Dranem : La Fondation Dranem
n 1906, Dranem est au sommet de son art et de sa gloire et s'inquiète du sort des retraités de la Société de Secours Mutuel des Artistes Lyriques n'ayant pas connu le succès et la gloire se retrouvant souvent infortunés. La Société de prévoyance des artistes lyriques, fondée en 1881 par Jules Pacra (père) faisait elle-même suite à l’Union des artistes lyriques des cafés concerts, dont l'existence fut éphémère, créée en 1865 au théâtre de l'Eldorado par Jules Perrin. Rebaptisée Société de secours mutuels des artistes lyriques en 1890, elle s'ouvrit aux autres professions en 1906 et devint la Société de secours mutuels des artistes lyriques, artistes dramatiques et musiciens, employés de théâtre, concert et music-halls. Dranem n'oublie pas ses amis du métier, qui finissent alors bien souvent leur vie de façon misérable. En 1907, il forme un comité pour la création d’une maison de retraite, comme l'avait fait Constant Coquelin dit Coquelin Ainé, huit ans auparavant à Couilly-Pont-aux-Dames (77 - Seine-et-Marne) en créant la Maison de retraite des artistes dramatiques.. En seront avec Dranem : Fréjol, Portal, Lejal, Blon-Dhin, Demanche et Delly’s.
En mars 1909, un numéro spécial du magazine voit le jour. Vendu cinquante centimes au profit de l’œuvre de la maison de retraite des artistes lyriques.Le comité de l'Œuvre s'adresse aux lecteurs :
Cher Public
Le conseil d’administration de l’Œuvre de la Maison de Retraite des Artistes lyriques, dont le président-fondateur est Dranem, a décidé de demander à de faire un numéro spécial consacré à cette Œuvre, afin de faire connaître au public son fonctionnement et le but qu’elle poursuit.
Nous vous présentons aujourd’hui ce numéro extraordinaire qui vous fera connaître les artistes sous un jour inconnu, et vous prouvera que ceux qui vous ont tant fait rire savent devenir sérieux quand il s’agit de soulager les misères de leurs vieux camarades.
Toutes les plus grandes vedettes du concert, unies dans un même élan de solidarité, ont consenti à figurer dans ce numéro et à donner la meilleure chanson de leur répertoire. Ce numéro unique, que tout le monde voudra posséder, sera vendu au profit de l’Œuvre de la Maison de Retraite des Artistes lyriques ; en l'achetant, vous aurez, tout en vous amusant, concouru à une œuvre intéressante et charitable.
Ces hommes ne vont penser qu'à leurs confrères et consoeurs quand en 1910, le destin vient à leur secours ! Dranem gagne 100 000 francs à la Loterie Nationale !
A Ris Orangis, le château de Ris et les 12 hectares restant de son parc sont mis en vente par la veuve de Henri Fontaine, dernier propriétaire et ancien maire du village.
Le Château de Ris a été construit par Louis XV.
En 1750, ce domaine de 40 hectares est racheté par la famille Anisson-Dupéron, directeur de l’imprimerie royale pendant la Révolution.
Accusé d’accaparement par les sans-culottes rissois en 1793, le directeur est arrêté, jugé et guillotiné le 24 avril 1794. Ses biens sont déclarés "Biens nationaux" et mis en vente.
Le général Bonaparte qui souhaitait faire l'acquisition d'une propriété proche de Paris désira visiter le château de Ris et en tomba amoureux, mais son départ pour la Campagne d’Égypte contrecarra son projet. En son absence Joséphine de Beauharnais acheta la Malmaison. En 1838, C'est le comte Andréossy, à qui Bonaparte s'était confié durant la Campagne, qui en fit l'acquisition. à cette époque, une allée conduisait encore du château à la Seine où existaient alors trois îles qui depuis ont été draguées pour élargir le lit du fleuve.Puis le château passa successivement entre les mains de la marquise de Rigny, puis du marquis de Talhouët-Roy qui, en 1898 décida de le revendre.
