Le Journal n° 7982 du 4 août 1914
jour de la déclaration de guerre par l'Allemagne.



Grand format 1910.


Grand format 1912.


Grand format 1917.



Les quatre images cidessus proviennent du site Gallica-BnF.

Pierre Chapelle

(Will)

Note : cette page est construite sur la base d'une étude réalisée par Monsieur Patrick Rhumeur de Plérin (22 Côtesd'Armor)
que nous remercions vivement pour la somme d'informations et l'iconographie fournies.

ournaliste, rédacteur en chef, chansonnier, auteur dramatique, directeur de La bonne table et le bon gîte [1], critique à Comœdia [2] et vice-Président de la SACEM, Pierre Marie Auguste Chapelle est né à Annonay (07 Ardèche), le 1er octobre 1876. [3] Il était également connu sous le pseudonyme de Will. Il épouse, à Paris, 4e, le 23 juillet 1918, Suzanne Naret [4], musicienne et compositrice.

Après des études au lycée de Tournon-sur-Rhône (07 Ardèche),il se consacre d'abord à l'enseignement et est nommé professeur dans un lycée de province. Il n'avait accepté le professorat que pour exaucer le désir d'un père qu'il vénérait et de sa mère. Mais Paris l'attire et il finit par y aller pour y faire de la littérature. Débuts modestes, certes, mais son réel talent le fait émerger !

A ce triste moment de la déclaration de la Première Grande Guerre, le voici journaliste, membre de la rédaction du prestigieux Le Journal [5], LA grande feuille de Paris ! En 1915, il est appelé a la rédaction en chef du Bulletin des Armées [6]. Pierre Chapelle compte pour beaucoup dans la fondation et le développement des journaux des tranchées. Romancier, il avait publié Le roman d'un jeune homme maigre, Candidate, les Camouflets, les Ecrivains de la Tranchée, et était l'auteur de nombreuses mélodies.Il était surtout un chansonnier. L'auteur de tant de romances populaires – il en avait écrit un millier – avait fait d'excellentes études. Son premier succès dans la chanson sera "Fanfreluchette"par Henri Dickson à Parisiana et cette romance que fredonnèrent les petites ouvrières de Paris : "Garde ton coeur, Madeleine", L'amour est menteur, Garde ton cœur... chanté par Esther Lekain, Jean Flor, Marjal, Yvonne Yma, Liane d'Esty, Bérard, Carvey, Dalbret, Stradel, Jack Lantier, etc.


Son esprit d'indépendance lui valut, jeune encore, la vie de misère au Quartier Latin, hantant les cabarets de la Bohême et du Caveau, subsistant de petit journalisme et de travaux de librairie. Dans ses œuvres mélodiques , se retrouvent toutes les qualités de style du journaliste, en même temps que la sensibilité de l'auteur de tant de lettres touchantes aux combattants.On y découvre aussi une âme de poète. N'oublions pas "Le Plus joli Rêve" qui trouvait toujours un interprète dans les banquets de noce et que chantait Polaire en 1913 et que reprirent Lucienne Boyer en 1931, Lucienne Delyle en 1950 et Reda Caire en 1957. Et "Lina" ? Les paroles de cette chanson, mais aussi sa musique, semblent avoir été écrites sous le ciel napolitain, que Pierre Chapelle voulait tant connaître et n'aura pas vu avant de mourir.


Pierre Chapelle était membre de La société des Compositeurs, l'Association des Ecrivains Combattants, l'Amicale des journaux du front, des Ardéchois de Paris et d'autres sociétés encore !
Pierre Chapelle, c'est beaucoup de la fantaisie de Paris, de la verve du boulevard, de l'esprit de Montmartre.

A l'écoute :

La version Reda Caire de :

"Le plus joli rêve"

Disque Decca 450.702 (1957)

Et cette valse"Garde ton cœur, Madeleine" qu'a endisqué en 1908, Carvey pour qui nous rédigerons, un jour peut-être, une fiche biographique.

"Garde ton cœur, Madeleine"

(1908)


Parmi ses œuvres :

Note : Notre but étant de présenter les chansons pour lesquelles Pierre Chapelle a écrit les paroles, nous ne faisons pas, volontairement, de distinctions entre celles signées Will et celles signées Pierre Chapelle.

