ELLE EST TOUTE NUE !

LA VÉRITÉ SUR LA VIE DES COULISSES
EXPOSÉE PAR OUVRARD Père



TABLE DES MATIÈRES
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Préface

A mes lecteurs

Première Partie

Le départ
Mes premiers Débuts
Les grands centres
Paris !

Plessis
Paulus

Arnaud
Sulbac
Les mimes
Vedettes féminines
Les gommeuses
Étoiles... filantes...

Deuxième partie

Journaliste
Les décorés
Puissance d'une chanson
Le genre tourlourou

Les diseurs
Les fantaisistes
Les diseuses
Un document

Les bonnes chansons
Reproduction d'une série de mes articles parus dans divers journaux
Au rideau

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Louise Berthier




Mme Ouvrard dans
"Travaillez la terre !"

Ouvrard, père

LES BONNES CHANSONS

Je ne vois celles-là qu'en petit comité ou sur un cadre restreint, les effets que comportent ces chansons ne peuvent pas se crier, se lancer bien loin. Ne demandons pas à un fusil d'avoir la portée d'un canon !

La chanson de cabaret serait-elle farcie d'esprit, ne peut s'imposer avantageusement dans les grands vaisseaux, elle ne gagne jamais rien à ce qu'on essaie de la sortir de chez elle !

Arrivons maintenant à la chanson... scénique, la chanson bâtie pour les comiques fantaisistes. Celle-là n'a pas besoin de briller par ses paroles, à la condition qu'elle soit bien faite sur les mesures du comique qui doit l'interpréter.

Il est alors nécessaire que l'auteur, en l'écrivant, se mette mentalement en présence de son interprète, il faut, pour atteindre le but, que l'auteur ait le don de voir, couplet par couplet, ce que l'artiste pourra faire à tel ou tel passage de cette chanson dont les effets peuvent rester invisibles à la lecture faite par une tierce personne !

Invisibles à ce point que, même les gens du métier, s'ils ne sont pas directement intéressés à la chose, ne sauront pas les découvrir !
C'est exactement ce qui m'est arrivé une fois avec Fursy au sujet d'une chanson que j'avais écrite pour Sinoël.

Naturellement, Fursy qui chante ayant les deux mains dans les poches et se ceinturant la taille à l'aide de son veston ne peut espérer produire l'effet qu'il désire qu'en apportant un soin tout particulier aux paroles de ses chansons. Car... si les paroles ne portaient pas... je vous demande un peu ce qui porterait ? Il ne pourrait vraiment agrémenter la situation, à l'aide de sa voix... ni à l'aide de sa fantaisie... ni à l'aide de sa danse ! Alors, quoi ?

Alors Fursy a tout à fait tort de s'imaginez qu'une chanson bien faite pour lui, aurait forcément le même attrait débitée par n'importe quel interprète.

Ses chansons rosses perdraient 80 % de leur saveur dans la bouche de ces "as" qui s'appellent Maurice Chevalier, Georgius, etc., parce que pour ces fantaisistes les paroles restent secondaires si elles ne leur permettent pas de déployer leur naturel s'ils n'ont plus la facilité d'être... EUX !

Pour en revenir à Sinoël, alors qu'il était précisément sous la direction de Fursy à la Scala, je lui avais remis, bien faite pour lui, une chanson ayant pour titre : "Je me suis tiré..." j'avais donné à Sinoël mes avis sur l'interprétation de la chose en question et j'insistais pour lui faire entendre que c'était sur la ritournelle faite par l'orchestre entre chaque couplet que le gros effet devait se produire. Après avoir làché la phrase : Je me suis tiré !

En effet, la façon dont Sinoël avait effectivement l'air de... se tirer, déchaînait le fou rire dans toute la salle... (j'y avais bien compté !).

Il terminait la partie de concert et le soir qu'il lança cette chose-là, on dût relever le rideau trois ou quatre fois.

Mais Fursy qui, au préalable, avait décrété la chanson insignifiante, ne voulut pas se déjuger même en présence du résultat obtenu !

Baret n'avait pas vu la chose du même œil, puisque dans une tournée où il avait engagé Sinoël, celui-ci au cours du spectacle chantait "Je me suis tiré".

Si je rappelle cette toute petite histoire, c'est uniquement pour faire entendre qu'une bonne chanson peut très bien ne pas l'être pour tout le monde !

J'en ai dans mon bagage, de toutes les couleurs. Le plus grand nombre était édité par la maison Émile Benoit qui commença à les publier, 33, rue de Rivoli, en 1878, puis rue du Faubourg-Saint-Martin, n° 13, où mon ami Benoit épousa ma gentille camarade Louise Berthier.

A la mort de son mari, Mme Vve Benoit, dont les œuvres philanthropiques ne se comptent plus, continua pendant de nombreuses années à diriger cette importante maison qui, au décès de mon regretté collaborateur et ami Émile Chicot, fut vendue l'an dernier au très sympathique éditeur Salabert, un autre philanthrope.

