Vincent Scotto
(Les mémoires de Vincent Scotto) © S.T.A.E.L. 5, rue Causette, Toulouse 1947 _____________________________
Chapitre XV
"La Petite Tonkinoise" à Casablanca
Les journaux de 1906 signalaient que Casablanca avait été prise d'assaut aux accents de "La Petite Tonkinoise".
Voici en fait ce qui s'était passé : lorsque les marins français débarquèrent à Casablanca, le trompette sonnait la charge; les marins, qui couraient derrière lui, lui crièrent :
- Dis donc, t'as rien de plus gai à nous jouer ?
Et aussitôt, le trompette se mit à claironner comme il le put "La Petite Tonkinoise".
Le cri du poilu.
Quelques années plus tard, un matin de 1916, songeant à notre immense front, plein d'hommes sans femmes, je me dis : "Si une petite femme arrivait là, quelle joie pour ces braves poilus !"
L'idée me vint aussitôt de faire une chanson; je l'appelai "Le cri du poilu".
À nos poilus qui sont sur l' front
Qu'est-ce qu'il leur faut comm' distraction
Une femme !
Une femme !
Qu'est-c' qui leur ferait gentiment
Passer un sacré bon moment ?
Une femme !
Une femme !
Au lieu d' la sale tête des Allemands
Ils aimeraient bien mieux certainement
Une femme !
Une femme !
Cré bon sang, qu'est-ce qu'ils donneraient pas
Pour t'nir un moment dans leurs bras
Une femme !
Une femme !
Une femme qui a du cran.
Ah ! les femmes !
À quelque temps de là, je me trouvais dans le tramway Montrouge-Gare de l'Est; comme nous arrivions à l'angle des grands boulevards et du boulevard Sébastopol, une bombe tomba dans un épouvantable fracas, à deux cents mètres à peine de l'endroit où nous nous trouvions, sur la maison voisine de la "Brioche de la Lune".
Tout le monde s'était levé, épouvanté.
La receveuse regarda dans la direction de l'explosion et, tirant le cordon pour faire repartir le tram, elle recommença à demander tranquillement aux voyageurs leur ticket de quinze centimes.
Quelle leçon ! quel cran !
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