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Jeanne GRAINDOR - Chronologie
Parcours chronologique et non exhaustif... établi par notre amie et coautrice Claire Simon-Boidot au fil de ses recherches. Parcours qu'elle a bien voulu partager avec nous.
Jeanne Graindor
(Liège, 1845 - Nanterre, 1919)
Nota : De toute évidence, beaucoup de " trous " dans la carrière de Graindor se comblent avec des passages en province.
Celle qui est née Jeannette Joséphine Graindor à Liège (Belgique) le 16 septembre 1845, elle
commence sa carrière au théâtre, en Belgique. En effet, quand elle se marie avec
Gustave Michiels en 1868, le Journal de Bruxelles indique : " Mariages du 20 juin. Michiels, artiste musicien, r. des Petits Carmes, et Graindor, artiste dramatique, rue de l'Impératrice. "[1] Ils ont
23 ans tous les deux. De fait, la revue La Comédie la présente comme une jeune actrice de l'Alcazar de
Bruxelles en mai 1869 : " Etranger. BRUXELLES. Alcazar royal : Nous regrettons
beaucoup que Mlle Graindor n'ait pas un plus long rôle : les progrès que cette jeune artiste a
faits sont vraiment étonnants et nous avons en elle l'étoffe d'une excellente soubrette."[2]
La presse belge l'évoque régulièrement, même si son "genre" est encore un peu
fluctuant. En effet, La Meuse du 13 décembre 1870, la donne chanteuse comique au pavillon
de Flore (Liège) : " Vendredi prochain, 1ère représentation de : La chanson de Fortunio,
opérette, avec le concours de Mlle Allonzieux, et débuts de Mme Graindor, chanteuse
comique."[3] Le même journal du 15 décembre, précise même "chanteuse comique de l'Alcazar de Bordeaux '[une coquille pour Bruxelles ?])"... Apparemment, elle assure aussi
les chansonnettes des intermèdes. Le même journal la décrit aussi comme "chanteuse de
genre" : " Dans l'intermède, nous avons entendu une nouvelle chanteuse de genre,
Mme Graindor ; elle dit la chansonnette avec beaucoup de sentiment."[4] De nouveau chanteuse de genre, elle apparaît au théâtre royal en mai 1871 (Bruxelles). [5]" Mme Graindor, bien qu'elle appartienne à cette catégorie d'artistes que l'on appelle
un peu trop dédaigneusement les chanteuses de café-concert, ne manque ni de talent, ni
d'intelligence. Elle a dit avec assez d'énergie et de sentiment le fameux chant de Darcier, "la
Canaille", auquel les tristes événements de Paris ont donné une si terrible interprétation.
Mme Graindor nous a paru réussir moins bien le genre gracieux qui naguère a valu à Liège
tant de succès à Mme Judic. "[6]
Son arrivée à Paris doit donc co?ncider peu ou prou avec la fin de la guerre et de la
Commune. Quand elle arrive, elle a déjà avec elle un enfant et un nourrisson, nés en 1868 et
en février 1871... En août et septembre 1871, elle est à l'Alcazar d'été, à Paris :
" Mlle Marie Bosc, dans Le Printemps, Mme Graindor dans la France Régénérée,
paroles
de Duvert,
musique de M. Michiels, un jeune et bon musicien
d'un grand avenir,
Mlle Bianca, Mlles Blangy et Sironi, dans différentes créations, obtiennent, chaque soir, de
légitimes succès. "[7]
Elle poursuit à l'Alcazar d'hiver , où on la retrouve dès novembre 1871 :
" Mme Graindor vient de créer La folle de 1871, de MM. Duvert et Pilati ; c'est un récit
dramatique, étrange, émouvant, qui a obtenu un grand succès ; Mme Graindor le chante avec
un remarquable talent. "[8]
[1] Journal de Bruxelles, 21 juin 1868, p. 3.
[2] La Comédie, 2 mai 1869, p. 7. [3] La Meuse, 13 décembre 1870, p. 4. [4] La Meuse, 3 janvier 1871, p. 2.
[5] La Meuse, 26 mai 1871, p. 2. [6] La Meuse, 30 mai 1871, p. 3.[7] L'Orchestre, 1er septembre 1871, p. 2.
[8] Arthur Verneuil, ? Alcazar ? dans L'Orchestre, 1er novembre 1871, p. 3.
2 février 1872 (Paris Journal) : Alcazar:
29 février 1872 : (Journal de Seine et Marne) casino de Meaux. Michiels au piano
En mars 1872, l'Orchestre la place toujours à l'Alcazar (chef d'orchestre : Javelot), où
elle chante : "As-tu fini ?" ; "Le revers de la médaille" ; "Pierre, quitte ton verre" ; "Cadet, encore
un pas". En juin, elle est toujours fidèle au poste, à l'Alcazar d'été, où elle chante : "Bonsoir" ;
"Le club des femmes libres" ; "C'est la faute à Colas" ; "La Canne à Zidore" ; "Merci" ; "Les Coupes
d'ivresse" ; "As-tu fini ?" ; "La Pêche aux moules". On note que les titres se renouvellent et que
seuls certains d'entre eux tiennent dans la durée... Apparemment, elle y reste tout l'été,
puisqu'on peut lire son programme dans l'Orchestre durant les mois de juillet et d'août. C'est
à cette époque qu'elle entonne "Le maître d'école alsacien".
La saison d'hiver commence en octobre 1872 et Graindor fait toujours partie
intégrante de la troupe de l'Alcazar. En novembre, Augustine Kaiser est venue renforcer le
groupe des artistes féminines. Quant à Jeanne, elle chante : "Tout doucement" ; "J'veux pas me
griser" ; "Le Miroir de la Sorcière" ; "Le maître d'école alsacien", "Merci" ; "Attends un peu", "Ça coûte". En décembre 1872, Marguerite Baudin a remplacé Jeanne Graindor. Peut-être est-elle simplement en congé car on la retrouve en février 1873, toujours à l'Alcazar [9] , où elle
chante : "Le maître d'école alsacien", "La Reine Folie", "Faut-il vous le dire", "L'Orphelin de
1872", "Salut à la France", "J'veux pas m'griser" et "La lettre à Jeannot". Elle joue également dans
l'opérette-bouffe en un acte de Liorat, musique de F. Wachs La Belle Indienne avec
MM. Bienfait et Lignel.
En avril 1873, Graindor passe au casino de Strasbourg : " Une des plus charmantes
et des plus spirituelles chanteuses de genre des théâtres de Paris, Mme Graindor, vient de
faire sa rentrée au Casino de notre ville, où déjà, il ya quelques mois, elle avait obtenu un si
enthousiaste succès [pas de trace de ce précédent passage à Strasbourg, [ndlr].
