Ouvrard, père
PLESSIS
Contrairement aux artistes de nos jours, dont les plus comiques à la scène sont parfois moroses à la ville, les chanteurs du bon caf' conc' d'antan se livraient fréquemment à certaines facéties qui atteignaient parfois d'extravagantes limites !
Parmi les plus renommés dans ce genre d'excentricités, il convient de citer
Plessis, l'homme aux trente-six têtes. Ainsi surnommé car il fut le premier en France à présenter au public étonné de très nombreuses transformations.
Doué d'une stature imposante, d'une extraordinaire mobilité dans ses jeux de physionomie,
Plessis imitait avec la plus grande facilité les types les plus divers. De plus, il possédait la faculté de pleurer comme il lui convenait, au moment qu'il lui plaisait, et l'on voyait alors de grosses larmes lui sillonner le visage... C'était très curieux.
Immédiatement après la guerre de 1870, il révolutionnait la province avec la présentation des généraux de la première république et je me souviens qu'à Bordeaux, au Concert du Delta où je me trouvais en même temps que lui, il stupéfiait les spectateurs qui accouraient en foule pour applaudir cet homme superbe qui déclamait avec une fougue remarquable.
Malheureusement pour lui,
Plessis manquait totalement d'instruction, il ne s'en cachait pas, et il ne pouvait s'en cacher car il avait recours aux camarades pour faire sa correspondance et c'est à tout moment qu'il nous servait ce refrain dans lequel perçait le regret de toute sa vie !
"Si je savais lire et écrire, j'aurais fait un second Frédérick Lemaitre !"
Cette déclaration ne paraissait pas exagérée, car rien alors ne lui aurait manqué pour faire un grand premier rôle !
Il fut donc obligé de se rabattre sur le café-concert, où son étonnante fantaisie donnait satisfaction aux spectateurs qui se contentaient de tout ce qu'il présentait et qu'il débitait d'ailleurs avec une véritable originalité. Après les morceaux dramatiques, il passait sans difficulté aux dialogues comiques. Il était gavroche dans l'àme et faisait, même à la ville, tordre la galerie. L'auditoire qu'il préférait était toujours celui que composaient les artistes, ses propres camarades. Raconter des blagues et surtout les mettre à exécution, telle était sa vie !
Je me souviens qu'à Lyon, place des Célestins, il y avait à l'époque un kiosque occupé par une vieille marchande de journaux. Or, Plessis, toujours accompagné d'une bande de mentons bleus, qui se délectaient à toutes ses facéties, allait souvent acheter des journaux à la brave femme pour savoir si l'on parlait de lui.
Certain jour il se mit à lui faire une brûlante déclaration d'amour !...
- Mais vous n'y pensez pas, Monsieur
Plessis... je suis vieille et ne suis pas faite pour un bel homme comme vous !...
- Mais si, mais si, je te trouve très bien, et puis... j'aime le changement... J'en ai assez des dessous soyeux, j'en ai assez des femmes parfumées... C'est toi que je veux ! Toi, au moins, au milieu de tes journaux, tu ne sens pas l'opopanax... tu embaumes... l'imprimerie !
Et, sur le refus de la pauvre femme, Plessis se mit à pleurer, à gémir, la foule s'amasse devant ce beau monsieur au visage inondé de pleurs, et quand la place des Célestins fut pleine de monde,
Plessis, simulant le désespoir, se jeta tout habillé, et dans une tenue on ne peut plus recherchée haute forme huit reflets, chaussures vernies, etc., dans le bassin de la place des Célestins, d'où les camarades, convulsionnés par le rire, le retirèrent dans l'état que vous devez supposer ! Aussitôt le pied par terre, il s'écria devant les témoins ahuris
"C'est moi... Plessis, l'homme aux trente-six têtes, je chante au Casino, venez me voir, je vous ferai rigoler !"
A partir de ce moment, le Casino refusait du monde tous les soirs et... tous les soirs, je vous certifie que Plessis tenait sa parole... Il faisait rigoler !
Mais voilà qu'au Mans, un nommé Buislay, un autre facétieux, taquiné par le succès que les blagues de
Plessis obtenaient sans relâche, résolut un jour de confondre la morgue de l'homme aux trente-six têtes l Il fit écrire une déclaration d'amour par une main féminine; l'épître adressé à
Plessis indiquait un rendez-vous auquel il se rendit et ce fut en effet une très piquante brune qui le reçut.
Auprès de cette jolie femme, qui ma foi jouait très bien le rôle dont elle s'était chargée,
Plessis ne voulait pas rester indifférent, mais au moment où il s'apprêtait à lui prouver sa flamme, une demi-douzaine de joyeux camarades surgirent de derrière les meubles ou les rideaux de la chambre à coucher, à la grande consternation du fringant Plessis qui jura de se venger !
