" (avec Jack Whiting) et "Anything Goes" qui sont tous devenus des classiques.
En France, G. Roig,
dans sa revue Phonoscopie, en cite plus de soixante-quinze, de décembre 1927 (Place Blanche de la revue du Moulin Rouge : Paris aux étoiles) à juin 1942 (C'est une danse brune).
Plusieurs repiquages : Les Cinglés du Music-Hall chez France-Inter, l'Anthologie EPM et diverses autres "compilations" dont Le petit dictionnaire de la chanson française en 100 titres chez Frémeaux.
Et un CD, chez Chansophone, le n° 135 : Jeanne Aubert - Succès et raretés, 1928-1942, publié en 1994, qui contenait les titres suivants :