C'est donc avec la permission de M. Salabert que je vais vous soumettre un appel aux paysans ayant pour titre : "Travaillez la terre", chanson créée à l' Eldorado par Mme Ouvrard :

TRAVAILLEZ LA TERRE

Dernièrement dans mon village,
Un vieillard de quatre-vingts ans,
Vigoureux, malgré son grand âge,
Sermonnait quelques paysans.
Ah ! disait-il, le front morose,
Notre sol, qu'on devrait bénir.
Est délaissé; pourtant on ose
Compter sur lui pour se nourrir.

Vos enfants, aux idées futiles,
Vous opposant mille raisons,
S'envolent ver, les grandes villes
En abandonnant vos maisons.

REFRAIN

Afin d'être un jour triomphants
Et que notre pays prospère,
Apprenez donc à vos enfants
A travailler la terre.

Bien certainement, j'apprécie
Tous les mouvements du progrès,
Et je suis fier pour ma patrie,
De ses miraculeux succès.

Mais la terre, notre nourrice,
Ne doit point souffrir pour cela,
N'attendons pas qu'elle périsse,
Et vite mettons le holà !

Le luxe attire la jeunesse,
On voit des fils de paysans,
Se croyant nés pour la paresse.
Finir par déserter leurs champs.

REFRAIN

Afin d'être un jour triomphants,
Et que notre pays prospère,
Il faut retenir vos enfants
Pour travailler la terre !

De mon temps, les gars du village
Etaient élevés simplement;
Ils se rendaient à leur ouvrage
Avec le père ou la maman.

Aujourd'hui celui qui possède
Quelque argent ne veut pas, grands dieux !
Qu'aux travaux des champs son fils l'aide !
Qu'il soit bachelier, ça vaut mieux !

L'instruction est nécessaire,
Mais ne poussez pas les enfants
A se croire au-dessus du père.
Evitez de tels châtiments !

REFRAIN

Pour toujours être triomphants,
Que votre orgueil sache se taire,
Paysans, restez paysans,
Pour le bien de la terre !

[La musique de "Travaillez la terre", Edition Salabert, 22, rue Chauchat, Paris (9e)].

Cette chanson fut prisée du public en général et de feu M. Méline, ministre de l'Agriculture, en particulier, bien qu'elle n'eût jamais le retentissement de Valentine ou de ma chanson auvergnate La Yonska ! (La Machtagouine.)

Au reste, si je me suis risqué à la présenter, c'est simplement pour la mettre en opposition avec celle qui va suivre car, après un élan vers la terre, il nous est bien permis, n'est-ce pas, d'aller faire un petit tour sur l'eau...

DANS MA YOLE
(Baliverne nautique)

Un gai farceur, l'autre semaine,
Me disait : Je vais tous les jours
Faire une prom'nad' sur la Seine,
Dans un' yole aux gracieux contours.
Ell' me procur' mille délices,J'passe avec ell' de bons moments,
Et je l'dis sans plus d'artifices
Qu'il pleuve ou qu'il fasse beau temps.

REFRAIN

J'entre dans ma yol'
Dans ma yol',
Dans ma yol'.
Et tout l'temps j'rigol'
Dans ma yol'.
Je d'viens bénévol'
Dans ma yol',
Dans ma yol'.
Je n'pense qu'à la gaudriol'
Dans ma yol'.

Sur elle, lorsque j'm'engage,
L'démarrag' me donn' du coton.
Mais j'sens ni roulis ni tangage
Dès que je m'plac' bien... dans son fond.
Elle est si douce, elle est si fine
Qu'sans chichi tous deux nous glissons.
Je sais manceuvrer, ça s'devine,
Et la barre et les avirons.

REFRAIN

Je m'plais dans ma yol',
Dans 'ma yol',
Dans ma yol'.
J'suis fou, ma parol',
De ma yol'.
De tout j'me consol'
Dans ma yol',
Dans ma yol'.
J'peux plus vivr' si l'on m'isol'
De ma yol'.

Le soir lorsqu'il y a de la brise
J'mets sa p'tit' voile et sur les eaux
Je mène ma yole à ma guise
J'fais mêm' venir des camaraux.
Certes, ma yol' n'est pas étroite,
Elle peut recevoir les copains;
L'un prend la gauch', l'autr' prend la droite;
Pour les autr's, y a des strapontins.

REFRAIN

Ensemble on rigol'
Dans ma yol',
Dans ma yol'.
On pêche, on bricol',
Dans ma yol'.
Du goujon j'raffol'
Dans ma yol',
Dans ma yol'.
Aussi j'mets toujours ma gaul'
Dans ma yol'.

[La Musique avec accompagnement de piano, chez Marcel Labbé, éditeur, 20, rue du Croissant (2e).]

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