_______
On était en juin. Or, ayant remarqué, non loin de sa demeure que la femme d'un officier supérieur attendait chaque soir vers sept heures, au balcon du premier étage, le retour de son seigneur et maître,
Plessis lui lança un soir : "Adieu, ma chérie ! N'oublie pas ce qui est convenu pour demain, pendant l'absence de ton vieux singe, je t'attendrai à ma garçonnière. Tu n'auras qu'à demander Buislay, le comique du Casino."
Cet édifiant dialogue fut entendu par tous les voisins et, dès le retour de l'officier, la femme outragée lui raconta ce qui venait de se passer.
Le mari, furieux, ne fit qu'un bond jusqu'au Casino.
- Monsieur
Buislay, s'il vous plaît ? C'est bien ici ? Vous avez bien un monsieur Buislay?
- Mais oui, Commandant, une petite minute, on va aller le prévenir car il répète une pièce.
En attendant d'être en présence du comique Buislay, le commandant piétinait d'impatience en mordillant sa moustache ! Enfin, Buislay arrive, suivi de ses camarades car la répétition venait de prendre fin.
- Ah ! c'est donc vous, Monsieur, l'irrésistible Don Juan ? le tombeur des honnêtes femmes ?
- Monsieur, je ne comprends pas très bien...
- Ah ! vous ne comprenez pas ... Vous ne vous souvenez plus... déjà ? Enfin, c'est bien vous qui vous appeliez Buislay ?
Et Buislay, qui commençait à perdre patience, lui dit en haussant la voix
- Oui, monsieur, c'est bien moi Buislay, et après ...
- Après ... Eh bien, après... Voilà ce qui vous revient !
Et le commandant appliqua deux gifles sonores sur les joues du comique fantaisiste, puis, tournant les talons qu'il fit ensuite résonner, il gagna la rue et disparut, laissant Buislay atterré ! Mais il fut beaucoup plus vexé encore des nombreux quolibets qu'il dut ce soir-là essuyer, car les bons camarades en furent prodigues !
Toutefois, avec la perspicacité qui lui était propre, il comprit qu'il devait cette sale blague à
Plessis qui en l'occurrence s'était servi de son nom, il songeait alors à lui rendre la monnaie de sa pièce, mais Plessis devançant sa mise à exécution ne lui en laissa pas le temps car, le lendemain, il prenait le premier train pour Paris, laissant
Buislay au Mans avec ses deux claques... officielles !
Une dernière histoire qui prouvera que Plessis ne reculait devant rien lorsqu'il s'était mis entête de produire un effet comique. Il était véritablement hanté par ce perpétuel besoin de provoquer le rire.
Un jour, c'était à Marseille, sur le Cours Belzunce, nous croisions des gens de tous les pays des Italiens, des Arabes, des Chinois, et, le soir, le célèbre hypnotiseur Pickinann devait faire à l'
Alcazar des expériences avec le concours "cosmopolite" de ceux qui voudraient bien se laisser endormir ! Or, Plessis dit au comique
Nicol qui était avec nous :
"C'est pas malin de faire agir les gens lorsqu'ils sont endormis, moi je leur fais faire ce que je veux lorsqu'ils sont éveillés. Tiens, ajouta-t-il, je te parie une tournée d'apéritifs que je fais cracher la première personne que nous rencontrons.
- Ça va, lui dit Nicol, je tiens le pari...
Et la première personne fut un digne curé à la figure aimable, qui me rappelait Coquelin dans L'Abbé Constantin.
Aussitôt qu'il arriva près de lui, Plessis l'enveloppant de ses deux bras, s'écria : "Mon cousin ! Ah ! quelle joie de te retrouver ici !" Et, faisant appel à son truc spécial, il se mit à pleurer... de joie cette fois, mais, en appliquant un interminable baiser sur la bouche du pauvre curé, qui se tortillait comme un ver sans parvenir à se dégager de l'étreinte de Plessis dont les lèvres, très humides, étaient toujours collées aux siennes !
Enfin, lorsqu'il se décida à le lâcher, le premier soin du curé fut de cracher et de s'essuyer avec son mouchoir.
Plessis avait gagné son pari ! Et c'est avec un accent plein de sincérité, auquel n'importe qui aurait ajouté foi, qu'il s'excusa auprès de l'ecclésiastique, lui jurant qu'il l'avait pris pour son cousin, également dans les ordres.
Encore cramoisi par suite de cette brusque aventure, le brave curé disait en s'éloignant :
"Possible que je ressemble à son cousin, mais en tout cas, ils ont une drôle de façon de s'embrasser dans cette famille !"
Les brimades étaient fréquentes à l'époque où les artistes avaient beaucoup plus de loisirs qu'à présent. Ils pouvaient plus facilement que de nos jours. accorder de nombreuses heures à la rigolade.
Je me souviens que nous avions à la Scala un comique-danseur du nom de Pichat, qui ne rêvait que plaie et bosse ; or, malgré l'exigüité des loges, elles étaient en si petit nombre, qu'à part celles des vedettes, les autres étaient occupées par les chanteurs s'habillant deux ou trois dans la même.