Le domaine fut alors divisé en trois lots :
- Le château et la partie haute du parc fut vendu à Henri Fontaine, en 1898, fermier à Orangis et Maire de Ris-Orangis de 1891 à 1904. Le bâtiment appelé "La Conciergerie" qui abritait aussi la chapelle et qui se trouvait le long de l'allée principale qui conduisait au château, fut démoli pour faire place, en 1907, à la première école publique de Ris-Orangis, l'école du Centre.
- Le deuxième lot, la partie basse du parc, entre la route nationale (NdA : RN7) et l'actuelle rue de la Chartreuse, fut transformé en lotissement, appelé "Payenneville", limité d'un côté par le chemin des Glaises et de l'autre par la limite actuelle du parc.
- Le troisième lot consista en une place que le marquis de Talhouët donna à la ville pour en faire une place des Fêtes, actuellement place Gabriel Péri, communément appelée "place du Monument aux morts" ou encore de nos jours "Place des Fêtes".
Source : GRHL - Histoire Locale de Ris-Orangis |
Dranem achète le chateau pour le compte de la Société de Secours Mutuel des Artistes Lyriques. Ce château, devenu Fondation Dranem, avec sa très belle façade, son parc et ses communs, renferme un jardin potager, des serres et le pavillon de l’infirmerie. A l’intérieur du château, les vestibules, le salon, les chambres, la salle à manger, des salles de bains, douches et hydrothérapie…, mais aussi une salle de billard, une bibliothèque, une galerie couverte, une terrasse d’été et un jardin d’hiver. Son cadre est riant et agréable, somptueux et calme. Ainsi le Château de Ris deviendra le Château Dranem !
LA FOURMI
n'est pas prêteuse
c'est là son moindre défaut
et la pauvre cigale
imprévoyante
l'apprit à ses dépens.
Pendant de longues années les artistes, pauvres Cigales, ont fait comme celle de La Fontaine ; elles chantaient, amusaient la foule, et quand l'âge et la maladie les terrassaient, se trouvaient sans un sou et, dédaignées par cette même foule qui les applaudissait, allaient finir leurs jours sur un lit d'hôpital. L'imprévoyance était le défaut principal des artistes ; toujours sur la brèche pour venir en aide aux malheureux, prêtant sans compter leur concours à toutes les œuvres de bienfaisance qui les demandaient, ils ne songeaient pas une minute qu'un jour ils pourraient, à leur tour, être dans la misère. Le nombre
des artistes lyriques augmentant sans cesse (les heureux dans ce métier étant rares) le nombre des malheureux augmentait aussi de jour en jour. C'est alors qu'en 1881, un homme de bien, que tous les artistes vénèrent, M. Jules Pacra père, eut l'idée, audacieuse pour cette époque, de fonder une Société de Secours mutuels des artistes lyriques qui leur viendrait en aide quand ils seraient malades et leur servirait une petite rente sur leurs vieux jours.
C'est le 10 janvier 1881 que M. Jules Pacra père, assisté de MM. Aristide Bruant, Charles Mey, Min et Aumont, fonda la Société de Secours mutuels des Artistes lyriques. Très fortement combattue à sa naissance, cette Société eut des débuts plus que modestes et, malgré les efforts de son généreux fondateur, elle ne comptait, au milieu de 1881, que 125 sociétaires et ne possédait que 763 fr. 40. Avec une patience et un courage admirables (il en fallait à cette époque où on considérait les mutualistes comme des anarchistes) M. Jules Pacra continua la tâche qu'il s'était imposée. C'est ainsi qu'en 1895 il arrivait à porter l'effectif de la Société à 585 sociétaires réguliers et, après avoir versé 2.145 francs de secours, accusait à l'Assemblée générale un avoir de 27.640 francs. M. Pacra ayant dù, étant donné son grand Age, abandonner la présidence, fut remplacé par M. B. Bloch, le président actuel, qui mit toute son activité et son intelligence au service de la Société. Entouré de collaborateurs dévoués, comprenant tous la nécessité de la mutualité, il fit de la Société de Secours mutuels des Artistes lyriques une des Sociétés les plus importantes de France (le Ministère du travail l'a d'ailleurs désignée pour prendre rang dans les Sociétés de Secours mutuels présentées par le Gouvernement français à l'Exposition de Londres où elle a obtenu une médaille d'argent). précédemment elle avait obtenu en 1905 une médaille de bronze à l'Exposition de Liège et une médaille d'argent à l'Exposition de Bordeaux en 1907. A l'heure actuelle, la Société de Secours mutuels des Artistes lyriques compte 4.500 sociétaires et possède 120.000 francs ; elle a versé à ses sociétaires depuis sa fondation 114.232 francs de secours et sert 2.800 francs de rentes à 28 sociétaires retraités.