Mme Graindor est artiste jusqu'au bout des ongles ; musicienne excellente, elle dit la
chansonnette avec finesse, avec grâce, avec une délicatesse infinie.
Le Casino avait peine à contenir la foule que l'affiche portant le nom de Mme Graindor avait attirée. Des tonnerres
de bravos et une avalanche de bouquets ont salué l'aimable artiste, qui a répondu à ce
chaleureux accueil par les plus jolies œuvres de son riche répertoire. "[10]
La Bibliographie Contemporaine la replace à l'Alcazar d'été en août 1873 : " Côté
des dames. En première ligne Mlle Colombat, l'étoile du lieu. Sa voix puissante et bien
timbrée, sa façon de souligner les chansonnettes à la mode, lui ont acquis depuis longtemps
les sympathies et les applaudissements du public. Je citerais même certaines nouveautés plus
ou moins littéraires qu'on a écoutées... parce qu'on écoutait la chanteuse. Vient ensuite
Mme Graindor, dont le jeu et la voix sont d'une finesse remarquable. Excellente comédienne
et bonne chanteuse, elle enlève avec le même entrain les romances d'opéra-comique et les
chansonnettes légères. "[11]
À la reprise de septembre, on la retrouve ou au théâtre du Châtelet, où elle joue dans La Faridondaine[12] . Ce commentaire de la revue La Comédie est un assez bon témoignage du
jugement de l'époque sur le choix des programmes : " La Société des artistes réunis a
exhumé un drame joué en 1852 et qui, après avoir obtenu un certain succès, était
complètement oublié, oubli, du reste, tout à fait motivé. La Faridondaine est une œuvre sans
grand intérêt et qui est sortie de ce moule banal et même vulgaire particulier au boulevard du
temple. Peu d'intérêt, encore moins d'esprit, une intrigue na?ve, des scènes qui le sont
encore plus, des personnages antipathiques, des décors minables, des costumes de faubourg,
tel est le résumé de ce drame assez vieillot dans lequel la musique tient une assez large
place. Des changements importants, assure-t-on, ont transformé l'œuvre première ; quels
qu'ils soient, ils ne peuvent l'avoir améliorée. Le café-concert y tient trop de place, et bien
des détails y restent obscurcis ; mais c'est peut-être beaucoup demander que de vouloir
comprendre toutes les péripéties de La Faridondaine et de ses deux prétendants qui sont
frères sans le savoir et rivaux sans l'être. L'interprétation ne sort pas d'une respectable
médiocrité du côté des hommes. MM. Montal, Legrenay, Montlouis et Lacombe manquent
de brio pour galvaniser le grand cadavre de MM. Adolphe Bourget et Ch. Dupeuty.
Mlle Loye, qui remplit le rôle de La Faridondaine, est jolie, elle joue suffisamment et chante
bien ; tout le succès a été pour elle et pour Mme Graindor, qui chante avec beaucoup d'esprit
deux chansonnettes introduites, on ne sait pourquoi, dans la pièce, et qui ne sont pas,
croyons-nous, de MM. Adolphe Adam et Adolphe Groot, deux des auteurs de l'œuvre. "[13] Une revue donne une indication intéressante sur la voix de Graindor : " Dans le tableau du
café-concert, on remarque aussi une étoile de l'Alcazar, Mlle Graindor, qui n'a qu'un filet de
voix, mais qui s'en sert très habilement, et qui détaille les chansons grivoises avec beaucoup
de netteté et d'entrain."[14] La reprise de La Faridondaine semble avoir été un succès suffisant pour que la pièce tienne au moins jusqu'au 16 octobre.
[9] Vert-Vert, 13 février 1873, p. 3.[10] Affiches de Strasbourg, 12 avril 1873, p. 2. [11] La Bibliographie Contemporaine, 1er ao?t 1873, p. 114. [12] La Comédie, 28 septembre 1873, p. 2. [13] ? Chronique des Thé?tres. Thé?tre du Ch?telet ? dans La Comédie, 28 septembre 1873, p. 2. [14] E. D. De Biéville, ? Revue des thé?tres ?, dans Le Siècle, 29 septembre 1873, p. 1.
Le rôle au théâtre du Châtelet dans La Faridondaine, n'est probablement
qu'un "plus" dans les engagements de Graindor. En effet, elle fait également partie de la
troupe de l'Alcazar d'hiver en 1873 : " Le roi est mort, vive le roi ! LAlcazar d'été est
mort, vive l'Alcazar d'hiver. Nous n'avons pas à nous plaindre du change. M. Goubert, le
directeur de l'Alcazar d'hiver, a fait grandement les choses ; il peut hardiment rivaliser avec
l'Eldorado, surtout avec une troupe comme la sienne ; il suffit de nommer Blanche Méry,
Villanor, Lafourcade, Zélie Weil, qui va débuter au 1er octobre, Kaiser, Graindor, pour voir
que, cette saison, la rue du faubourg Poissonnière fera concurrence au boulevard de
Strasbourg. Tous les soirs, Mme Graindor, cette charmante artiste qui dit avec un goût si
parfait "C'est bien fait", "J'ai pleuré", "Merci", "Jeannette", etc., est rappelée par un public
enthousiaste. Prenez garde, M. Goubert, le succès qu'elle obtient au Châtelet pourrait bien
vous l'enlever pour en faire, comme de Théo et de Judic, une diva d'un de nos théâtres
d'opéra-bouffe."[15] Elle est cependant absente du programme de l'Alcazar du 30 novembre
1873 et le théâtre du Châtelet donne La Camorra, un drame sicilien .[16]
Graindor est vue à Lyon en novembre 1873 : " Où passerai-je mes soirées ? me
demandent fiévreusement les habitués du théâtre, qui s'étaient accoutumés à venir chaque
soir entendre une ou deux heures de la bonne ou de la mauvaise musique. Telle est aussi la
question que nous nous posions hier soir, quand, passant près de Belcour, nous eûmes l'idée
d'entrée à l'Eldorado. Faut-il le dire ? Nous n'avons pas trop eu à nous plaindre de notre
résolution. Au milieu d'une troupe au dessous du médiocre, nous avons tout à coup vu surgir
une étoile, une véritable étoile. Mme Graindor, chanteuse des concerts de Paris, est une de
ces artistes, bien rares par le temps de Thérésa où nous vivons, qui sait détailler une
chansonnette comme Darcier, avec la grâce féminine en plus. Le répertoire de cette
remarquable artiste est des plus convenables : la mère pourrait y mener sa fille, si le local de
l'Eldorado ne s'y opposait pas. "Merci", "J'veux pas m'griser", "Attends un peu" et bien d'autres
productions encore, sont dites avec un esprit, un fini et un comme il faut qu'on n'est plus
habitué à rencontrer dans ces sortes d'établissements. Nous ne ferons même qu'un reproche
à Mme Graindor, c'est d'être trop fine et trop distinguée pour les fumeurs de pipe qui
hantent l'Eldorado. Mais, qu'importe ! le talent vrai s'impose de lui-même et nous ne
serions pas étonné que la nouvelle reine fit salle comble tous les soirs." . [17]
Graindor repasse à Strasbourg les 20 et 24 décembre 1873 : " La direction du Casino ne s'endort pas sur ses lauriers et n'interrompt pas un seul instant le défilé des célébrités
artistiques auquel elle fait assister son public depuis le commencement de la saison. Voici
maintenant, après Mad. Bosc, après Mad. Katty, après Arnaud, voici Madame Graindor, la
charmante et spirituelle chanteuse qui, l'année dernière, a obtenu un si colossal succès et a
été chaque soir l'objet de tant et de si légitimes ovations. Madame Graindor chantera pour la
première fois ce soir samedi. La salle du Casino sera trop petite. "[18]
On s'interroge un peu : habituellement, à cette époque, les artistes sont engagés pour
la saison d'hiver : octobre à mars ou la saison d'été : avril à septembre. Il semble que
Graindor soit bien plus libre dans ses engagements.