Avec Le compositeur Paul Fauchey :

  • "Aérovalse".
  • "Loretta". Chanson napolitaine pour chant et piano.
  • "Après le Retour".
  • "La chanson de Mireille" ou "Petit'Mireille".
  • "Ronde d'amour". avec Henri Darsay.
  • "Pour vous que j'aime", valse Adaptation chant et piano.
  • "Le Rondeau du café-concert", chanson rosse.
  • "Loretta", chanson napolitaine.
  • "Ne fuyez pas l'amour".
  • "Nos Femmes de lettres".
  • "Les Amoureuses".
  • "J'ai perdu mon cœur".

Avec d'autres compositeurs :

  • "Sensitive" musique de R. Bourget
  • "Lina" musique de Magdeleine Symiane
  • "Carmencita ! Habanera..." musique de Romain Desmoulins et M. Franceschini
  • "Sur le chemin du passé" musique de Gilles Ber.
  • "Loin de la Valse !" musique de Roger Guttinguer.
  • "Sphinx ?" Valse chantée, , musique de Francis Popy.
  • "Ton Cœur a pris mon cœur !" musique de Vincent Scotto
  • "Eveil d'amour !" musique de Liévin Lerat.
  • "Chanson vénitienne" musique d'Octave Crémieux
  • "Veuxtu, ma Chère ?" musique de Thérèse Wittmann
  • ""M'Amour !" Valse chantée sur la valse de Francis Popy, "Bonheur qui grise".
  • "Mattino di amore"musique de Magdeleine Symiane.
  • "Sphinx ?" Valse chantée, , musique de Francis Popy.
  • "Mon Rêve !" musique de Fortuné July et Charles Courtioux.
  • "Le Chant des vendanges" musique de musique de Dérouville et Gabriel Bunel.
  • "La Kouchette !" avec Jules Chapelle, musique de François Dominicy.
  • "Amour et tennis !" musique de H.E. Darewski junior.
  • "Les trois Modistes !" musique de Roger Guttinguer.
  • "Berceuse dernière" musique de Louis Térès.
  • "Rêves d'un soir ! " avec Lucien Prévot, musique de Louis Gallini.
  • "Napolinette !" avec Lucien Prévot (Plébus), musique de R. Guttinguer et Raoul Soler.
  • "Tout passe un Jour !" Valse chantée, , musique de Thérèse Wittmann
  • "La chanson des petits enfants" Valse chantée, , musique de Gaston Maquis.
  • "Si les fleurs pouvaient parler" avec Joseph Leroux, musique de S. Nanelli.
  • "Pour un Instant de folie" musique de Marguerite Gazelli.
  • "C'est ma folie" avec Jacques Yvel, musique de Roger Guttinguer.
  • "Sorellina" musique de Thérèse Wittmann.
  • "La plus belle Chanson" musique de Gaston Maquis et Louis Lust.
  • "Comme au premier jour !" musique de JosephHyacinthe Vliegen.
  • "Je garde mon rêve !" musique de Kléon Triandafýllou.
  • "Mon Rêve !" musique de Fortuné July et Charles Courtioux.
  • "Tes Yeux que j'aime" musique de Louis Gallini.
  • "Ali dorate" (Ailes dorées), musique de Ernesto Becucci.
  • "La divine chanson"musique de Pierre Arezzo.
  • "Concettina"musique de Louis Gallini.
  • "C'est l'Amour"musique de Louis Gallini.
  • "Aimons l'amour"musique de Louis Gallini.
  • "Valse rouge" musique d'Octave Crémieux.
  • "Toi, toujours toi !" musique de Louis Gallini.
  • "Je l'embrasse !" musique de Louis Gallini.
  • "C'est du veau, Mesdames" musique de Vincent Scotto.
  • "Griserie" musique d'Octave Crémieux.
  • "La Petite Espagnole" musique de Rafael Calleja.
  • "Que toi !" musique de Eugène Rosi et Louis Villermin.
  • "Rêve d'Egypte" musique de Charles Berlandier.
  • "Votre Baiser d'adieu" musique de Raoul Soler.
  • "La Femme et le printemps" musique de Pierre Arezzo.
  • "Ne parlons plus d'amour"musique de Pierre Arezzo.
  • "Lettre de mère" musique de Édouard Mathé.
  • "Hymne des P.T.T." chant corporatif, musique de Charles Seure.
  • "Je t'apporte mon cœur" musique de Raoul Soler.
  • "Le Cœur des amants" musique de Édouard Mathé.
