- "Loup" musique de Pierre Chapelle, orchestrée par Henri Forterre.
- "Oh ! Oh ! charleston" musique de Pierre Chapelle, Théo Noletty et Henri Forterre.
Pierre Chapelle a quitté ce monde, à 51 ans, le 9 décembre 1927, à Paris, 18e. [3]
Hommages
Dans Le Bulletin de la Chanson, l'organe officiel de la Chambre Syndicale des Editeurs de Chansons.
L'auteur, parolier Handré (André) Danerty, qui en est le secrétaire, rend à Pierre Chapelle cet hommage :
Le 18 Novembre 1926, le général Gouraud, gouverneur militaire de Paris, présidait le banquet réunissant tous les amis de Pierre Chapelle, à l'issue duquel il devait lui remettre la croix de la Légion d'Honneur.
En donnant l'accolade à Pierre Chapelle, le général lui fit remarquer qu'il le décorait au nom du Ministère de l'Agriculture, mais que les Ministères de la Guerre, de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, auraient pu eux aussi réclamer la Légion d'Honneur pour Pierre Chapelle. Directeur de "La Bonne Table et le Bon Gite", président de l'Amicale des Journaux du Front, et vice-président de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, Pierre Chapelle cumulait alors les titres et les fonctions avec autant de dévouement que de science.
Pierre Chapelle était aussi un romancier : auteur du Roman d'un Jeune Homme Maigre, de la Petite Femme du Quartier Latin, el de L'invalide au foie d'argent : un auteur dramatique : auteur de Candidate ; un journaliste : auteur de critiques acerbes et justes, et de chroniques humoristiques et littéraires. Il était aussi un chansonnier, un auteur, un poète. Chansonnier quand il lançait des cris populaires comme : "Ta p'tlte sœur, estc' qu'elle a mal au cœur ?", les "Bidons d'eau", et "Mesdam's enl'vez votr' chapeau".
Auteur, quand il adaptait des paroles sur Sphinx, El Relicario, Arizona, Wespering, ou Aïe, Aïe, Aïe.
Poète quand il écrivait : Lina, Garde ton cœur Madeleine, Fanfreluchette, Mie Jolie, Votre baiser d'Adieu, Ton cœur est un oiseau, et Le plus jolie rêve.
C'était encore autre chose : c'était de l'esprit qui fusait, de la répartie qui cinglait, du mouvement qui se déplaçait, de l'activité qui se dépensait, c'était, comme l'a dit Pierre Chuffange au nom de Jean des Vignes Rouges devant son cercueil, la marche en avant "bousculant même parfois dans sa hâte ceux qui ne marchaient pas à la même allure que lui".
C'était enfin notre camarade, notre collaborateur, notre ami. Administrateur de la Chambre Syndicale des Editeurs de Chansons, il y fut le speaker de ses galas, le défenseur de ses prérogatives, l'animateur de ses assemblées.
J'ai écrit qu'il aimait son faubourg, j'ajoute qu'il aimait par-dessus tout son art : la chanson.
Ce penseur, ce littéraire, ce poète, avait un idéal : ennoblir la chanson française en la voulant plus éducatrice dans le fond et plus soignée dans la forme.
Ce directeur de la Presse aux Armées avait compris dans sa grande organisation du réconfort moral du Poilu tout ce que la chanson peut produire de bon dans des jours mauvais. Le 21 Octobre dernier, quand nous l'avons mis, Dumont et moi, au courant des projets de la Chambre Syndicale, d'organisation de concerts radiophoniques pour les hôpitaux, il nous a répondu très ému : "C'est une idée épatante", puis il nous a dicté cette phrase qui restera sa dernière collaboration à notre Chambre syndicale : "En nous apportant votre obole pour les vieillards, pour les infirmes, pour les malades, aidez-nous à leur rendre la santé par la chanson". Que cette pensée soit notre programme et cette phrase notre devise puisqu'elle nous fut dictée par le plus grand défenseur de la chanson à l'heure même où la maladie mettait ses jours en danger.
Pierre Chapelle m'avait dit en lisant mon deuxième article : La T. S. F. et la chanson dans les hôpitaux", annonce que dans un troisième article je dirai tous les bienfaits de la chanson sur un moral abattu.