Apparemment, elle appartient à une troupe qui joue encore à Strasbourg le 17 janvier
1874 : " Le succès de la soirée de gala organisée samedi dernier par la direction du Casino a
été si grand et le public qui s'est pressé à cette représentation en a rapporté une impression si
excellente qu'immédiatement M. Brückmann s'est vu forcé d'en organiser une nouvelle
pour ce soir samedi. Le programme sera, comme la dernière fois, choisi avec goût et varié
autant que possible. Madame Graindor, M. Desroches et les autres chanteurs et chanteuses de la
troupe, les joyeux danseurs américains, l'orchestre, les solistes paraîtront dans les plus jolis
morceaux de leur répertoire. Encore une bonne et charmante soirée à passer. "[19]
En janvier 1874, Graindor n'apparaît pas dans le programme de l'Alcazar d'hiver (Orchestre du 1er janvier 1874), ni en mars 1874 (celui du 1er mars), sachant que le
programme de l'Alcazar n'est pas systématiquement indiqué dans cette publication. En
revanche, d'autres organes de presse évoquent sa présence au concert de La Scala à partir de
la mi-mars 1874. Les commentaires sont plus ou moins fournis, plus ou moins d'accord,
mais la description de La Scala vaut la peine de la lecture : " Scala. L'inauguration de cet
établissement lyrique a été un vrai succès. M. Vergeron, le directeur, a su former une troupe
d'artistes excellents. Marie Bosc, Graindor et Arnaud sont les étoiles de ce café-concert, qui
fera une concurrence sérieuse àl'Eldorado. [20] Un nouveau spectacle-concert, La Scala, situé au 13 du boulevard de Strasbourg, a
ouvert ses portes au public pour la première fois. La salle de La Scala est celle d'un véritable
théâtre. Elle comprend un vaste parterre, d'où l'on voit bien de partout, et trois étages de
galerie. La décoration, blanc et or, est assez heureuse, et l'éclairage ne laisse rien à désirer.
Le rideau de la scène a malheureusement choqué tous les regards. Tous les types qui y sont
représentés ne sont que des mannequins. C'est affreux. Une excellente innovation, c'est le
plafond à jour, sorte de wagon vitré qui se déplace en glissant sur des rails, ce qui permet à
l'air libre de se répandre à profusion dans la salle. Le public a fait bon accueil à plusieurs
artistes connus des cafés-concerts de Paris, Mme Marie Bosc, Thibault ; MM. Arnaud,
Aufray, Graindor, etc. Un rondeau d'ouverture, de M. Duvert, a été bissé. L'orchestre est
nombreux et excellent. Il est dirigé par M. Javelot. "[21] " Après avoir assisté à la représentation offerte à la presse à La Scala, et dont
M. Vergeron a fait les honneurs d'une façon si gracieuse, nous avons voulu nous rendre
compte de la manière dont le public accueillerait l'ouverture de cette charmante salle. Si
nous en jugeons par la foule qui s'y presse tous les soirs et par les nombreux
applaudissements qu'on prodigue aux artistes, nous devons conclure que sous l'habile
direction de M. Vergeron, les recettes ne tarderont pas à devenir très satisfaisantes. La salle
est, du reste, très coquettement construite, brillamment décorée, et grâce à un plafond mobile
qui permet de renouveler l'air, le public n'a pas l'inconvénient d'être incommodé longtemps
par les fumeurs et par la chaleur du gaz. M. Arnaud, l'amusant comique si connu du public
parisien, donne à ces soirées un attrait nouveau, grâce à la variété de sue chansonnettes.
[15] La Bibliographie Contemporaine, 1 octobre 1873, p. 145. [16] L'Orchestre, 30 novembre 1873, p. 1 (Ch?telet) et 4 (Alcazar). [17] Le Journal de Lyon, 9 novembre, 1873, p. 3. [18] Affiches de Strasbourg, 20 décembre 1873, p. 2. [19] Affiches de Strasbourg, 17 janvier 1874, p. 3. [20] Michel Anézo, ? Thermomètre thé?tral ? dans Le Sifflet, 22 mars 1874, p. 4. [21] Le Rappel, 17 mars 1874, p. 3.