Voilà qu'un jour
Caudieux, le gros Caudieux, comme on l'appelait, bien que sa corpulence n'aurait pu, il s'en faut, rivaliser avec celle de l'amusant et puissant Mansuelle.
Le gros Caudieux, dis-je, dernier arrivé, s'était amené à la Scala avec une armoire qui, à elle seule, absorbait la moitié de la loge où se trouvait Pichat ; celui-ci, tous les soirs, rouspétait, vociférait, prétendant qu'avec Caudieux d'un côté et son armoire de l'autre, il n'y avait plus moyen de se retourner, qu'il en était réduit à emprunter le palier pour enfiler son pantalon !
Mais, vers la fin de l'hiver en cours, Caudieux obtint un congé de la direction pour aller faire un mois au Palais de Cristal à Marseille.
Quand il apprit aux camarades cette réjouissante nouvelle, Pichat eut le sourire, espérant bien que le départ de Caudieux le débarrasserait de la maudite armoire ! Mais... pas du tout ! Caudieux prit le train pour Marseille et l'encombrante armoire resta dans la loge de la Scala.
Oh ! alors... Pichat n'y tint plus ! Le lendemain du départ de Caudieux, il fit prendre le meuble par un camionneur du P.-L.-M. et l'expédia en Grande Vitesse port dû, au Palais de Cristal de Marseille, accompagnant son envoi de ce petit mot :
"Mon cher Caudieux,
"Puisque cette armoire est indispensable pour toi à la Scala de Paris, j'ai présumé que tu devais en être cruellement privé à Marseille, alors... en bon camarade, je me fais un plaisir de te l'adresser.
"Surtout, n'oublie pas de la rapporter ici, il me tarde de vous revoir tous deux !
"A toi.
Signé : PICHAT."
Le coût des transports n'était pas, Dieu merci, aussi élevé que celui d'aujourd'hui, mais cette fumisterie de Pichat absorba pendant deux jours les appointements du gros
Caudieux qui n'avait pu se résoudre à refuser le colis, celui-ci contenant des effets et des objets auxquels il tenait beaucoup, il préféra prendre la blague en riant. Il adressa même à Pichat ce laconique télégramme de trois mots.
"Armoire et merci !"
PAULUS
En parlant de lui, et s'adressant à un jeune écervelé qui, au commencement de cette année, s'était emparé de son nom et se faisait modestement afficher en plein Paris... "PAULUS", voilà que mon excellent ami Robert Bertin, le célèbre transformiste, indigné d'une pareille audace, écrivait dans Les Coulisses :
"Paulus, c'est plus qu'un nom... C'est toute une époque, c'est... toute une salle debout acclamant le grand chanteur populaire, lançant d'une voix claironnante le nom du général Boulanger.
"Paulus... c'est la voix de la Nation dans un élan patriotique, avec "Le Père la Victoire".
"Paulus... c'est l'artiste qui, par son jeu brillant, sut faire applaudir une chansonnette, "L'Amant de la Tour Eiffel", que je mets au défi n'importe quel artiste actuel d'interpréter avec succès.
"Qui que vous soyez, M. Paulus-Tartempion, sachez que le grand Paulus chantait, chaussé de souliers à talons plats, mais que sa cheville était encore trop haute, pour que vous ayiez pu y atteindre !"
Et j'applaudis des deux mains ces vertes remontrances qui, tout en flagellant l'incommensurable prétention de l'écervelé en question remettait en mémoire le grand mérite de l'inoubliable chanteur.
Paulus doit, en effet, tenir la plus large place dans les annales du Concert.
Voix sonore, articulation mordante, gestes adroits, physionomie bien éclairée, le tout couronné d'un tempérament exceptionnel.
Paulus a fait de véritables tours de force ; pas un autre chanteur de l'époque n'aurait pu arriver à faire ce qu'il a fait, voire un chanteur d'opéra.
La musique étant réglée tout autrement que celle du Café-Concert, je crois sincèrement que les poumons d'un chanteur pouvant interpréter Sigur ou Hérodiade, se seraient mal accommodés de La Chaussée Clignancourt venant, par exemple, après "Un Tour de Valse", ou "Derrière l'Omnibus", et je suis convaincu qu'après cinq ou six chansons du même genre, le pauvre ténor, baignant dans sa sueur et soufflant comme un phoque, aurait demandé grâce, tandis que, pour Paulus, c'était un jeu, et certains soirs il chantait de la sorte dix-huit ou vingt chansons !
Paulus a fait de l'acrobatie musicale, mais une acrobatie unique, personnelle, incroyable !
Paulus, lorsqu'il a quitté l'
Eldorado et qu'il s'est lancé dans son nouveau genre, a bouleversé toutes les traditions et le concert, en moins d'un an, a subi une transformation complète. Il a fallu du mouvement... toujours du mouvement, exécuté sur des musiques bien françaises. Ce qui, je vous le jure, ne gâtait rien !