Le Comité, encouragé par ces beaux résultats, a voulu faire mieux encore et a décidé, dans sa séance du 30 janvier 1907, la création d'une "MAISON DE RETRAITE" pour ses vieux sociétaires nécessiteux. Quels sont les motifs qui ont poussé je Comité à créer cette Maison de Retraite ? Le motif principal est le peu de sécurité que présente la profession d'artiste, et les difficultés sans nombre que l'artiste rencontre pour arriver à la notoriété et posséder un capital suffisant pour lui assurer ses vieux jours. En effet, combien d'artistes peuvent prétendre, à l'âge de 55 ans, à vivre de leurs rentes ? Combien, après avoir amassé un petit pécule, terrassés par la maladie, voient leurs économies disparaître au moment où ils étaient sur le point d'e profiter ? Combien d'heureux, pour la grande quantité de malheureux ? La misère est grande chez les vieux artistes vaincus par l'âge et la maladie et quand ils vieillissent (la femme surtout) le public ingrat, oubliant ceux celles qui les charmèrent par leur talent et leur beauté, n'accorde même plus un applaudissement à ces idoles d'hier. C'est alors la lutte pour obtenir un engagement dérisoire, la longue attente dans les agences lyriques pour avoir le cachet du dimanche avec lequel il faudra vivre la semaine ; c'est la misère, la faim, l'hôpital. Or les Artistes dramatiques ont leur Maison de retraite ; tous les ouvriers vont avoir droit, par suite de la loi sur les retraites ouvrières, à une retraite, seuls les artistes lyriques n'ont droit à rien. La Société de Secours mutuels des Artistes lyriques peut donner aujourd'hui une rente de 100 francs à ses sociétaires retraités. Cette rente pourra être portée d'ici quelques années à 150 francs ; or, il est malériellement impossible de vivre avec une somme aussi minime, et c'est pourquoi le Comité a pensé qu'il était nécessaire c leur assurer le pain et le logement en créant une Maison de Retraite où pourront entrer tous les retraités de Société de Secours mutuels, sans exception. L'hospitalisation de cette Maison de Retraite ne sera pas une faveur que l'on accordera aux sociétaires retraités, ils ne seront pas admis là par charité, ils seront chez eux, dans leur propriété, et ils pourront, au milieu du confort le plus moderne, dans des conditions d'hygiène inappréciables, terminer tranquillement leu jours, sans aucun souci matériel. Les Artistes lyriques ont. été précédés dans cette voie par Coquelin alné dont le souvenir restera impérissable et qui s'est acquis la reconnaissance de ses camarades en fondant la "Maison des Comédiens" à Pont-aux-Dames. La Maison de Retraite des Artistes lyriques sera bâtie à peu près sur le même modèle. Elle comprendra 54 chambres - 24 pour les femmes, 24 pour les hommes et 6 chambres de ménages, - soit en tout 60 pensionnaires. Chaque chambre a son vestiaire et son cabinet de toilette. Les pensionnaires auront à leur disposition des salles de bains et d'hydrothérapie. Une infirmerie sera installée avec les derniers perfectionnements le service médical sera assuré par deux médecins attachés à l'établissement. Les repas se prendront par petites tables dans une salle à manger commune ; de plus, les dames auront leur salon et leur bibliothèque. Les hommes leur bibliothèque et leur salle de billard. Un parc d'une dizaine d'hectares entourera la Maison et, en parcourant ce petit domaine, les vieux artistes pourront se croire propriétaires et rentiers. Les pensionnaires pourront sortir quand ils le désireront en prév nant simplement le directeur et s'habilleront comme ils le voudront. A cet effet, une somme annuelle de 60francs leur sera allouée. En outre ils recevront 5 francs par mois pour leurs menus frais. Pour rentrer à la Maison de Retraite il suffira d'être retraité de la Société de Secours mutuels des Artist lyriques et de prouver, par des pièces officielles, son indigence. La création de cette Maison de Retraite fut adoptée à l'unanimité à l'Assemblée générale de la Société de Secours mutuels, le 25 février 1907, qui nomma immédiatement un Conseil d'administration composé de la façon suivante :
Membres du Comité :
Président : M. DRANEM.