Mme Marie Bosc a toujours cette voix souple et fraîche que nous lui connaissons depuis
longtemps. Mme Graindor, Philippeau [Philippo ?], et M. Bienfait viennent fournir leur
quote-part de gaité à ces attrayants concerts. Nous pouvons donc prévoir qu'avec une telle
troupe le succès de la nouvelle salle de La Scala ne faiblira pas de sitôt. "[22]
On peut croire que la prestation de Mme Graindor à La Scala n'a été qu'une soudure
avant la réouverture des concerts des Champs Elysées pour la saison d'été. En effet, en mai
1874, on la retrouve à l'Alcazar d'été : " Je signale encore [...] Mme Graindor, que j'ai
déjà remarquée et appréciée au Châtelet dans la reprise de La Faridondaine. Sa voix est
fraîche, souple, et sa diction pleine de finesse et de charme. C'est une consciencieuse artiste
qui détaille avec un goût exquis la chanson gauloise, espiègle, malicieuse, spirituelle,
mordante et par-dessus tout honnête. L'orchestre est dirigé par M. A. de Villebichot, l'auteur
du Sapeur et de Nabucho."[23] C'est là qu'elle joue une opérette, intitulée Tout ça c'est des
bêtises, avec Mathieu et Desroches. La critique n'est pas très enthousiaste, mais le livret
conservé à la BNF montre que l'opérette sera reprise à La Scala, toujours par Jeanne
Graindor mais avec Victor et Delanoy : " J'allais terminer ma revue sans parler de la
nouvelle opérette : Tout ça c'est des bêtises, chantée par MM. Mathieu et Desroches et
Mme Graindor. La musique, qui est de G. Michiels, nous a bien dédommagé du sujet et des
paroles, qui sont très monotones, et de l'esprit qui en est un peu forcé. "[24]
Apparemment, Jeanne Graindor file ensuite en Russie en juillet (et août ?) 1874 (probablement pour y rejoindre son mari, qui est supposé y être chef d'orchestre) : " Enfin
sur le bénéfice de Kadoudja et le début de Mme Graindor, enfin arrivée et dont, après l'avoir
entendue, je dois dire que si elle a le talent de se faire attendre, c'est parce qu'elle a le droit
de se faire désirer. Elle a dit la chansonnette avec une finesse, une intelligence de nuances,
un brio et un bon goût trop rares sur ces scènes cascadantes. Elle a eu un grand succès ;
chaque soir elle est plusieurs fois bissée. Quand elle chante, son mari dirige l'orchestre, et
qu'il sait bien l'accompagner ! Heureux mari ; il y en a tant qui... mais je ne puis vous
parler de toutes ces choses et d'autres encore aujourd'hui. Je mets donc ici un point, et dis :
la suite à un prochain numéro. " . [25] " Lettres de Russie " dans Le soir, 3 octobre 1874, p. 2 : grosse description de la vie
artistique à St Petersbourg.
Mais elle n'y reste pas puisque la saison d'hiver 1874-1875 la place à La Scala, qui
ouvre ses portes dès le mois d'octobre : " Si les hirondelles nous quittent, les chanteuses de
Café-Concert nous reviennent : Mesdames Graindor et Philippo, que la Russie nous avait
enlevées pendant la saison d'été, vont faire leur rentrée àLa Scala.[26] " "Au concert de La Scala, les Binettes comiques obtiennent tous les soirs un succès des plus vifs.
Le 19 septembre courant, rentrée Joseph Arnaud ; le 25, rentrée de la troupe Darst. Enfin, le
1er octobre prochain, rentrées de Mmes Graindor et Philippo, qui reviennent de Russie,
chargées de lauriers et de roubles. "[27]
[22] Le Soleil, 23 mars, 1874, p. 3. [23] Charles de Senneville, ? Concerts d'été. Alcazar d'été ? dans La Comédie, 3 mai 1874, p. 3. [24] La Bibliographie Contemporaine, 15 juin 1874, p. 94. [25] Un Cosmopolite, ? Le Figaro en Russie. Saint-Pétersbourg. Vendredi 21 juin/3 juillet ? dans Le Figaro,
12 juillet 1874, p.2. [26] La Bibliographie contemporaine, 1er octobre 1874, p. 146. [27] Le Soleil, 16 septembre 1874, p. 4.
Le commentaire du chroniqueur du Figaro cible bien la chanteuse qu'elle était : une
belle voix... mais trop faible pour les grandes scènes ; du talent... mais trop d'élégance pour
le café concert ! " Vous rappelez-vous Mme Graindor... Bien que chanteuse de café-concert,
vous avez pu la voir au Châtelet, où Montrouge et Castelano l'engagèrent pour paraître dans
l'acte de La Faridondaine qui représente un Alcazar d'été. Mme Graindor chantait là, d'une
façon charmante, et le public lui faisait un accueil comme j'en souhaite un à Mlle Moisset,
lorsqu'elle débutera à l'Opéra. Mme Graindor est allée depuis en Russie, où elle a plu
d'abord, charmé ensuite, et enthousiasmé à la fin de la saison, grâce à sa voix sympathique
et à sa diction irréprochable. Mais la voici de retour à Paris, où elle ne doit pas être oubliée.
Si sa voix est insuffisante pour une grande scène, son talent et d'un ordre trop élevé pour
faire figure au milieu des chopes de bière. Mme Graindor est, à notre avis, chanteuse de
salon, et c'est en cette qualité que nous la recommandons pour les soirées d'hiver. "[28]
A La Scala, Graindor y reprend Tout ça c'est des bêtises, et d'autres commentaires sont
moins sévères que les précédents : " Le succès actuel du concert de La Scala, c'est une
opérette intitulée Tout ça c'est des bêtises. Ce petit acte a pour interprètes M. Victor,
M. Delannoy [29] et Mme Graindor : tous les trois jouent leur rôle avec une verve endiablée. La partition de la pièce nouvelle est un petit bijou musical, non seulement au point de vue
mélodique, mais encore sous le rapport de l'orchestration. Le compositeur, M. Michiels, a
tiré de chaque instrument tout ce qu'il pouvait en obtenir. Il est vrai de dire qu'il est bien
secondé par l'excellent orchestre de La Scala, si bien dirigé par son habile chef, M. Jules
Javelot."[30] Apparement, la salle, qui compte tout de même mille deux cents places, est troppetite tous les soirs [31] . Ce programme ne l'empêche pas de chanter le 7 février à la salle ducirque de Saint-Quentin, dans une représentation donnée par la société d'harmonie [32]. Mais on relève une petite incohérence : le 12 février, un journal indique que " La Scala vient de
rentrer en possession d'une de ses étoiles, qu'une indisposition avait tenue éloignée de la
petite scène du boulevard de Strasbourg " . Indisposition vous dites ? De cette prestation, [33] on en apprend plus : " Mme Graindor, arrivée de Paris pour la circonstance, nous a fait
oublier de la manière la plus charmante du monde, la malencontreuse géante de l'an passé.
C'est une fort belle personne, gracieuse de physionomie, distinguée même et qui dit, avec un
talent tout particulier, la chanson égrillarde. Voix pleine et sonore, d'un joli timbre,
sentiment délicat des nuances, geste à la fois éloquent et discret, Mlle Graindor [sic] possède
tout ce qu'il faut pour faire accepter la chansonnette de café-concert à un public en famille.
[28] Le Figaro, 30 novembre 1874, p. 3. [29] ndlr : Mari de Mlle Zélia ! [30] La Bibliographie Contemporaine, 1er novembre 1874, p. 162. [31] La Gazette de France, 6 octobre 1874, p. 4. [32] Journal de la ville de Saint-Quentin et de l'arrondissement, 7 février 1875, p. 2.