Le public écoutait la voix mais... regardait les jambes ! Ajoutons qu'il a mis le café-concert en relief en faisant venir à lui un public qui s'était jusqu'alors abstenu de franchir le seuil de nos établissements lyriques.
Il a modernisé la chansonnette et s'est surtout popularisé avec "En revenant de la Revue", chanson au milieu de laquelle il lançait le nom du Général Boulanger, mais pas pour faire du boulangisme, non, simplement par hasard, car Paulus était veinard, très veinard, et cette veine le servait parfois dans ses défauts ! Mais, pour l'instant, parlons de l'artiste; nous aurons, plus loin, l'occasion de nous occuper de l'homme et de commencer, sur lui et sur bien d'autres, la démolition des nombreuses légendes qui sont depuis trop longtemps admises.
Ceux que ces questions intéressent me sauront certainement gré en voyant, une fois pour toutes, les choses mises au point, car, en bien des cas, mes descriptions seront accompagnées de preuves que de fantaisistes conteurs ne se sont pas jusqu'à présent donné la peine de fournir, et... pour cause !
Toutes les bizarreries décrites sur le caractère de
Paulus ne sont pas de taille à nous faire oublier que ses succès se comptaient par centaines et que jamais succès ne furent plus mérités que ceux qu'il remporta au cours de son éclatante carrière !
Je vais commencer à dire, non pas ce que j'ai moi-même entendu dire, mais ce que je sais... Ce que je puis affirmer, en un mot, ce que j'ai vécu. Il en sera de même sur la biographie d'artistes de la même époque, car le seul ouvrage ayant donné une note exacte mais incomplète, sur des artistes de café-concert disparus depuis longtemps déjà, fut écrit par mon excellent confrère
Octave Pradels ; cet ouvrage parut en 1907 dans La Vie Illustrée, et avait pour titre :
Trente ans de Café-Concert
Mémoires de PAULUS
Souvenirs recueillis par Octave Pradels
C'était, à l'époque, le mieux réussi des ouvrages similaires, mais publiés par La Vie Illustrée, journal hebdomadaire. Les mémoires de Paulus présentés à l'aide de la plume experte d'Octave Pradels, n'ont pas eu le succès qu'ils auraient pu avoir et qu'ils auraient probablement obtenu, réunis dans un seul et même volume.
Lorsqu'il faut attendre huit jours pour lire la suite d'un ouvrage, j'estime que l'intérêt perd ses droits.
Bien que son ouvrage nous montre la plus extraordinaire collection de photos, je vais dire ici ce que Pradels lui-même n'a pas dit :
________
Paulus, de son véritable nom, Paul Habans, était né à Bayonne en 1845, mais il passa la majeure partie de son enfance à Bordeaux, où il fut longtemps désigné sous le nom de Paulin. Ce n'est que lorsqu'il aborda la scène qu'il prit celui de Paulus.
Je passerai rapidement sur les premières années de sa carrière pour le retrouver à l'
Eldorado de Paris en 1873.
A cette époque, l'affiche de l'Eldorado annonçait les artistes de la maison par rang d'ancienneté et je vois encore le nom de Paulus venant en quatrième (côté des hommes).
PERRIN - PACRA - BRUET - PAULUS
Puis venaient ensuite les noms de Fusier, Ducastel et Gaillard ; cependant le spectateur qui passait une soirée dans ce concert, le premier de la capitale, en repartait avec l'impression que Paulus était certainement l'artiste le plus intéressant de la troupe.
Certain soir, Paulus, en compagnie de mon vieil ami Stainville, vint dîner dans mon logement de garçon, situé 65, faubourg Saint-Denis, et nous avoua que son étoile ne brillerait jamais de son véritable éclat s'il s'éternisait à l'Eldorado, son caractère, ultra-indépendant, ne pouvait s'assouplir aux habitudes surannées de la maison. Il se sentait des ailes d'une vaste envergure, il n'aspirait qu'à s'envoler, et, certain jour, le nom de Paulus, quatrième à l'Eldorado, s'affichait en grande vedette à l'entrée de l'établissement qui lui faisait face.
la
Scala lui avait fait signe... et Paulus n'avait eu qu'à traverser le boulevard de Strasbourg pour conquérir la gloire à laquelle il aspirait, et aussi pour encaisser des appointements qu'il n'aurait pu de longtemps obtenir à l'Eldorado.
Alors... il se produisit une chose étrange et qui mérite d'être enregistrée, car elle donne une idée du pouvoir de la réclame et du résultat qu'on peut en obtenir.
Ce même Paulus, qui était noyé dans la troupe de l'Eldorado, dès qu'il fut détaché de l'ensemble et s'imposant seul sur la façade de la Scala, suffit à faire réaliser dans cet établissement des recettes fabuleuses, des recettes inconnues jusqu'à ce moment-là !