Vice-Présidents : MM. PORTAL et LEJAL
Secrétaire : M. FRÉJOL
Secrétaire-adjoint : M. DEMANCHE
Trésorier : M. BLON-DHIN.
Trésorier-adjoint : M. GALAN |
Archiviste : M. MONTJOY
Commission aux comptes : MM.BERTHO, DELLY'S, DUTARD, SERJIUS, ZECCA, SINOËL.
Membres du Conseil : COSNARD, LIMAT, MAURIN-GUERINI, MORIN, RIBERT, BOURGERY, DUVAL. |
Que coûtera la Maison de Retraite ? En se basant sur la Maison des Comédiens, le capital nécessaire pour créer et faire fonctionner la Maison de Retraite devra être de :
Achat du terrain, construction, aménagement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400.000 francs
Capital nécessaire à l'entretien et la nourriture des pensionnaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.750.000 francs
Capital nécessaire pour les frais généraux. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 650.000 francs
Total. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2.800.000 francs
Comment obtenir cette somme énorme de 2.800.000 francs nécessaire à la création de l'Œuvre?
Un seul moyen se présentait : une Loterie. C'est alors que le Conseil d'administration chargea MM. Dranem, président ; Portal, vice-président, et Fréjol, secrétaire, de faire près du ministre de l'Intérieur les démarches nécessaires pour obtenir l'autorisation de cette Loterie. L'autorisation d'émettre une Loterie n'est pas ce qu'un vain peuple pense. Le nombre de démarches et de rapports à fournir est incalculable. Après une année d'efforts, l'autorisation fut enfin donnée par arrêté ministériel le 18 avril 1907, mais avec restriction que la vente des billets ne pourrait avoir lieu qu'à partir du 1er mai 1908. Il fallut encore faire d'autres démarches pour obtenir l'autorisation de placer des billets avant la date prévu( par l'arrêté ministériel afin d'avoir plus de temps pour effectuer la vente. Enfin, par arrêté ministériel du 19 décembre 1907, le gouvernement autorisait le placement des billets à le condition que les Artistes effectueraient ce placement par leurs propres moyens, c'est-à-dire sans faire aucune réclame, jusqu'au 1er avril 1908. Pendant la période qui s'écoula entre le 18 avril et le 19 décembre, les trois membres du Conseil d'administration chargés de l'organisation de la Loterie, c'est-à-dire MM. Dranem, Portal et Fréjol, s'occupèrent de trouver les fonds nécessaires au dépôt de garantie des lots. (Le public ignore généralement qu'il faut, pour avoir le droit de faire sortir un billet de loterie, avoir déposé le montant des lots dans une caisse de crédit désignée par le ministère de l'Intérieur.) De généreux amis s'intéressant à l'Œuvre voulurent bien avancer la somme de 621.100 francs, représentant la totalité des lots, qui fut versée le 9 janvier 1908 au Comptoir national d'Escompte de Paris. ainsi qu'en fait foi le reçu dont nous reproduisons le fac-similé.
Une fois les lots déposés et les billets imprimés, il fallut que Dranem, Portal et Fréjol se convertissent en administrateurs. C'était une tâche peu facile. Néanmoins ils se mirent à l'ouvrage et quelques mois après la France entière connaissait, par les circulaires envoyées et par les fêtes organisées, que les Artistes lyriques voulaient fonder une Maison de Retraite, et que pour y arriver ils avaient obtenu l'autorisation d'émettre une Loterie au capital de 4.700.000 francs qui donnerait comme lots une somme de : 621.100 francs, tous payables en espèces.