[33] Le Petit Moniteur universel, 12 février 1875, p. 4.
Aussi son succès a-t-il été complet, et a-t-elle été bissée et rappelée par toute la salle
enchantée.[34] Au mois d'avril 1875, la troupe de La Scala est ainsi constituée : " MM. Arnaud,
Bienfait, Brunel, Delannoy, Albany, Rubel, Mesdames Marie Bosc, Graindor, Kerval,
Danna, Flotow, Evans, Dorvelly. "[35]
En mai, Mme Graindor refait un petit tour au Casino de Marseille: "Le Casino
possède en ce moment une véritable étoile. Nous voulons parler de Mme Graindor, de La Scala, de Paris. Elle obtient tous les soirs un succès mérité dans les chansonnettes du
répertoire Judic, qu'elle dit avec infiniment d'esprit. [36] Le 20 mai, le public demande un
prolongement d'engagement. Le 31 mai, elle y chante encore et apparemment jusqu'au 12
juin.
Fin juillet 1875, Mme Graindor est à St Pétersbourg. Est-elle engagée pour l'été ou
bien est-elle seulement venue rejoindre son mari ? Toujours est-il qu'elle participe à un
concert de bienfaisance : " Un brillant concert a eu lieu le 30 juillet à Saint-Pétersbourg, au
jardin des Familles (surnommé le jardin Demidoff), au profit des inondés de Toulouse. Notre
ambassadeur, le général Le Flô, y assistait, ainsi que presque toute la colonie française. Une
cantate, composée par M. Michiels, mari de Mme Graindor, et exécutée par Mme Graindor,
a été chaleureusement applaudie. "[37]
De retour de Russie, Graindor reprend du service début octobre à l'Alcazar pour la
saison d'hiver 1875-1876. Elle y retrouve Delanoy, avec qui elle chantait à La Scala l'hiver
précédent. " L'Alcazar d'hiver, 10, Faubourg Poissonnière, est entièrement remis à neuf.
C'est maintenant un véritable théâtre où l'on donnera l'opérette, le vaudeville, des ballets,
des pantomimes. Voici le tableau de la troupe : Mmes Graindor, Robert, J. May, Marquet,
Bonnaire, Marion, Latouche et Marville. - MM. Piet, Delanoy, Cascabel, Varnel et
Crambade. - M. Fuchs est le maître de ballet ; les premières danseuses sont : Mmes Sohlke
(du théâtre de Vienne) et Bracq. - M. Jules Javelot dirige un excellent orchestre de
40 musiciens. "[38]
Le Rappel donne son commentaire après la première, et sa description est
particulièrement vivante : " Le premier signe de l'hiver qui s'approche vient d'être donné
par la réouverture de l'Alcazar du faubourg Poissonnière. C'est le moment où les amateurs
de chansons, mêlées de bocks, éprouvent le besoin de quitter le plein air des Champs
Elysées, et de se renfermer dans une salle qui n'offre d'ailleurs que de lointaines
ressemblances avec le palais mauresque, dont elle porte le nom. Cette salle a été entièrement
restaurée ; torchères, tapis et lustres y brillent d'un éclat nouveau ; on a remplacé les tentures
et les fleurs artificielles du vestibule. Tout a été repeint dans ce goût oriental, qui, paraît-il,
est nécessaire pour encadrer la musique des opérettes, lesquelles n'ont pourtant rien
d'asiatique. Le renouvellement ne s'est d'ailleurs pas étendu jusqu'à elles, et celle qu'on
nous a donnée, intitulée : Le Neveu du Colonel, ne diffère pas sensiblement de toutes ses
sœurs. Le prologue d'ouverture, intitulé : V'là l'programme, est plus gai et plus original.
L'auteur, M. Monréal, y a personnifié l'Alcazar, qu'il suppose déchu de son ancienne
splendeur, et qui appelle à lui ses succès passés. Les succès arrivent les uns après les autres,
et débitent leurs couplets. Le public, fort nombreux comme toujours, comme toujours aussi
goûte particulièrement la chansonnette comique et les chants patriotiques. Aussi ne lui sert-on guère autre chose. L'étoile du lieu nous a paru être une Mme Graindor, qui dit les vers
avec goût et chante avec expression. C'est une artiste d'un talent réel. A côté d'elle brille une
gentille fillette en jupon court, qui s'appelle Mlle Jane May, et qui est svelte comme un
papillon. On ne saurait en dire autant des danseuses, qui sont pour la plupart d'un
embonpoint extraordinaire. Le ballet, intitulé La Nymphe et le Berger, ne révolutionnera
guère l'art chorégraphique ; mais on ne peut témoigner trop d'admiration au premier sujet,
qui aurait déjà du mérite à pouvoir se soulever, et qui trouve moyen de bondir. Le sexe laid
est représenté par un nombre respectable de comédiens amusants. "[39]
[34] Journal de la ville de Saint-Quentin et de l'arrondissement, 10 février 1875, p. 2.
[35] Le Café-Concert, 11 avril 1875, p. 4. [36] Le Petit Marseillais, 13 mai 1875, p. 2. [37] Le Figaro, 8 ao?t 1875, p. 4. [38] La Comédie, 3 octobre 1875, p. 4. [39] Emile Marsy, ? Derrière la toile ? dans Le Rappel, 4 octobre 1875, p. 3.
Du 15 au 29 janvier 1876, Graindor refait un petit tour par le Casino de Strasbourg . [40]
En mars 1876, on sait que Graindor s'est produite à Marseille. Les numéros 45, 47 et
49 du Bourdon, en sont la preuve.[Voir la page d'entrée]
En effet, le Bourdon, journal marseillais, a largement
couvert le passage de Mme Graindor au printemps 1876, au Casino de Marseille. Dans une
revue de province, on aurait pu craindre un panégyrique un peu outré par le complexe de la
province sur Paris. Pourtant, le ton du chroniqueur semble profondément sincère et reprend
les éléments qui reviennent sous toutes les plumes contemporaines de Jeanne Graindor : ses
qualités de diseuse. " Mme Graindor. L'adorable pensionnaire de l'Eldorado et de La Scala de Paris, la toute charmante étoile que la foule applaudissait, l'an passé, au Casino de Marseille [41], a fait mardi, 29 février dernier, sa brillante réapparition sur la scène de cet 41
établissement où elle avait laissé d'impérissables souvenirs. Il est superflu d'ajouter combien
et comment ce retour a été chaleureusement et sympathiquement accueilli.vMme Graindor,
en effet, est ce que, dans toute l'acception du mot, on peut appeler une véritable étoile. Son
intelligente diction, sa méthode savante, l'expression et la finesse avec lesquelles elle sait si
habilement souligner les moindre détails de ses ravissantes créations ; sa jolie voix, son
regard, ses gestes, sa tenue, tout en elle se trouve réuni pour faire ressortir son remarquable
talent. La présence de Mme Graindor au Casino est assurément une bonne fortune pour le
nombreux public d'élite qui fréquente la salle Noailles et qui ne manque pas de prodiguer
tous les soirs, à l'éminente artiste, des fleurs, des rappels et des bravos à profusion. Nous ne
parlerons pas, aujourd'hui, du répertoire de Mme Graindor. La spirituelle poésie de notre
camarade Sarlin - que nous reproduisons ci-après - se charge plus éloquemment que nous de
ce soin. "[42]
Curieusement, à ma connaissance, en 1876, Graindor n'a pas encore été pensionnaire
de l'Eldorado.