Paul Renard, directeur de l'Eldorado, n'en revenait pas ! Il éprouva le plus vif regret en constatant qu'il n'avait pas su deviner son artiste, qu'il n'avait pas su en tirer parti, le faire valoir... et qu'il était peut-être temps de changer les habitudes contractées dans son établissement, c'est alors que, d'un excès il tomba dans l'autre.
Tous les numéros qui lui semblaient bons étaient rapidement engagés par lui et présentés en grande pompe au détriment de la réputation des anciens artistes de la maison. L'Eldorado n'était plus le temple de la chanson, la Comédie française des cafés-concerts... comme on se plaisait à le désigner auparavant. Un grand nombre d'artistes y parurent et disparurent avec rapidité alors qu'autrefois ceux qui avaient la chance d'être engagés à l'Eldorado y restaient pendant des années et jouissaient d'une quiétude qui, depuis, a totalement disparu.
Tous nos artistes de Music-Halls, sauf lorsqu'ils jouent dans une revue, ne sont maintenant engagés que pour une semaine, deux semaines au plus ! C'est vous dire le nombre d'affaires que. même lorsqu'ils sont très bien cotés, les artistes de ces établissements sont obligés de traiter au cours d'une année, la correspondance et aussi le téléphone marchent sans arrêt ou, en tout cas, avec une fréquence qui ne s'affirme pas toujours chez bien des commerçants. Sans compter que bien des directeurs qui possèdent en province plusieursétablissements, ne pouvant être partout à la fois, ont créé ce qu'ils appellent - des chefs de poste -. Or, si M. le Chef de poste n'a pas tel ou tel artiste en sympathie, il fait parfois des rapports nuisibles à la bonne renommée de cet artiste; et dans leur propre intérêt, MM. les Directeurs devraient s'imposer de fréquents déplacements pour contrôler eux-mêmes ce qui se passe.
Il arriverait sûrement que leurs impressions seraient absolument opposées à celles de certains chefs de poste, surtout lorsque ceux-ci ont un faible pour les artistes... généreux !
________
Lorsque je suis arrivé à Paris, Paulus gagnait exactement mille francs par mois, et
Perrin dont le nom tenait la première place en gagnait douze cents, c'était là le grand maximum, la moyenne étant à l'époque de trois à six cents francs par mois. Mais, dès qu'il passa à la Scala, Paulus obtenait soixante-dix francs par jour. Ce ne fut qu'un cri chez tous les gens de la corporation. Peu d'années après il passa l'été aux Champs Elysées. Il émargeait à raison de 120 fr. par jour à l'Alcazar sous la direction Ducarre, alors que sous cette même direction, je gagnai moi-même quatre-vingts francs par jour aux
Ambassadeurs, j'obtenais le premier, une clause qu'il ne m'avait pas été très facile de décrocher ! Tous les artistes sans exception devaient paraître deux fois dans la même représentation et je fus le seul, en 1884 ne figurant qu'une fois sur le programme des Ambassadeurs. Paulus ne tarda pas à exiger cette même condition, nous étions à Paris les deux privilégiés du moment, les précurseurs des appointements fabuleux encaissés par
Yvette Guilbert d'abord à partir de 1891, et plus fabuleux encore par les vedettes actuelles !
Il est vrai que Paulus ne s'en tint pas à 120 fr. par jour, il était finalement arrivé à 300.
Puis en province nous traitions l'un et l'autre sur la recette brute, le pourcentage arrivait à nous assurer (pour l'époque, toujours), de superbes résultats.
À Paris, les cachets de Paulus ont toujours dépassé les miens, mais dans les grandes villes de province, Bordeaux, Lyon, Marseille, de même que dans toute l'Europe, nous marchions de pair.
VIE INTIME
Certain jour, à Bruxelles, Paulus causant avec mon vieux camarade Stainville, lui fit des compliments sur l'intérêt de son "numéro" et notamment sur la présentation d'un petit théâtre de fantoches que Stainville installait sur la scène, à la grande joie des spectateurs, petits et grands.
"C'est vrai, avoua Stainville, ce petit truc produit son effet, mais il faut compter avec les frais qu'il entraîne, ce théâtre me crée de coûteux excédents de bagages."
"Oh ! moi, répliqua Paulus, je n'ai que ma musique et mon costume de soirée mais, par exemple, - ajouta-t-il en désignant
Delormel et Garnier (ses auteurs principaux) et Raoul Pitau (son manager) - les voilà mes excédents de bagages !"
Il se rendait parfaitement compte que son entourage lui coûtait cher, mais... en grand seigneur, il marchait quand même, il marchait vers le gouffre pendant que les autres, plus pratiques, faisaient leur pelote. Il n'est pas interdit d'être prévoyant...
Sur la pression de certains profiteurs il prit la direction de divers établissements et les résultats ne furent pas heureux !