Immédiatement les demandes commencèrent à affluer au siège de la Loterie, 110, boulevard Sébastopol ; le public, comprenant qu'il s'agissait réellement d'une œuvre de bienfaisance et pas d'une opération financière, tenait à prouver aux Artistes toute sa sympathie en prenant un grand nombre de billets. En ce moment la vente a augmenté dans des proportions considérables et les organisateurs sont absolument débordés. Dans des bureaux spacieux, mais qui sont devenus trop étroits pour contenir le nombreux personnel nécessaire au fonctionnement des divers services, les sympathiques artistes Portal et Fréjol, que le Conseil d'administration a délégués pour s'occuper de la Loterie, se multiplient pour assurer l'expédition des billets qui augmente de jour en jour.
Suivent alors, les partitions et paroles des chansons offertes par les artistes ayant participé à ce numéro spécial de :
CE QUI A ÉTÉ FAIT POUR REUSSIR LES FÊTES
Le Comité de de l'Œuvre, pensant que, pour bien faire connaître le but à atteindre, une grande publicité était nécessaire, et n'ayant pas au début les moyens suffisants pour s'offrir la publicité des journaux, décida d'organiser ses représentations dans les villes les plus importantes de France. C'est ainsi sque Lyon, Saint-Quentin, Nice, Toulon, Bordeaux, Grenoble, Marseille, Toulouse, Nancy, Rouen, Reims, Caen, Mmes, Vichy, Lille, Bruxelles, Paris, s'intéressèrent à l'œuvre. A toutes ces fêtes les meilleurs artistes de Paris prêtèrent leur concours gracieux. On ne sait trop qui remercier, des Directeurs qui prêtèrent leur salle, des Artistes qui prêtèrent eur concours, des Musiciens ou des Compagnies de chemins de fer qui, en accordant le voyage à demi-tarif aux artistes, contribuèrent ainsi à la réussite. Paris eut pourtant les fêtes les plus grandioses. Les organisateurs estimèrent avec juste raison que dans la Capitale ils devaient frapper un grand coup qui aurait sa répercussion dans toute la France. C'est Tabarin qui ouvrit le feu avec la Redoute du 7 mai 1908 qui fit 9.000 francs de recettes. Un des collaborateurs précieux de cette ère fut Max Viterbo, le secrétaire général des Ambassadeurs. Depuis longtemps le Comité avait en tête d'organiser une fête sportive, elle eut lieu à Buffalo, le t4 août 1908. Le Vélodrome, obligeamment prêté par MM. Coquelle & C" Managers, fut ce jour-là trop petit et on peut dire que ce fut un grand succès. L'organisation fut difficile en raison du programme immense qu'elle comportait; mais tout réussit à merveille et on vit tous les coureurs professionnels se mettre en ligne et disputer gracieusement une course de Primes que Seigneur gagna; Major Taylor lui-même battit un record. Trousselier et tutti quanti gagnèrent aussi plusieurs courses. Les courses disputées par les artistes ne furent pas moins émotionnantes et bon nombre étaient dignes de figurer parmi les meilleurs stayers. La recette dépassa 10.000 francs. 7.e magnifique résultat est dù à la collaboration de M. Blon-Dhin, trésorier de l'œuvre.
Après ce succès il en fallait un autre plus grand. Les organisateurs pensèrent que les Tuileries étaient le cadre rêvé. Mais il fallait l'autorisation des pouvoirs publics' On se mit en campagne et après maintes démarches on obtint du Ministère des Beaux-Arts l'autorisation demandée. Ce fut alors qu'il fallut se remuer pour montrer au public quelque chose de sensationnel, mais les organisateurs ne s'arrêtant pas devant les difficultés, le public eut la satisfaction de voir un spectacle sans précédent. Aux Tuileries de tous les côtés se dressaient des théâtres. La Garde Républicaine, l'Opéra, l'Opéra-Comique, le Français et tous les théâtres de Paris prêtèrent leur concours. Quatre scènes furent dressées ayant chacune leur spectacle indépendant : un concours de gymnastique, concours de musique, en tout 1.500 exécutants, bal en plein air, chevaux de bois, etc., etc. L'enlèvement du ballon le "Risque-Tout" ayant à son bord Emilienne d'Alençon, et le défilé historique des armées obtinrent un succès immense.