Les soirées se succèdent et les éloges ne tarissent pas : " Avez-vous entendu avec quel
sentiment exquis Mme Graindor chante les "Langages de la femme" et le "Rêve du Bouquet" ? Si
oui, ce sont je ne doute pas, vous aurez certainement éprouvé la douce émotion que
l'adorable Etoile Parisienne sait si bien exprimer et faire partager à l'auditoire. Et "Les Cerises
du Cousin" ?... et "C'brigand d'Denis" ?... et tout ce ravissant bagage de créations dont se
compose le répertoire de Mme Graindor ? Vous avez entendu tout cela aussi, n'est-ce pas ?
et alors vous avez pu vous convaincre combien les couplets d'une simple chansonnette
acquièrent d'intérêt lorsqu'ils sont dits avec cette science, cette finesse, cet esprit qui en font
ressortir les moindres détails et que Mme Graindor possède à un si haut degré. "[43]
L?Album 53, autre publication marseillaise, a ?galement donn? une biographie de l?artiste, que nous n?avons pu consulter.
Mme Graindor est probablement à nouveau embauchée à La Scala à l'automne 1876.
En effet, de trop rares publications la mentionnent en novembre : " Le théâtre-concert à La Scala tient un grand succès avec l'opérette "Les deux modèles". La musique, due à
M. Michel[sic], un musicien de talent, est charmante, et Mme Graindor chante
admirablement une chanson "La kermesse" que tout Paris répètera bientôt. Mme Heuzé et
M. Victor sont aussi très amusants. "[44] " Le succès de la petite opérette Les deux modèles, attire une foule nombreuse au théâtre-concert à La Scala. Mme Graindor a su conquérir les
sympathies du public par sa grâce naturelle et sa façon originale de chanter "La Kermesse."[45] L'opérette, portée par Mme Graindor, continue d'être donnée avec succès en décembre . [46]
En janvier 1877, Jeannette triomphe toujours à La Scala ; sa chansonnette à succès est
alors "Les environs de Paris"[47] . Ce même mois, elle ne refuse pas de chanter au bénéfice d'un collègue malade : " Nous avons annoncé qu'une matinée serait donnée demain dimanche à
Frascati, au profit de Jules Léter, artiste lyrique, qu'une cruelle maladie tient éloigné de la
scène depuis plusieurs mois. Parmi les artistes qui prêteront leur concours, à cette œuvre de
bienfaisance, nous pouvons citer : MM. Fusier, Darcier, Joseph Kelm, Mmes Amiati, Maria
Rivière, Graindor, Louise Roland, Bonnaire, Louise Nixair, MM. Perrin, J. Pacra, Paulus,
Ducastel, etc., etc. "[48] De fait, Jules Léter s'éteint à Paris le 22 janvier 1877[49]...
Le lundi 2 avril 1877, elle participe à un concert donné par la société d'Harmonie à la salle du cirque de St Quentin [50] . L'annonce du concert la décrit comme " 1er sujet de La Scala de Paris ". Plus tard, elle concourt à une soirée à bénéfice : " Aujourd'hui lundi 16 avril, à l'Alcazar d'hiver , soirée extraordinaire au bénéfice de M. Léopold de Wenzel, chef d'orchestre, avec le concours de Mmes Scriwaneck, Graindor, Leclerc, [J]uana ;
MM. Regnard, Vallé, Dartes, etc., etc. "[51]
En mai 1877, au casino d'été de Strasbourg, elle remporte de brillants succès . [52]
En juin, " Mme Graindor vient de rentrer à l'Alcazar d'été ; chacun se souvient des
succès qu'elle y remporta il y a quelques années ; aussi son retour a-t-il été fêté avec de
nombreux bravos. C'est juste, du reste, car son talent n'a fait que s'affirmer, elle a détaillé
avec un charme exquis "Le Train des amours" et un "Refrain de Noce".[53]Cette présence parisienne lui donne l'occasion de rendre au mariage de ses collègues : " Hier a eu lieu à
l'église St Laurent le mariage de Mlle L. Roland avec M. Chassainne [sic : pour
Chassaigne], le jeune et sympathique compositeur. Mmes Judic, Graindor, Chaumont, et
MM. Renard et Malo honoraient de leur présence cette cérémonie. "[54]
Elle s'apprête à partir en Russie quand... " Mme Graindor, la fine diseuse, a reparu
sur la scène où elle obtint de si légitimes succès. Au moment où le gracieux oiseau voyageur
allait s'envoler pour la Russie, où l'attendait une cage toute mignonne aux barreaux dorés, il
a consenti, pour la saison, à replier ses ailes et à se laisser mettre un fil à la patte. Son succès
est à la hauteur de son talent, ce qui n'est pas peu dire. On ne saurait détailler avec plus
d'expression "Le Train des Amours", "C'brigand d'Denis" et "Le portrait de mon Cousin".[55] La scène en question se situe aux Champs Elysées (Alcazar d'été), où elle est toujours présente
en juillet 1877 : " De loin en loin la direction nous fait une charmante surprise dont
l'originalité et le bon goût sont toujours indiscutables. Aujourd'hui, mettant à profit "Le Train des Amours", conduit avec art par Mme Graindor, elle nous transporte en Belgique où sous
les noms de Jesque et Trinne, nous retrouvons la gracieuse artiste dont le nom précède et