Or, un matin de l'année 1898, je recevais en Dordogne une lettre dans laquelle il me disait j'ai perdu deux cent mille francs à
Ba-Ta-Clan, il faut que je me refasse.
"Que diriez-vous d'une tournée en province, en associant nos deux noms ? Seulement c'est vous qui ferez les avances de tous les frais de réclame et qui vous chargerez de toute l'organisation, j'ai confiance en vous. Moi je veux simplement m'occuper de chanter et d'encaisser ma part des bénéfices."
Ma réponse fut affirmative et un mois après, les affiches annonçaient la tournée Paulus-Ouvrard. Nous fîmes 46 villes en 46 jours, une par jour, les résultats furent satisfaisants et d'ailleurs tout marchait admirablement tant que
Paulus ne s'occupait de rien, mais dès qu'il voulait imposer ses avis ou mettre la main à quelque chose il avait le don de tout détraquer. Il était vraiment anti-administrateur, mais je prenais quelques ménagements pour le lui faire entendre, car si
Paulus était volontaire, capricieux, fantasque, il faut reconnaître qu'il rachetait tout cela par les qualités de son cœur. Il ne méritait pas qu'on l'amoindrisse, car en dehors de son indiscutable valeur artistique, il était foncièrement honnête et poussait parfois le désintéressement au point de provoquer l'admiration de ses intimes.
Je me souviens qu'un matin, à notre retour du Havre, nous réglions ensemble nos petits comptes et il lui revenait dix-huit cents francs.
Il dit à mon régisseur Bracueil qui se trouvait là : "Bracueil, portez-moi donc quinze cents francs en face, à la Société Générale, j'ai à solder des comptes qui les absorberont. je ne veux garder avec moi que 300 francs."
Or, Bracueil était à peine parti qu'une pauvre artiste vint pleurer misère et Paulus attendri partagea avec elle sa petite provision. Il lui remit 150 francs que la chanteuse promit de restituer mais... on ne l'a jamais revue.
Je vous parlais de ses caprices. Ils se manifestaient par série. Une fois ce fut la série des pantalons ! Parti de Bordeaux simplement avec celui qu'il avait sur lui, il lui fit un sérieux accroc en descendant du train à Poitiers, il se rendit illico dans un magasin de confection pour parer à la situation, mais au lieu d'un autre pantalon, il en acheta deux, en me disant:
"Voyez-vous qu'il n'arrive encore un accident du même genre ? Je n'aurai pas toujours un tailleur sous la main, pour nie tirer d'embarras ! Il vaut donc mieux avoir un pantalon de rechange..."
Mais voilà que dans toutes les villes où nous passions il découvrait presque toujours à l'étalage des tailleurs, un pantalon qui lui plaisait et qu'il achetait sans retard. Vite il me le montrait mais, à partir du sixième, je manifestais mon opinion par un significatif haussement d'épaule...
Bref, à la fin de la tournée, sa malle au lieu d'un pantalon, en contenait très exactement dix sept !
Quand on s'étonnait de cette curieuse abondance de falzars, il était le premier à en rire aux larmes et s'écriait, congestionné : "C'était pour faire "renauder" Ouvrard !" Un collégien n'eût fait mieux !
En juin 1898 je m'étais arrangé de façon à ce que notre tournée prit fin à Couze, petite commune des environs de Bergerac où je possédais une confortable habitation champêtre, je tenais ce que Paulus puisse, avec nous, se refaire des fatigues inévitables qu'on éprouve au coursd'une tournée. La beauté du site, l'air de la vallée de Couze, la pêche aux écrevisses, la pêche à la ligne le décidèrent à adopter cette contrée qui, bien certainement ne manque pas de charme.
Il y fit venir sa sœur, qu'on appelait tante Louise, car c'est elle, de concert avec Mme Habans qui, pour éviter les excentricités de son mari, possédait un appartement personnel, prenait soin des enfants dont je parlerai plus loin.
Or, tante Louise, vénérable femme, avait à ce moment-là avec elle, le petit Jean qui représentait le terminus de la lignée Paulusienne. Il était âgé de quatre ans et sa ressemblance au papa était déjà impressionnante, cet enfant affectionnait ma famille, qui le lui rendait bien, et c'est par suite des très aimables relations que nous avions établis avec la brave tante Louise, que Paulus devint mon voisin en Dordogne où finalement, il se rendit acquéreur d'une propriété appelée "Le Grand Clos".
AIX-LES-BAINS
Cette acquisition et la sommaire installation qui s'ensuivit ne prouvait en aucune façon que Paulus se trouvait à la veille d'abandonner la scène, non, il n'en avait ni l'intention, ni les moyens. Il voulait, auparavant mettre à profit les relations influentes qu'il possédait à Paris. On lui promit l'obtention des jeux dans une ville d'eau, alors, avec le concours d'un négociant de Bordeaux il créa à Aix-les-Bains un établissement qu'il baptisa "Folies Aixoises". Nous en fîmes ensemble l'inauguration, entourés d'une troupe de choix. Sur le programme que j'ai conservé, je relève des noms avantageusement connus, notamment celui du merveilleux comédien Gémier qui était alors au Théâtre Antoine avant de prendre la direction de l'Odéon, et qui jouait à Aix "Le gendarme est sans pitié", la populaire pièce de Georges Courteline.