La mort a fauché impitoyablement Pierre Chapelle sans lui laisser le temps de rendre à la chanson cet hommage, et c'est douloureusement que ses camarades, ses collaborateurs, ses amis ont écouté dans le plus grand recueillement l'hommage qu'au nom de la Chanson M. Henry Moreau, Président de la. Société des Auteurs. a rendu à Pierre Chapelle dans le discours émouvant que je reproduis ci-après.
A. DANERTY,
Secrétaire de la Chambre Syndicale
des Editeurs de Chansons.
Au nom de Conseil d'Administration et de tous mes confrères de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, je viens adresser, comme Président, le suprême hommage, le dernier adieu à notre camarade Pierre Chapelle, qui vient de disparaître après une longue et douloureuse maladie; il n'avait que 51 ans.
Homme de lettres distingué, Pierre Chapelle s'était d'abord consacré à l'enseignement et il fut nommé professeur dans un. lycée de province. il n'avait accepté le professorat que pour exaucer le désir d'un père qu'il vénérait et de sa mère pour laquelle il eut toujours une profonde affection et une respectueuse tendresse.
Mais Paris l'attirait, et bientôt le professeur Pierre Chapelle, écrivain sans fortune, mais avide de gloire, vint reprendre le bon combat au Quartier Latin. C'est alors qu'il débuta comme journaliste, et le soir, Pierre Chapelle récitait des vers au Cabaret de la Bohème que dirigeait alors notre confrère Léo Lèlièvre.
Si le secrétaire général du Conseil est absent aujourd'hui, c'est que notre ami Léo Lèlièvre prend, à Portsall, près de Brest, quelques jours de repos, après le surmenage intellectuel et les fatigues venant souvent assaillir les auteurs dramatiques. Léo Lèlièvre avait connu Pierre Chapelle dès son arrivée à Paris, il avait dix-huit ans, il venait pour étudier le droit, mais tourmenté par le démon de la littérature, il déserta bientôt la faculté pour courir les cénacles du Quartier Latin. Il venait chaque soir au Cabaret de la Bohème, et là, se mêlant aux poètes déjà glorieux, Paul Verlaine.. Stuar-Mervill, Jean Moréas, Paul Fort, il passait. ses nuits à discuter d'Art et de Poésie.
A vingt ans il publia un roman, "Une femme du Quartier Latin", mais il abandonna bientôt ce genre pour s'essayer dans le journalisme. Toutes les feuilles du Boul' Miche publièrent ses jeunes chroniques empreintes d'un esprit frondeur et critique. Puis, il fit quelques poésies qui restaient parnassiennes, malgré le souffle ardent du symbolisme qui transformait, à cette époque, tous les jeunes poètes de la Rive Gauche.
C'est. Léo Lèlièvre, rimeur de couplet,. déjà connu, qui donna des conseils à Pierre Chapelle pour écrire ses premières chansons et il fur s'in parrain à la ,Société.
Pierre Chapelle s'essaya dans tous les genres. Mais il excellait surtout Dans la romance à la forme impeccable, ayant conservé la première impression des poètes qui avaient encouragé ses premiers pas.
Puis il revint au journalisme qu'il n'aurait jamais dû quitter, car c'était bien là sa vraie note.
Nourri de classiques, doué d'une belle intelligence, il avait le don de l'épithète, de la phrase pittoresque et du sens critique, qui donnaient une saveur particulière aux articles qu'il pouvait écrire sur tous les sujets, avec la plus grande facilité.
Léo Lèlièvre, compagnon de jeunesse de Pierre Chapelle est parti, la semaine dernière, un peu rassuré, il espérait que, revenant vers la Noël il aurait la joie de retrouver Pierre Chapelle hors de danger.
Pendant les longs mois de maladie de notre ancien collègue, nous avons vécu ces alternatives cruelles, nous ne pouvions croire que cet homme, encore jeune, serait aussi vite terrassé par la maladie, nous pensions que son robuste tempérarnent triompherait et que la convalescence allait venir.