M. Réval portant le costume traditionnel, et se faisant la cour comme ça se passe là-bas.
Cette bouffonnerie est interprétée de manière à faire valoir la musique de M. Michiels, dont
le talent de composition est suffisamment connu. La couleur locale ne manque pas et les
deux artistes ont bien la gaîté, la verve, l'entrain exigés.[56] Est-ce son succès qui la fait engager à l'Eldorado ? Bien possible : " Mme Graindor, la diseuse par excellence, dont le
répertoire dénote un goût exemplaire, a fait plusieurs créations très heureuses, entre autres
"La Tireuse de cartes", "C'est des gaillards, les Bourguignons", et "Nos maris reviendront
demain", paroles de Siégel, musique de Michiels. On parle du prochain départ de cette
charmante artiste qui débuterait sous peu à l'Eldorado. Nous lui souhaitons tout le succès
qu'elle mérite, et déclarons que, de son bien court passage à l'Alcazar d'été, elle aura laissé
les meilleurs souvenirs. "[57]
Et en effet, le 19 août 1877 : " Ce soir, à l''Eldorado débuts d'une chanteuse de genre
d'un réel talent, Mme Graindor. [58]L'Orchestre détaille son programme : "Le train des
amours", "Le rêve du bouquet", "Vous aimiez les cerises", "Les environs de Paris", "Ce
brigand d'Denis " [59]. En septembre, elle ajoute : "La partie de bateau". Le 15 septembre, elle se renouvelle un peu : "Le train des amours", "Vous aimiez les cerises", "Les environs de
Paris", "La partie de bateau", "La tireuse de cartes".
Le 28 septembre 1877, les Michiels habitent dans le 10ème arrondissement de Paris,
au 40 du boulevard Magenta. (anecdote avec Simon Max, qui leur rend visite et se trompe
d'étage)
Et toujours la même fidélité à la solidarité entre artistes : " Demain dimanche [i.e.
30 septembre, ndlr], à une heure précise, au théâtre du Château-d'Eau, matinée au bénéfice
d'un artiste, avec le concours de MM. Coquelin cadet, de la Comédie Française ; Conte, du
théâtre national Lyrique ; A. Guyon et Mlle J. Baumaine, des Variétés ; Fusier, du Palais-Royal ; Simon Max, des Folies Dramatiques ; Mlle Mily Meyer, de la Renaissance ; M. et
Mme Mey ; Mmes Amiati, Graindor, Bonnaire, L. Roland, MM. Perrin, Pacra, etc., etc., de
l'Eldorado. "[60] Chanter en matinée n'empêche pas d'assumer ses engagements à l'Eldorado en soirée : le
30 septembre : "Le train des amours", "La lanterne magique", "La partie de bateau", "La
tireuse de cartes". Suivre les anciens programmes, lorsqu'ils sont détaillés, permet de se faire
une idée de la longévité d'une chanson et du rythme auquel il fallait remplacer celles qui
plaisent moins. Même programme début octobre. Le 18 : "Le train des amours", "La lanterne
magique", "La partie de bateau", "La tireuse de cartes", "Le refrain de noce". Une chanson
nouvelle apparaît chaque semaine et plus ou moins une disparaît. Le 31 octobre : "Le train
des amours", "La lanterne magique", "Le refrain de noce", "La manière de dire qu'on
s'aime", "Vous aimiez les cerises". Mais Graindor ne chante pas que la chansonnette, elle
apporte aussi son concours à des œuvres plus longues : " Les tyroliens de l'Eldorado font
salle comble tous les soirs dans cet établissement. Cette fantaisie musicale, des plus
originales et des mieux réussies, composée par M. G. Michiels, est interprétée avec un
ensemble parfait par Perrin, Pacra, Ducastel, Raymond, Mmes Rivière, Graindor, Solinas et
Maria Pacra " [61] . Le 17 novembre 1877 : "Le train des amours", "La lanterne magique", "Le refrain de noce", "Vous aimiez les cerises", "Lettre d'une jeune mariée". Même programme
de chansonnettes au 30 novembre mais elle ne joue plus dans aucune des opérettes de
l'Eldorado. Les numéros du mois de décembre de L'Orchestre ne sont pas conservés, mais la
presse générale indique : " Le répertoire varié de l'Eldorado attire tous les soirs la foule dans
cet établissement hors ligne. Deux charmantes opérettes : le Cornette et A l'Américaine ;
une parodie du rondo valse des Cloches de Corneville (Ducastel) ; Un vieil habit, l'originale
fantaisie
(Victorin) ; une valse d'Alfred d'Hack (Mlle Amiati), et des
chansonnettes inédites interprétées par Perrin, Pacra, Paulus, Gaillard, Hurbain, Mmes
Rivière, Bonnaire, Gaindor, L. Roland, Solinas, etc., figurent actuellement au
programme. "[62]
En janvier 1878, Graindor est toujours à l'Eldorado : " Ce soir à l'Eldorado :
première représentation de la Tache de sang, opérette-bouffe de M. Gaston Marot, musique
de Francis Chassaigne, jouée par Gaillard, Hurbain et Mme L. Roland. Première audition de
scènes et de chansons nouvelles interprétées par Perrin, Paulus, Ducastel, Mmes Amiati, Bonnaire, Graindor, etc."[63] Le programme de Mme Graindor : "Le Refrain de Noce", "Mon p'tit Cousin Léon", "Une noce sur les chevaux de bois", "Les ailes du vieux moulin", "Ne bougeons
plus".
Un témoignage d'une soirée à l'Eldorado en février 1878 : " Nos lecteurs doivent
être tenus au courant de tous les plaisirs parisiens. Aussi, comme je n'ai pas parlé, depuis
fort longtemps, de l'Eldorado, j'y suis allé passer deux heures hier soir afin de pouvoir faire
un rapide compte rendu de ce qui se passe dans ce grand établissement dirigé d'une façon
très artistique. Quand j'y suis arrivé - il était neuf heures environ - on allait commencer à
jouer le Moulin des amours, opérette, dont les paroles sont de MM. Péricaud et Villemer, et
dont la musique a été composée par M. Bernicat. "Le Moulin des Amours" ne justifie sa
dénomination qu'au dénouement, car pendant les trente minutes que dure l'action, les
personnages, qui pourtant sont deux nouveaux mariés, passent leur temps à se chamailler.