On entendit la "Marche de Sambre-et-Meuse" jouée par mille exécutants, tambours, clairons et musique, le tout dirigé par M. Merlier, chef de musique du Journal. La recette atteignit 41.000 francs.
Nous devons tous nos remerciements au Journal qui patronna cette fète et en particulier à M. Fordyce, un ami de la maison, qui ne ménage ni sa peine, ni son temps quand on s'adresse à lui.
Après cette série de fêtes destinées à faire connaître au public l'œuvre de la Maison de Retraite des Artistes lyriques, il restait à instruire ce public sur la vie et la misère de cette classe intéressante de la Société. C'est au Dr Léon Petit que fut confiée cette tâche. Nul n'était plus qualifié que lui pour la remplir. Orateur de premier ordre, indépendant, lyrique, fougueux même ; on était sùr d'obtenir de lui une conférence parfaite. C'est au Trocadéro, le 29 octobre 1908, devant une salle archi-comble, qu'il la fit et obtint un succès immense. Il sut toucher l'âme des spectateurs et les artistes lui doivent une grande reconnaissance.
Aux côtés de M. Gaston Doumergue, ministre de l'Instruction publique, qui présidait, avaient pris place : M. Augis, délégué du ministère de l'instruction publique; MM. Puech et Dalimier, députés ; M. Barberez, directeur honoraire de la Mutualité ; M. Muscle, directeur actif de la Mutualité: M. Rortiel, inspecteur général au ministère de l'Intérieur ; M. Ernest Joly, rédacteur principal,au ministère de l'Intérieur ; le Dr Arthur Petit ; Dr Baumgarten; M. Fordyce, du Journal; M° Mossé, avocat à la Cour d'appel, et M. Jules Pacra, président-fondateur de la Société de Secours mutuels des Artistes lyriques. (Cette conférence a été l'objet d'une édition spéciale faite par l'œuvre de la Maison de Retraite.)
La dernière grande fète donnée à Paris fut la Redoute-Gala des Milliardaires, organisée au Moulin-Rouge le 19 décembre à minuit; elle obtient un aussi grand succès que les autres et pas mal de spectateurs découvrirent dans la salle les opulents milliardaires qui se promenaient incognito avec plusieurs billets de banque dans leur poche • plus de 5.000 francs de primes, obtenues gracieusement, furent distribuées au public. La recette dépassa 8.000 francs.
Comme on le voit, depuis le 1er janvier 1908, les organisateurs ont donné dans toute la France près de 6o fètes; s'il faut en déduire qu'ils ont fait marcher de front leurs affaires personnelles, c'est-à-dire qu'ils ont en même temps répété, joué ou chanté dans les théâtres où ils sont engagés, on doit en conclure qu'il leur a fallu tout de même quelque peine pour arriver à un résultat pareil.
Leurs efforts ont été largement récompensés. Les billets s'enlèvent par milliers et nous conseillons à toutes les personnes désireuses de s'enrichir, en faisant une bonne œuvre, d'acheter sans tarder les derniers billets de la loterie de la Maison de Retraite des Artistes lyriques.
La Maison de retraite des Artistes Lyriques
L'inauguration en mai 1911
Le 14 mai 1911, le président de la République, Armand Fallières, viendra inaugurer la Fondation.
Le naufrage du Général Chanzy
Le même jour, dans le parc du château, fut inauguré le monument aux victimes du naufrage du paquebot Général Chanzy. Dans la nuit du 9 au 10 février 1910, le Général Chanzy, paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique faisant le service entre Marseille et Alger, fit naufrage sur la côte de l'île de Minorque. L'accident eut un impact énorme dans la presse internationale et a été l'une des tragédies qui choqua le plus l'opinion publique du moment. 157 victimes dont 87 membres d’équipage.
Il n’y eut qu’un seul survivant, l'employé des douanes.
Toute la
troupe d’artistes qui devait figurer deux jours plus tard au programme du Casino d’Alger fut engloutie dans les flots de la Méditerranée..
En leur mémoire, un monument dessiné par l’architecte Georges Wybo (1880-1943) fut construit à Ris-Orangis dans le parc de la Maison de retraite des artistes lyriques de la Fondation Dranem.
Preuve de l’émotion suscitée par le naufrage, le monument fut inauguré le 14 mai 1911 par Armand Fallières, président de la République, le même jour que l'inauguration de la Fondation Dranem.
Le monument porte l’inscription gravée : à la mémoire de nos camarades morts victimes du naufrage du général Chanzy le 10 Février 1910. Puis suivent les noms des artistes ayant péri dans ce naufrage :
Messieurs Francis Dufor, chanteur réaliste, Janiot, comique genre troupier et Nestor,l'homme qui se dévisse la tête et marche à l'envers, Les Derenda et Green, jongleurs, Marcelle Lafarre, chanteuse à diction genre Esther Lekain, Élise Henry, diseuse, Monsieur et Madame Joly-Velia, duettistes, Les Stakelys, barristes comiques de San Francisco.
Le Pierrot triste
A l'entrée du parc une stèle, inaugurée le 27 septembre 1922, commémore la disparition des artistes morts pour la France pendant la Grande Guerre. Elle représente un Pierrot, portant brelages et cartouchières, un glaive à la main. Des larmes coulent sur ses joues. Au dos de la stèle sont gravés les noms des disparus.
La sépulture de Dranem
Dranem avait expressément précisé qu'il serait inhumé avec son épouse dans le jardin de la Fondation. Il décède le 13 octobre 1935 et est inhumé dans le parc selon son voeu. Il avait pris soin d'écrire l'épitaphe : Ne vous attristez pas de ma mort vous que j'ai tant aimé faire rire. Le 12 mai 1936, sera inaugurée une stèle sur sa tombe. Un menhir surmonté du buste d'un Dranem riant !
Le grand caveau de la Fondation
Monument notoire du cimetière de Ris-Orangis, le grand caveau de la Fondation Dranem. Ce dernier accueille, depuis 1911, les dépouilles des artistes lyriques qui ont terminé leur vie, misérablement parfois, au château de Ris.
Autour de la Fondation
Papier à lettre, cartes postales...
L'après Dranem
En 1935, suite au décès de Dranem, Maurice Chevalier est nommé président d'honneur de la Fondation Dranem. Il le restera jusqu'à son décès en 1972.
En 1930, Chevalier est stigmatisé par la presse qui se fera l'écho de ses appointements mirobolants et qui estimera son salaire horaire à 13 333 francs et le surnommera The most expensive artist in the world (l'artiste le plus cher du monde). Il regrette que les journaux ne mentionnent pas qu'il finance de sa poche une maison de retraite pour anciens artistes située à Ris-Orangis. |
Le théâtre de verdure accueille des spectacles donnés pour les résidents, mais aussi pour les Rissois. Dans les années 1950 un théâtre en dur fut construit dans le parc et beaucoup de Rissois se souviennent encore des artistes qu'ils allaient y admirer, Edith Piaf, Maurice Chevalier, La Houppa, Charpini et Brancato, Bordas, Georges Guetary, Charles Aznavour, Annie Cordy, entre autres... La scène avec ses armatures métalliques qui servaient à soutenir les décors, existe toujours dans le parc. D'Aimable à Piaf en passant par Aznavour, de Funès ou Mireille Mathieu, les générations de vedettes se succèdent. Chacune achète symboliquement un arbre du parc du château. Aujourd'hui encore, les plaques commémoratives subsistent aux pieds des troncs. Pour assurer le financement, des spectacles sont organisés chaque mois de septembre.
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