  • "C'est du veau, Mesdames" musique de Vincent Scotto.
  • "Dormez, je vous aime" musique de Édouard Mathé.
  • "La Valse de nos amours" avec Georges Millandy, musique de Pierre Arezzo.
  • "Ton cœur est un oiseau"musique de Pierre Arezzo.
  • "Si ton cœur" musique de Esteban Martí.
  • "Roses d'automne" musique de Pierre Arezzo.
  • "Les Cigognes d'Alsace" avec Jacques Yvel, musique de Pierre Arezzo.
  • "Soyons amis !" musique de Henri Dickson.
  • "La Valse de nos amours" musique de Pierre Arezzo.
  • "Malgré nous-mêmes" musique de Dick Stone.
  • "Petit Portrait de mon amie" musique de Louis Gallini.
  • "La Valse de nos amours"avec Georges Millandy, musique de Pierre Arezzo.
  • "Mon cœur est pareil au moulin" musique de Ernest Gillet.
  • "Lucy" musique de Willie Redstone.
  • "Lacrime d'amor" musique de  Alfredo Barbirolli.
  • "La Roulotte" avec Laurent Halet et Léo Lelièvre, musique de Paul Marinier.
  • "J'aime ma mie" musique musique de Pierre Chapelle et harmonisation de Charles Thuillier fils
  • "Soyons amis !" musique de Henri Dickson.
  • "Valse plaintive" musique de Ernest Gillet.
  • "Arabella" musique de Willie Redstone.
  • "Bom et Tom !" musique de Herman Darewski.
  • "Tant que la Femme aura de jolis yeux !" musique de de J. Rosamond Johnson, arrangée et orchestrée par V. Monti.
  • "Notre Aventure ! " avec André Escourrou, musique de André Escourrou et Pierre Chapelle.
  • "Le RouliRouli" ou "Le Rouli" Frantz André, musique de Jean Schwartz, arrangée et orchestrée par Ad Gauwin.
  • "L'Adorable cantilène" sur les motifs de "Underneath the stars". Paroles anglaises de Fleta Jan Brown. Musique de Herbert Spencer, arrangée par Francis SaLabert.
  • "Si vous fermez les Yeux !" musique de Pietro Codini.
  • " Le rêve des femmes" musique de Pierre Chapelle.
  • " Au r'voir et sans rancune" musique de Pierre Chapelle.
  • "Marraine d'amour" musique de Pierre Chapelle, harmonisation de W. Fatraun.
  • "Tu m'as ensorcelée d'Amour !" avec Poler, musique de Pietro Codini.
  • "Arizona" avec Poler, paroles anglaises de James Heard, musique de Melville Gidéon.
  • "Mam'zell la Victoire !" musique de Eugène Poncin et Jules Darien.
  • "Joan of Arc", [they are calling you] paroles anglaises de Alfred Bryan et Willie Weston, musique de Jack Wells.
  • "Oblio" musique de Alfredo Barbirolli.
  • "Deux Mélodies" musique de Georges Jouanneau.
  • "Pax" Op. 69 musique de Paul Fosse.
  • "L'Arc de triomphe" marche de la victoire de Pierre Chapelle, Léon Heckmann et Charles Thuillier. Défilé [pour harmonie] par Guillaume Balay,...
  • "Tus Besos" (Tes Baisers). musique de José Padilla.
  • "La Houdja" musique de Alcib Mario et Ch. Thuillier fils.
  • "Say it with music" (C'est en musique.), avec JacquesCharles, paroles anglaises et musique de Irving Berlin.
  • "Sérénade orgueilleuse" (Célèbre Serenata) musique de Icilio Sadun.
  • "Phoebé" , caprice mythologique en forme de valse lente, musique de SuzannePierre Chapelle.
  • "Ma femme est là" musique de Fred Pearly.
  • "Mon Paris" musique de Jean Boyer & Vincent Scotto.
  • "Miserere d'amour" musique de Gustave Goublier.
  • "Baisers" musique deLouis Gallini et Marcel  Etchecopar.
  • "Pour avoir une belle fourrure" musique de Léon Grunberg.
  • "Ell'savait pas !..." avec Paul Gonnet, musique de Léon Grunberg.
  • "Loup" musique de Pierre Chapelle, orchestrée par Henri Forterre.
  • "Oh ! Oh ! charleston" musique de Pierre Chapelle, Théo Noletty et Henri Forterre.