Nous eûmes, dès le début, la satisfaction de nous produire devant des salles superbes, mais les Folies-Aixoises n'étaient pas de taille à pouvoir rivaliser avec le grand Casino d'Aix-les-Bains, qui possédait des actionnaires aux reins solides, de somptueuses salles de jeux, où les habitués se rendaient les yeux fermés et le portefeuille ouvert ! De sorte que, tout le gratin après avoir fait aux Folies-Aixoises une visite de convenance ou plutôt... de curiosité, s'empressa de revenir à son Grand Casino et, l'inconséquent Paulus dont les moyens pécuniaires et aussi des moyens vocaux commençaient à faiblir, se décida, avant la fin de la saison, à quitter Aix-les-Bains avec des soucis en plus et des illusions en moins !
LE PIED A TERRE
Paulus n'avait jamais eu d'idées... bourgeoises, et, sans être bohème, il n'avait véritablement aucun souci du confort. Toujours très chic, très soigné à la ville, la richesse d'un intérieur le laissait tout à fait indifférent. Il fit donc porter au Grand Clos le strict nécessaire et peut-être même un petit peu moins !
Tante Louise me disait souvent qu'elle en souffrait, car fière de son frère, elle eût aimé le voir mieux organisé. "Quand on s'appelle Paulus, disait-elle, on peut avoir, au moment où l'on y songe le moins, la visite de gens importants et, que voulez-vous que je dise à ceux qui se trouveront en présence d'une telle absence de confort ?"
Mais Paulus avait trouvé le joint ! A ceux qui venaient le voir en Dordogne, il disait, avec sa grande désinvolture coutumière : "Ne faites pas attention à ce taudis ! C'est ce bougre d'Ouvrard qui m'a collé dans ce patelin et vous comprenez bien que je n'ai pas voulu y faire transporter mon mobilier parisien !... Je n'aurai donc jamais ici, autre chose qu'un pied à terre."
Puisque, même au temps de sa splendeur, il ne s'attardait pas au faste, vous vous expliquerez qu'en 1901, alors que petit à petit venait le déclin, il en était arrivé à se contenter d'un appartement (son dernier à Paris), situé boulevard Montmartre.
Peste ! direz-vous. Boulevard Montmartre ? voilà cependant un quartier qui n'indique pas la purée... Je suis de votre avis, seulement son appartement ou plutôt... son logement était situé au sixième au-dessus de l'entresol ! Cent trente marches à monter ! J'ai eu plusieurs fois l'occasion de les compter et l'obligation de reprendre haleine à chaque étage, à partir du 40 !
Une gênante impression attendait le visiteur.
Elle était provoquée par un plafond à soupente. La porte du logement ouverte on pénétrait de plein pied dans une petite chambre, la sienne, lit, table à toilette, armoire à glace et piano, oh ! le piano fut toujours pour lui "le meuble" indispensable ! A gauche une pièce servant à la fois de salle à manger et de bureau, plus loin une cuisine.
Il ne faisait connaître à personne cette dernière adresse, mais il fit cependant exception pour un jeune compositeur qui avait une chanson à lui soumettre, cette chanson dont les paroles étaient de Félix Montreuil, fut la dernière que lança
Paulus. Elle avait pour titre : "Drapeau vert et bâton blanc", et le compositeur qui n'avait encore aucune réputation, mais qui prenait sérieusement son élan, n'était autre que
Christiné, l'heureux auteur de Phi-Phi, de Dédé et autres opérettes si populaires.
C'est à ce sixième au-dessus de l'entresol, que je vis Christiné pour la première fois. Ses nombreux succès au Concert le décidèrent à fonder par la suite une maison d'édition située faubourg Saint-Martin, mes relations avec lui furent extrêmement limitées, je compris qu'il n'avait pas une minute à perdre ! Time is money ! et, il faut lui rendre cette justice, c'est qu'il n'a pas perdu son temps...
J'ai eu cependant l'occasion de parler de lui pour des raisons qu'on relèvera plus loin.
Malgré les précautions que Paulus prenait pour laisser ignorer l'adresse de ce minuscule logement, il se trouvait toujours quelque fouinard qui parvenait à la découvrir et, lorsque, inopinément, il arrivait tout essoufflé à l'extrémité des 130 marches et qu'aussitôt la porte ouverte il se laissait choir sur l'une des rares chaises du logis, il ne manquait pas, à l'aide de phrases entrecoupées par la nécessité de reprendre haleine, de manifester bruyamment sa surprise.
- En voilà une idée, mon cher Paulus... d'être venu vous percher si près des cieux! Et avec ça... pas d'ascenseur.., pas d'espace... vraiment c'est inconcevable !