Cette semaine encore, notre directeur pour la Belgique, M. Fernand Rooman, après une visite à Pierre Chapelle, m'avait dit que tout espoir n'était pas perdu. Au revoir, à bientôt, je reviendrai dans quinze jours, lui dit Fernand Rooman, et, dans un murmure, le malade réponidit : "Oui, à Nice à Nice, -dans quinze jours."
Nos confrères Danerty et Dumont, amis personnels de Pierre Chapelle, ne désespéraient pas, eux non. plus. Avec le concours dévoué de l'artiste populaire Tramel, ils avaient projeté, il y a un mois à peine, de faire transporter le malade en •Suisse, pensant qu'il retrouverait la santé en passant quelque temps dans la montagne. Sa femme, si affectueuse et si patiente, son frère si dévoué, ont tout fait, eux aussi, pour essayer de sauver leur cher malade.
Samedi dernier, prévenu à la première heure du deuil cruel qui frappait la Société des Auteurs, Compositeurs, et Editeurs de Musique, je suis accouru au Siège Social; j'ai immédiatement téléphoné à tous les membres du Conseil, et c'est ainsi que j'ai appris, à la fois, le départ pour la Gironde de notre Président d'Honneur Joubert et son impossibilité d'assister aux obsèques aujourd'hui.
Un instant après, je recevais la visite du frère de M. Pierre Chapelle, qui, très ému, m'a parlé des derniers moments de notre confrère disparu. Mon pauvre frère, m'a-t-il dit, était devenu méconnaissable le terrible mal qui l'a abattu avait transformé cet homme jeune et robuste en un être chétif et fragile. Mais le cerveau a conservé, jusqu'à la dernière heure, toute sa lucidité et dans un dernier sursaut d'énergie vitale, pour mettre peut-être dans, ce geste suprême la consécration de sa tendresse et de son amour, Pierre Chapelle avait, dans ses deux bras amaigris par la souffrance, serré contre sa poitrine, la tête de sa femme sanglotante à son chevet. Il murmura, dans un dernier souffle "Ma chère femme, ma chère femme". Minute émouvante, m'a dit son frère, minute symbolique que j'ai tenu à évoquer devant -ce cercueil pour dire à Mme Pierre Chapelle que le geste de son mari ne noue surprend pas. C'est la mère de ses enfants, c'est la compagne qu'il affectionnait qu'il eut la force d'étreindre à la minute dernière. Ce croyant a dû regarder la mort sans défaillance, sa foi religieuse lui donnait l'assurance, 'Madame, que son àme immortelle conti-nuerait à vous aimer -dans l'au-delà.

Pierre Chapelle était entré à la Lyrique comme stagiaire le 28 décembre 1904, après les cinq ans de stage prévus par n-os Statuts, il fut nommé Sociétaire définitif le 24 novembre 1909.
A l'Assemblée Générale de 1918, la confiance des Sociétaires l'envoyait siéger au Conseil d'Atdministration, et en 1921, il fut nommé Vice-Président.
Après ce dernier mandat de quatre ans, la rigueur de nos statuts lui imposait une année de repos. Il revint au Conseil d'Administration en 1923; pour la seconde fois, il fut vice-président pour les années 1924 et 1926. Depuis plus d'un quart de siècle que j'ai le grand honneur de faire partie du Conseil d'Administration, j'ai prononcé bien des oraisons funèbres, et c'est toujours avec une émotion sincère que je consulte le catalogue du disparu.
Je pense avec mélancolie et une angoisse indéfinissable que jamais plus on n'ajoutera un titre sur ce recueil de la pensée, jamais plus, c'est fini.,. encore un cerveau tari, une plume inerte; le flambeau de l'idéal, une fois de plus, s'est échappé des mains du mourant et c'est pour moi une affreuse tristesse. Pierre Chapelle avait à son catalogue social plus de 650 œuvres parmi lesquelles je pourrais citer plus de 100 succès, en voici quelques-uns : Garde ton cœur, Madeleine, Fanfreluchette, Rose d'Automne, Le Rouli Rouli, Le Tango de la Folie, La Valse de nos amour. Pierre Chapelle avait obtenu également de grands succès dans les adaptations d'œuvres étrangères-P Qui ne connait le Bulle Légère, Les Murmures, El Relicario et la Sérénade Féroce ? Mais, dominant les 650 œuvres du poète chansonnier, c'est "Le plus joli rêve", en collaboration avec le compositeur Pierre Arezzo, qui s'affirme comme le plus grand succède Pierre Chapelle.