  • Pierre Chapelle a quitté ce monde, à 51 ans, le 9 décembre 1927, à Paris, 18e. [3]

    Hommages

    Dans Le Bulletin de la Chanson, l'organe officiel de la Chambre Syndicale des Editeurs de Chansons. L'auteur, parolier Handré (André) Danerty, qui en est le secrétaire, rend à Pierre Chapelle cet hommage :

    Le 18 Novembre 1926, le général Gouraud, gouverneur militaire de Paris, présidait le banquet réunissant tous les amis de Pierre Chapelle, à l'issue duquel il devait lui remettre la croix de la Légion d'Honneur.

    En donnant l'accolade à Pierre Chapelle, le général lui fit remarquer qu'il le décorait au nom du Ministère de l'Agriculture, mais que les Ministères de la Guerre, de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, auraient pu eux aussi réclamer la Légion d'Honneur pour Pierre Chapelle. Directeur de "La Bonne Table et le Bon Gite", président de l'Amicale des Journaux du Front, et vice-président de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, Pierre Chapelle cumulait alors les titres et les fonctions avec autant de dévouement que de science.

    Pierre Chapelle était aussi un romancier : auteur du Roman d'un Jeune Homme Maigre, de la Petite Femme du Quartier Latin, el de L'invalide au foie d'argent : un auteur dramatique : auteur de Candidate ; un journaliste : auteur de critiques acerbes et justes, et de chroniques humoristiques et littéraires. Il était aussi un chansonnier, un auteur, un poète. Chansonnier quand il lançait des cris populaires comme : "Ta p'tlte sœur, estc' qu'elle a mal au cœur ?", les "Bidons d'eau", et "Mesdam's enl'vez votr' chapeau".

    Auteur, quand il adaptait des paroles sur Sphinx, El Relicario, Arizona, Wespering, ou Aïe, Aïe, Aïe.

    Poète quand il écrivait : Lina, Garde ton cœur Madeleine, Fanfreluchette, Mie Jolie, Votre baiser d'Adieu, Ton cœur est un oiseau, et Le plus jolie rêve.

    C'était encore autre chose : c'était de l'esprit qui fusait, de la répartie qui cinglait, du mouvement qui se déplaçait, de l'activité qui se dépensait, c'était, comme l'a dit Pierre Chuffange au nom de Jean des Vignes Rouges devant son cercueil, la marche en avant "bousculant même parfois dans sa hâte ceux qui ne marchaient pas à la même allure que lui".

    C'était enfin notre camarade, notre collaborateur, notre ami. Administrateur de la Chambre Syndicale des Editeurs de Chansons, il y fut le speaker de ses galas, le défenseur de ses prérogatives, l'animateur de ses assemblées.

    J'ai écrit qu'il aimait son faubourg, j'ajoute qu'il aimait par-dessus tout son art : la chanson.

    Ce penseur, ce littéraire, ce poète, avait un idéal : ennoblir la chanson française en la voulant plus éducatrice dans le fond et plus soignée dans la forme.

    Ce directeur de la Presse aux Armées avait compris dans sa grande organisation du réconfort moral du Poilu tout ce que la chanson peut produire de bon dans des jours mauvais. Le 21 Octobre dernier, quand nous l'avons mis, Dumont et moi, au courant des projets de la Chambre Syndicale, d'organisation de concerts radiophoniques pour les hôpitaux, il nous a répondu très ému : "C'est une idée épatante", puis il nous a dicté cette phrase qui restera sa dernière collaboration à notre Chambre syndicale : "En nous apportant votre obole pour les vieillards, pour les infirmes, pour les malades, aidez-nous à leur rendre la santé par la chanson". Que cette pensée soit notre programme et cette phrase notre devise puisqu'elle nous fut dictée par le plus grand défenseur de la chanson à l'heure même où la maladie mettait ses jours en danger.