Fatigués de se chercher querelle - on se lasse de tout - ils finissent par s'aller coucher. La
musique de M. Bernicat m'a paru soignée, tant du point de vue mélodique que sous le
rapport de l'accompagnement : il y a de fort jolis détails dans l'orchestration. M. Perrin et
Mme Rivière jouent avec entrain cette pochade villageoise. Après "Le Moulin des Amours", j'ai
entendu plusieurs romances et chansonnettes. Cette partie de concert proprement dit m'a
permis de remarquer le Danube rouge, chant dramatique qui forme un contraste frappant
avec le fameux Danube bleu de Johann Strauss ; puis "Les Joujoux", chansonnette dite avec
beaucoup de charme par Mme Graindor ; enfin "les Jeudis de Lolotte", autre chansonnette,
avec parlé, que Mlle Bonnaire interprète avec la plus amusante fantaisie. La représentation
s'est terminée par une seconde opérette intitulée : A l'Américaine. C'est une satire très
réussie de l'éducation que reçoivent, au Nouveau Monde, les jeunes filles, qui flirtent, font
tourner les tables, dansent la gigue et jouent du revolver comme un Yankee. Cette dernière
pièce est enlevée à l'américaine par M. Hurbain et par Mlle Roland.[64] Graindor est toujours attachée à l'Eldo en mars. En avril, elle joue à nouveau dans une opérette : " A
l'Eldorado, reprise de l'amusant vaudeville de Désaugiers, le Dîner de Madelon, interprété
par Perrin, Gaillard et Mme Graindor.[65] L'Orchestre détaille son programme de chansonnettes des mois de mai, juin et juillet.
En juin 1878, Graindor poursuit à l'Eldorado avec Mmes Amiati, Bonnaire et Rivière.
C'est l'exposition universelle et d'aucuns se félicitent qu'on n'en ait pas profité pour
augmenter le prix des places ![66] L'exposition draine à Paris une foule considérable de visiteurs : " Il n'est pas un étranger ou un provincial, attiré à Paris par l'Exposition, qui ne
passe une soirée à l'Eldorado ; aussi y a-t-il toujours grande affluence dans le splendide
établissement du boulevard de Strasbourg. Les exercices d'équilibre, de jonglerie et de
prestidigitation du japonais Dal-Vi-Nii font merveille. Grand succès également pour les
[63]Le Gaulois, 13 janvier 1878, [p. 4].
[64]Alfred Aubert, " L'écho des théâtres " dans Le Soleil, 4 février 1878, p. 3.
[65]La Patrie, 14 avril 1878, p. 3.
[66]L'Abeille, 2 juin 1878, [p. 2].
chansons et les opérettes nouvelles, interprétées par Perrin, Ducastel, Gaillard, Victorin,
Armand, Thiéron, Hurbain ; Mmes Amiati, Bonnaire, Graindor, L. Roland, Pazotti,
M. Pacra, Savenay, etc. " Graindor ne joue pas les opérettes mais ne chante pas moins de sept titres, parmi les quels : "les Joujoux", "C'brigand d'Denis", et "le langage de la Femme" [68]. Pas de trace de Graindor au mois d'août... Elle n'apparaît plus au programme de
l'Eldorado au mois de septembre. En revanche, elle part faire une tournée en province :
Toulouse, Bordeaux, Marseille...
En effet, la presse provinciale la mentionne à plusieurs reprises : en septembre 1878,
on lit : " Casino [de Toulouse] - Ce soir, débuts de Mme Graindor, artiste de l'Eldorado de
Paris, engagée spécialement pour chanter ses créations ; pendant que Mme Graindor chantera, il ne sera pas servi de consommations. [69] Plus tard, le même mois, elle quitte Bordeaux : " Mme Graindor a fait ses adieux au public bordelais. Les Folies se souviendront
longtemps de cette chanteuse, qui joint à une charmante voix de contralto l'art si difficile de
bien dire et de souligner avec justesse. Le public a vivement applaudi et fêté
Mme Graindor.[70] Dès la mi-décembre 1878 : " La nouvelle salle des Folies Marseillaises continue d'attirer chaque soir un public nombreux. Nous apprenons avec plaisir que, sous
peu de jours, la troupe de ce vaste et magnifique établissement doit être entièrement
renouvelée. Mme Graindor, la charmante et gracieuse artiste, ainsi que la famille Armanini,
si connues du public marseillais, débuteront très prochainement. " Ses adieux sont [71] annoncés dans Le Petit Marseillais du 18 janvier 1879 . [72]
En mars 1879, elle joue en matinée à Paris : " Aujourd'hui, dimanche, à 8 heures,
aura lieu au Cirque américain l'inauguration des Concerts populaires avec le concours de
M. Mopère, de l'Opéra, Mlle Rousseil, de la Comédie française, MM. Legrenay, Paulus,
Plessis et Ouvrard, Mlles Graindor, Block, Taine, organiste, et Ridelle, artistes de Paris. "73
En octobre 1879, Jeanne repasse à Bordeaux : " Mme Graindor, étoile des concerts de
Paris et de Saint-Petersbourg, qui a laissé à Bordeaux d'excellents souvenirs, est engagée
aux Folies-Bordelaises. Les représentations commenceront ce soir samedi 4 octobre. " A [74]
Bordeaux aussi, elle a l'occasion d'exercer sa solidarité : " Ce soir jeudi, les Folies-Bordelaises donnent une représentation extraordinaire au bénéfice des inondés de la
province de Murcie (Espagne), avec le concours de Mme Graindor, de l'Eldorado de Paris ;
de M. James Iwan, l'homme amphibie qui joue, dans son aquarium, avec des serpents et un
énorme alligator.
[67]La Lanterne, 28 juillet 1878, [p. 4].
[68]L'Orchestre, 1er juillet 1878, p. 4.
[69]La Dépêche (Toulouse), 6 septembre 1878, p. 3.
[70]La petite Gironde, 25 novembre 1878, p. 3.
[71]Le Petit Marseillais, 19 décembre 1878, p. 2.
[72]Le Petit Marseillais, 18 janvier 1879, p. 4.
[73]Emile Marsy, " Derrière la toile " dans Le Rappel 10 mars 1879, p. 4.
[74]La Petite Gironde, 4 octobre 1879, p. 3.
Dans cette soirée auront lieu les débuts de Mlle Mercier, chanteuse excentrique ; de Mlle Louise D..., de M. Heudebert et de M. Barnier, chanteurs comiques.
Félicitons M. Brun de sa généreuse initiative et souhaitons une recette fructueuse. "[75] On la retrouve à Marseille en décembre 1879 : " Les débuts de Mme Graindor, de
l'Eldorado de Paris, qui devaient avoir lieu à l'Alcazar aujourd'hui mercredi, sont retardés
de 24 ou 48 heures au plus, à cause des mauvais temps qui ont empêché cette artiste
d'arriver à Marseille en temps utile. L'apparition de la chanteuse parisienne aura donc lieu
au premier jour. "[76] Puis elle donne quelques jours de représentation au casino musical de Toulouse les
26, 27 et 28 février 1880[77] . Le 8 mars, elle participe à une fête enfantine organisée par la Société de prévoyance des ouvriers .[78] à partir du 19 mars 1880, elle reparaît aux Folies Marseillaises et ce jusqu'au
18 avril . [79] