Certains de ces petits formats proviennent de la collection de Christine et Jean-François Petit




 

Marcel Véran

i l'on entassait les disques 78t enregistrés en quatorze ans par ce chanteur, on obtiendrait une pile de 40cm de haut pesant plus de 30 kg... Une bien bonne raison et suffisante pour nous interesser à lui. A l'examen de cette discographie Insoupçonnée, on a d'ailleurs nettement l'impression que Marcel Véran, à l'instar d'un Marial, d'un Louis Lynel, d'un Malloire ou d'un Marcel's, passa plus de temps dans les studios d'enregistrement que sur scène...

En 1927, âgé de dix-huit ans, il obtient le 1er prix des "diseurs" au concours Artistica de sa ville natale ce qui lui permet d'être engagé pour plusieurs galas à Marseille et dans les casinos des environs. Rapidement sa réputation grandissante lui autorise des salles plus importantes : Palais de Cristal, Variétés-Casino, etc....

Son répertoire est basé en partie sur celui du grand Mercadier, la vieillissante idole locale. En 1929 il a l'occasion, aux Nouveautés de Toulouse, de lier connaissance avec son a?né Perchicot. En 1930, au cours de son passage à l'Alcazar de Marseille, Fréhel le remarque et le fait venir à Paris. "Elle m'a propulsé dans le métier" dira-t-il...

Les dirigeants de la firme Pathé signent rapidement avec le jeune chanteur un contrat d'exclusivité. A partir de novembre 1930, il enregistre des chansons de Mercadier : "Riri", "Les larmes de la vie", "Litanies amoureuses", "C'était un rêve" etc... tout en passant à la Gaité-Rochechouart (décembre 1930), à Bobino (février 1931), à l'Empire (avril 1931) ). Son activité s'exercera ensuite plut?t dans les cabaret s: Le Don Juan (11 rue Fromentin), La Chauve-Souris (29 rue Henri Monnier), Les Capucins (39 bd des Capucines) Car les très fréquentes séances d'enregistrement chez Pathé lui laissent peu de loisirs.

Il deviendra ainsi, pour un temps, un spécialiste des "adaptations", ces interprétations en français de succès américains, que les maisons de disques inscrivent néanmoins à leur catalogue au chapitre "Chansons françaises"...

Les compositeurs autochtones verront sans grand plaisir cette importation de chansons étrangères (dont Maurice Chevalier fut l'un des premiers initiateurs) qui atteindra son paroxysme dans les années 60-70. Le problème, c'est que le public, peu anglophone, ne dispose que de la copie plus ou moins réussie d'un original qu'on lui propose rarement.

Dans sa carrière, le fait le plus notable est son engagement le 30 mai 1936 dans Vive la femme, la revue du Palace qui se jouera toute l'année. La vedette en est Cécile Sorel, qui l'impressionnera et dont il aura l'occasion d'apprécier, en dehors de la scène, la gentillesse et la simplicité : "Grâce à elle, j'ai compris ce que c'était que la présence..."
Le cinéma va alors faire appel à lui en deux occasions: il chante "Dans le Prater" dans le film Le mensonge de Nina Petrovna (Tourjansky, novembre 1937) et "Le p'tit cœur de Ninon" (succès d'Esther Lekain) dans le film de Jean Renoir La bête humaine (décembre 1938)
En 1939, Marcel Véran triomphe à l'A.B.C. dans le Grand Prix de la Chanson Française (1200 chansons en compétition) avec "Mon village au clair de lune" qu'il enregistrera le premier, en février 1939. Mais c'est Jean Sablon dont le nom restera attaché à cette composition de Jean Lutèce.
Lorsque la guerre éclate, Marcel Véran se replie sur Marseille et se produit localement, souvent avec Mireille Bard. En juin 1941, il figure à l'Alcazar aux c?tés d'un débutant de moins de vingt ans qui ne va pas tarder à faire parler de lui: Yves Montand. En février 1943, le chanteur retrouve les studios de Polydor, firme pour laquelle il avait déjà enregistré en 1935. En mars il est au programme de l'Alhambra. Le 25 juin, à l'A.B.C. (vedette Edith Piaf), puis, en ao?t, au Casino Montparnasse.

Dans le numéro 105 du 2 mai 1943 des Ondes, Pierre Hiégel publie une critique dithyrambique du disque Polydor 524815 gravé le 26 février précédent. Polydor s'empressera d'en reprendre les termes dans son supplément Eté 1943. On y lit : "Je me demande comment le public va accueillir une chanson extraordinaire que vient d'enregistrer Marcel Véran :"Métamorphose". Est-ce bien une chanson ? La qualité du poème de Rachèle Thoreau est déjà surprenante. Mais la musique, ligne mélodique, harmonie et orchestration de Guy Luypaerts me laisse pantois... Marcel Véran la chante avec une couleur inimitable. Sa voix souple et nuancée y fait merveille. Je conseille vivement aux fabricants de chansons en série de méditer devant cette réussite..."

Après la guerre, Marcel Véran, qui vit dans son cher village d'Allauch, près de Marseille, ralentit ses activités: Un engagement au Club des Cinq (13 fg Montmartre) en 1945, une participation assez régulière à l'émission radiophonique de Robert Beauvais Hier contre aujourd'hui en 1947. Entre 1949 et 1952 il séjourne en Indochine et, en 1953, met fin à sa carrière (il n'a pourtant que 44 ans) après une tournée dans laquelle il remplace Reda Caire au pied levé.


Marcel Véran na?t, Marcel Sbriglio, à Marseille le 8 septembre 1909 et décède dans sa ville natale le 11 juin 1994. Il était le père de Mariane Mille, chanteuse et compositrice tout comme sa mère Eliane Meyer, dite Florence Véran (1922 - 2006)


Enregistrement

Nous vous proposons 57 secondes d'un enregistrement de 1943 endisqué chez Polydor sous le n° 524.815 :

"Métamorphose"
(Rachèle Thoreau/ Guy Luypaerts)
Accompagnement : Orchestre Guy Luypaerts