    Pierre Chapelle m'avait dit en lisant mon deuxième article : La T. S. F. et la chanson dans les hôpitaux", annonce que dans un troisième article je dirai tous les bienfaits de la chanson sur un moral abattu.

    La mort a fauché impitoyablement Pierre Chapelle sans lui laisser le temps de rendre à la chanson cet hommage, et c'est douloureusement que ses camarades, ses collaborateurs, ses amis ont écouté dans le plus grand recueillement l'hommage qu'au nom de la Chanson M. Henry Moreau, Président de la. Société des Auteurs. a rendu à Pierre Chapelle dans le discours émouvant que je reproduis ci-après.

    A. DANERTY,
    Secrétaire de la Chambre Syndicale
    des Editeurs de Chansons.

    Au nom de Conseil d'Administration et de tous mes confrères de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, je viens adresser, comme Président, le suprême hommage, le dernier adieu à notre camarade Pierre Chapelle, qui vient de disparaître après une longue et douloureuse maladie; il n'avait que 51 ans.

    Homme de lettres distingué, Pierre Chapelle s'était d'abord consacré à l'enseignement et il fut nommé professeur dans un. lycée de province. il n'avait accepté le professorat que pour exaucer le désir d'un père qu'il vénérait et de sa mère pour laquelle il eut toujours une profonde affection et une respectueuse tendresse.

    Mais Paris l'attirait, et bientôt le professeur Pierre Chapelle, écrivain sans fortune, mais avide de gloire, vint reprendre le bon combat au Quartier Latin. C'est alors qu'il débuta comme journaliste, et le soir, Pierre Chapelle récitait des vers au Cabaret de la Bohème que dirigeait alors notre confrère Léo Lèlièvre.

    Si le secrétaire général du Conseil est absent aujourd'hui, c'est que notre ami Léo Lèlièvre prend, à Portsall, près de Brest, quelques jours de repos, après le surmenage intellectuel et les fatigues venant souvent assaillir les auteurs dramatiques. Léo Lèlièvre avait connu Pierre Chapelle dès son arrivée à Paris, il avait dix-huit ans, il venait pour étudier le droit, mais tourmenté par le démon de la littérature, il déserta bientôt la faculté pour courir les cénacles du Quartier Latin. Il venait chaque soir au Cabaret de la Bohème, et là, se mêlant aux poètes déjà glorieux, Paul Verlaine.. Stuar-Mervill, Jean Moréas, Paul Fort, il passait. ses nuits à discuter d'Art et de Poésie.

    A vingt ans il publia un roman, "Une femme du Quartier Latin", mais il abandonna bientôt ce genre pour s'essayer dans le journalisme. Toutes les feuilles du Boul' Miche publièrent ses jeunes chroniques empreintes d'un esprit frondeur et critique. Puis, il fit quelques poésies qui restaient parnassiennes, malgré le souffle ardent du symbolisme qui transformait, à cette époque, tous les jeunes poètes de la Rive Gauche.

    C'est. Léo Lèlièvre, rimeur de couplet,. déjà connu, qui donna des conseils à Pierre Chapelle pour écrire ses premières chansons et il fur s'in parrain à la ,Société.

    Pierre Chapelle s'essaya dans tous les genres. Mais il excellait surtout Dans la romance à la forme impeccable, ayant conservé la première impression des poètes qui avaient encouragé ses premiers pas.

    Puis il revint au journalisme qu'il n'aurait jamais dû quitter, car c'était bien là sa vraie note.
    Nourri de classiques, doué d'une belle intelligence, il avait le don de l'épithète, de la phrase pittoresque et du sens critique, qui donnaient une saveur particulière aux articles qu'il pouvait écrire sur tous les sujets, avec la plus grande facilité.

    Léo Lèlièvre, compagnon de jeunesse de Pierre Chapelle est parti, la semaine dernière, un peu rassuré, il espérait que, revenant vers la Noël il aurait la joie de retrouver Pierre Chapelle hors de danger.

    Pendant les longs mois de maladie de notre ancien collègue, nous avons vécu ces alternatives cruelles, nous ne pouvions croire que cet homme, encore jeune, serait aussi vite terrassé par la maladie, nous pensions que son robuste tempérarnent triompherait et que la convalescence allait venir.

