Yvette Guilbert
La Hollande
Souvent, ci, quittant la Belgique, je filais en Hollande. Ah ! mes premières venues ici, celle adorablc contrée, ont les printemps apportent aux petits canaux des rues d'Amsterdam des décors multicolores et mouvants, palettes vivantes qui glissaient sur les eaux, transportant une humanité costumée, où la broderie lumineuse sur les draps sombres s'alliait à la magie luisante des cercles dorés transparents des coiffes de dentelle collées aux tempes des femmes.
Chaque soir, à mes concerts, j'étais distraite à chercher des yeux "des types" coiffés, costumés, amusants et nouveaux pour moi, mais mes auditeurs étaient en habit et belles robes. J'ai chanté une seule fois dans un music-hall, puis beaucoup de fois dans les salles de concert. Admirable public ! artiste, distingué, fin, très sensible à la plastique sobre et grave, critiques érudits adorant nos vieilles chansons et connaissant bien les étapes poétiques de la littérature populaire de France.
J'ai chanté très souvent à Amsterdam, La Haye, puis quelquefois seulement à Rotterdam, Harlem, Utrecht, Leiden, Arnhem.
En Hollande, je me suis révélé ma gourmandise. J'éprouvais un vrai plaisir à manger ces huîtres larges comme la main que l'hôtelier d'Amsterdam me préparait à sa façon.
A La Haye, l'hôtel des Indes m'accueillait toujours avec des fleurs plein mon appartement pour se faire excuser sans doute la façon brutale dont les maîtres d'hôtel me désignaient aux clientes de la salle à manger à titre de réclame pour la maison...! Je me plaignis au directeur de ces indiscrétions qui me gênaient, alors il me mit dans un petit salon à part... mais par lequel passaient tous les voyageurs de l'hôtel, pour aller à table ! Ce fut si ennuyeux que je résolus de prendre mes repas dans ma chambre.
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