- Ne m'en parlez pas, opinait Paulus, qui, ayant recours à son cliché, débitait son boniment, version : "Imaginez-vous que c'est ce bougre d'Ouvrard qui m'a installé en Dordogne où j'ai fait transporter tout mon mobilier parisien, je n'ai donc conservé ici que ce mesquin pied à terre."
Conclusion
Soit qu'on le trouve en Dordogne, soit qu'on le surprenne à Paris il avait le pied à terre chronique ! Et... ce bougre d'Ouvrard avait bon dos !
________
Quelques mois se passèrent et
Paulus fit une dernière apparition sur la scène, chez sa fille Paulette, devenue Mme Morlay, qui, avec son mari, avait pris la direction de l'Eldorado de Marseille où, après les siennes, je donnais aussi une série de représentations.
Puis, sa santé devenant chancelante, il vendit le Grand Clos, en Dordogne, et regagna son domicile parisien, mais la montée des 7 étages lui était devenue impossible, il dût déménager, c'est alors qu'il alla habiter Saint-Mandé, où il se décida enfin à faire meubler un appartement digne de lui.
Bien des journalistes ont pris plaisir à parler de
Paulus sans le bien connaître. Moi, je puis affirmer qu'il n'était ni joueur, ni buveur, ni fumeur. Je ne l'ai jamais vu se livrer à des excès de bonne table, il était remarquablement sobre et, s'il ne fit pas d'économies, il faut en chercher la cause dans ses coûteuses fantaisies.
Il achetait des immeubles, puis... n'en voulant plus, les revendait à vil prix. Il en fit autant pour ses équipages car, tout comme
Max Dearly, il aimait beaucoup les chevaux. Réputé comme il l'était, Paulus aurait facilement pu contracter des dettes, eh bien moi, son intime, je ne lui en connaissais pas. Il était trop fier, il aimait trop son indépendance, il n'aurait pu supporter les réclamations réitérées d'un créancier.
Mais si l'on s'est employé à parler des incartades de ce magnifique chanteur, on a totalement oublié de dire ce que je vais dire aujourd'hui, puisque j'en ai l'occasion.
Paulus avait eu cinq enfants, tous ont été parfaitement élevés, et ce résultat ne s'obtient pas sans effectuer de sérieux débours.
L'aîné qui a prénom Alexandre est, comme on dit, très calé, il parle plusieurs langues, il possède à Paris une situation importante, il est aussi sérieux que possible et il est devenu le gendre du talentueux
Christiné, déjà nommé, dont il a épousé la fille unique.
Sans être dans la misère absolue, un artiste, surtout de nos jours, demande ou fait demander à son profit, une représentation de retraite, s'il est en droit d'espérer qu'un bon nombre de camarades en vedette, accepteront de prêter leur concours gracieux, c'est ce qui s'est produit pour Paulus, par la voix de
Fursy, car c'est Fursy qui se chargea de la complète organisation de cette représentation qui fut donnée au théâtre de la Gaieté, le 19 décembre 1906, je me trouvais à remplir des engagements en province et j'eus le regret de ne pouvoir y assister ! Ce regret fut vivement partagé par
Paulus qui m'écrivit alors une affectueuse lettre de 4 pages. et cette lettre prit sa place dans la volumineuse collection de ses autographes que j'ai plaisir à relire parfois.
J'ai sous les yeux le programme sur lequel je relève les noms de Mévisto, Yvette Guilbert, Jules Moy, Bruet-Rivière, Pougaud, Prince, Max Dearly, Victor Boucher, Albert Brasseur, Galipaux, Fursy, Marguerite Deval, Paulette Darty, Dranem,
Fragson, Mayol, Tarride, Huguenet, Simon-Girard et enfin Constant Coquelin !
Mes lecteurs se feront une idée de cette mirifique matinée, unique en son genre. Ce fut l'apothéose de la carrière du chanteur entre tous populaire.
Les résultats pécuniers s'affirmèrent en raison de l'intérêt des affiches, mais le bénéficiaire ne put en profiter, car une affection cardiaque ne tarda pas à l'emporter et ce sont les héritiers qui réglèrent avec Fursy les comptes qui n'avaient pu être réglés avec Paulus, décédé à Saint-Mandé, où je le vis, pour la dernière fois, dans ce riant appartement qui n'avait rien de miséreux, contrairement à ce que la légende a maintes fois insinué. Il fut jusqu'au dernier moment, entouré de nombreux amis et la magnificence de ses obsèques donnait une idée du degré de considération dans laquelle le tenait toute la corporation artistique.
Son nom reviendra parfois au cours des souvenirs exposés dans ce volume car, surtout pendant les dernières années, son existence se trouvait mêlée à la mienne. Mêlée à ce point, que son décès m'avait pendant longtemps laissé désemparé !
« Retour à la page d'introduction » |