    Cette semaine encore, notre directeur pour la Belgique, M. Fernand Rooman, après une visite à Pierre Chapelle, m'avait dit que tout espoir n'était pas perdu. Au revoir, à bientôt, je reviendrai dans quinze jours, lui dit Fernand Rooman, et, dans un murmure, le malade réponidit : "Oui, à Nice à Nice, -dans quinze jours."

    Nos confrères Danerty et Dumont, amis personnels de Pierre Chapelle, ne désespéraient pas, eux non. plus. Avec le concours dévoué de l'artiste populaire Tramel, ils avaient projeté, il y a un mois à peine, de faire transporter le malade en •Suisse, pensant qu'il retrouverait la santé en passant quelque temps dans la montagne. Sa femme, si affectueuse et si patiente, son frère si dévoué, ont tout fait, eux aussi, pour essayer de sauver leur cher malade.

    Samedi dernier, prévenu à la première heure du deuil cruel qui frappait la Société des Auteurs, Compositeurs, et Editeurs de Musique, je suis accouru au Siège Social; j'ai immédiatement téléphoné à tous les membres du Conseil, et c'est ainsi que j'ai appris, à la fois, le départ pour la Gironde de notre Président d'Honneur Joubert et son impossibilité d'assister aux obsèques aujourd'hui.

    Un instant après, je recevais la visite du frère de M. Pierre Chapelle, qui, très ému, m'a parlé des derniers moments de notre confrère disparu. Mon pauvre frère, m'a-t-il dit, était devenu méconnaissable le terrible mal qui l'a abattu avait transformé cet homme jeune et robuste en un être chétif et fragile. Mais le cerveau a conservé, jusqu'à la dernière heure, toute sa lucidité et dans un dernier sursaut d'énergie vitale, pour mettre peut-être dans, ce geste suprême la consécration de sa tendresse et de son amour, Pierre Chapelle avait, dans ses deux bras amaigris par la souffrance, serré contre sa poitrine, la tête de sa femme sanglotante à son chevet. Il murmura, dans un dernier souffle "Ma chère femme, ma chère femme". Minute émouvante, m'a dit son frère, minute symbolique que j'ai tenu à évoquer devant -ce cercueil pour dire à Mme Pierre Chapelle que le geste de son mari ne noue surprend pas. C'est la mère de ses enfants, c'est la compagne qu'il affectionnait qu'il eut la force d'étreindre à la minute dernière. Ce croyant a dû regarder la mort sans défaillance, sa foi religieuse lui donnait l'assurance, 'Madame, que son àme immortelle conti-nuerait à vous aimer -dans l'au-delà.

    Pierre Chapelle était entré à la Lyrique comme stagiaire le 28 décembre 1904, après les cinq ans de stage prévus par n-os Statuts, il fut nommé Sociétaire définitif le 24 novembre 1909.

    A l'Assemblée Générale de 1918, la confiance des Sociétaires l'envoyait siéger au Conseil d'Atdministration, et en 1921, il fut nommé Vice-Président.

    Après ce dernier mandat de quatre ans, la rigueur de nos statuts lui imposait une année de repos. Il revint au Conseil d'Administration en 1923; pour la seconde fois, il fut vice-président pour les années 1924 et 1926. Depuis plus d'un quart de siècle que j'ai le grand honneur de faire partie du Conseil d'Administration, j'ai prononcé bien des oraisons funèbres, et c'est toujours avec une émotion sincère que je consulte le catalogue du disparu.

    Je pense avec mélancolie et une angoisse indéfinissable que jamais plus on n'ajoutera un titre sur ce recueil de la pensée, jamais plus, c'est fini.,. encore un cerveau tari, une plume inerte; le flambeau de l'idéal, une fois de plus, s'est échappé des mains du mourant et c'est pour moi une affreuse tristesse. Pierre Chapelle avait à son catalogue social plus de 650 œuvres parmi lesquelles je pourrais citer plus de 100 succès, en voici quelques-uns : Garde ton cœur, Madeleine, Fanfreluchette, Rose d'Automne, Le Rouli Rouli, Le Tango de la Folie, La Valse de nos amour. Pierre Chapelle avait obtenu également de grands succès dans les adaptations d'œuvres étrangères-P Qui ne connait le Bulle Légère, Les Murmures, El Relicario et la Sérénade Féroce ? Mais, dominant les 650 œuvres du poète chansonnier, c'est "Le plus joli rêve", en collaboration avec le compositeur Pierre Arezzo, qui s'affirme comme le plus grand succède Pierre Chapelle.