C'est la chanson 'qui restera dans les mémoires et que bien longtemps encore fredonneront les midinettes, les étudiants et tous ceux qui aiment la chanson tendre et sentimentale, la vraie chanson française.
Notre confrère du "Journal", en écrivant son article nécrologique, a dit que "Le plus joli rêve" de Pierre Chapelle avait été de passer quelque temps en Italie, la patrie des poètes et des artistes
Nous pensons, nous, que le rêve de notre camarade disparu était plus simple. Il voulait être victorieux dans la bataille de la vie. Il voulait vaincre les cruautés du sort, pour assurer l'avenir de tous ses enfants, et pour donner à Madame Pierre Chapelle l'existence douce qu'elle méritait.
Mais il avait aussi un autre joli rêve, celui de rimer des chansons dont Madame Suzanne-Pierre 'Chapelle aurait composé la musique, et n'était-ce pas là le rêve logique de ce poète chansonnier de faire un jour une chanson immortelle avec la musicienne distinguée qu'était sa compagne.
Pierre Chapelle ne fut pas seulement un bon chansonnier, ce fut encore un excellent journaliste. Il a fait partie de la rédaction du "Journal", où ses articles techniques étaient très remarqués. Pendant la guerre, comme journaliste, Pierre Chapelle galvanisa la presse du front, il écrivit dans plusieurs feuilles militaires; nous le retrouvons, après la paix, Président de l'Amicale des Journaux du Front, et quand il fut fait chevalier de la Légion (d'Honneur, c'est au Président de l'Amicale des Journaux du Front que le général Gouraud donna l'accolade.
Madame,
Comme compositeur, vous faites partie de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, vous avez signé vos pouvoirs le 12 juin 1912, c'est donc à notre jeune stagiaire que j'adresse mes dernières paroles.
Madame,
La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique est une Société de perception, mais c'est aussi une grande famille artistique et dans les circonstances douloureuses comme celles d'aujourd'hui, tous les cœurs battent à l'unisson et compatissent aux souffrances de nos sociétaires affligés.
Nous comprenons, madame, votre grande douleur, nous connaissons votre tendresse vigilante pour le poète qui vient de nous quitter, nous étions avec vous hier, pour partager vos angoisses, nous sommes aujourd'hui avec vous, pour partager votre chagrin et nos sympathies agissantes seront avec vous demain pour consoler, pour aider la femme d'un confrère que la Mort a fauché trop tôt pour la Chanson, pour sa femme et pour ses enfants.
Au nom du Conseil d'Administration et de tous mes confrères de la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, j'adresse l'hommage suprême, le dernier adieu à notre camarade Pierre Chapelle.
Henry MOREAU Préident de la Société des auteurs,
Compositeurs et Éditeurs de Musique.
19 Décembre 1927

Notes :
[1] La Bonne Table et le
Bon Gîte était une revue périodique gastronomique qui a servi
la cause du Tourisme et de la Gastronomie.
[2] Comœdia était un journal culturel de presse écrite français fondé par Henri Desgrange, ayant paru du 1er octobre 1907 au 6 août 1914 et du 1er octobre 1919 au 1er janvier 1937 comme quotidien.
[3] les dates et lieux de naissance et de décès sont confirmés par l'acte de décès n° 4427 dressé en mairie de Paris, 18e, le 10 décembre 1927.
[4]Suzanne Naret, musicienne et compositrice, née le 10 décembre 1894 à Paris, 9e et décédée le 6 avril 1974 à Rambouillet (78 Les Yvelines).
[5] Le Journal était un quotidien français qui parut entre 1892 et 1944 dont le siège se trouvait 100 rue de Richelieu à Paris, 2e. Dans ses premières années (jusqu'en 1911), c'est un journal littéraire de tendance républicaine. C'était l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avantguerre.
[6] Bulletin des Armées : journal créé par le commandement pour rassembler et répandre les
mots héroïques ou drôles et les meilleurs écrits des poilus.

Pierre Chapelle sera fait chevalier de la Légion d'honneur en juillet 1926.