    C'est la chanson 'qui restera dans les mémoires et que bien longtemps encore fredonneront les midinettes, les étudiants et tous ceux qui aiment la chanson tendre et sentimentale, la vraie chanson française.

    Notre confrère du "Journal", en écrivant son article nécrologique, a dit que "Le plus joli rêve" de Pierre Chapelle avait été de passer quelque temps en Italie, la patrie des poètes et des artistes

    Nous pensons, nous, que le rêve de notre camarade disparu était plus simple. Il voulait être victorieux dans la bataille de la vie. Il voulait vaincre les cruautés du sort, pour assurer l'avenir de tous ses enfants, et pour donner à Madame Pierre Chapelle l'existence douce qu'elle méritait.

    Mais il avait aussi un autre joli rêve, celui de rimer des chansons dont Madame Suzanne-Pierre 'Chapelle aurait composé la musique, et n'était-ce pas là le rêve logique de ce poète chansonnier de faire un jour une chanson immortelle avec la musicienne distinguée qu'était sa compagne.

    Pierre Chapelle ne fut pas seulement un bon chansonnier, ce fut encore un excellent journaliste. Il a fait partie de la rédaction du "Journal", où ses articles techniques étaient très remarqués. Pendant la guerre, comme journaliste, Pierre Chapelle galvanisa la presse du front, il écrivit dans plusieurs feuilles militaires; nous le retrouvons, après la paix, Président de l'Amicale des Journaux du Front, et quand il fut fait chevalier de la Légion (d'Honneur, c'est au Président de l'Amicale des Journaux du Front que le général Gouraud donna l'accolade.

    Madame,

    Comme compositeur, vous faites partie de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, vous avez signé vos pouvoirs le 12 juin 1912, c'est donc à notre jeune stagiaire que j'adresse mes dernières paroles.

    Madame,

    La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique est une Société de perception, mais c'est aussi une grande famille artistique et dans les circonstances douloureuses comme celles d'aujourd'hui, tous les cœurs battent à l'unisson et compatissent aux souffrances de nos sociétaires affligés.

    Nous comprenons, madame, votre grande douleur, nous connaissons votre tendresse vigilante pour le poète qui vient de nous quitter, nous étions avec vous hier, pour partager vos angoisses, nous sommes aujourd'hui avec vous, pour partager votre chagrin et nos sympathies agissantes seront avec vous demain pour consoler, pour aider la femme d'un confrère que la Mort a fauché trop tôt pour la Chanson, pour sa femme et pour ses enfants.

    Au nom du Conseil d'Administration et de tous mes confrères de la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, j'adresse l'hommage suprême, le dernier adieu à notre camarade Pierre Chapelle.

    Henry MOREAU Préident de la Société des auteurs,
    Compositeurs et Éditeurs de Musique.
    19 Décembre 1927

    Notes :
    [1] La Bonne Table et le Bon Gîte était une revue périodique gastronomique qui a servi la cause du Tourisme et de la Gastronomie.
    [2] Comœdia était un journal culturel de presse écrite français fondé par Henri Desgrange, ayant paru du 1er octobre 1907 au 6 août 1914 et du 1er octobre 1919 au 1er janvier 1937 comme quotidien.
    [3] les dates et lieux de naissance et de décès sont confirmés par l'acte de décès n° 4427 dressé en mairie de Paris, 18e, le 10 décembre 1927.
    [4]
    Suzanne Naret, musicienne et compositrice, née le 10 décembre 1894 à Paris, 9e et décédée le 6 avril 1974 à Rambouillet (78 Les Yvelines).
    [5] Le Journal était un quotidien français qui parut entre 1892 et 1944 dont le siège se trouvait 100 rue de Richelieu à Paris, 2e. Dans ses premières années (jusqu'en 1911), c'est un journal littéraire de tendance républicaine. C'était l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avantguerre.
    [6] Bulletin des Armées : journal créé par le commandement pour rassembler et répandre les mots héroïques ou drôles et les meilleurs écrits des poilus.

     


    Pierre Chapelle sera fait chevalier de la Légion d'honneur en juillet 1926.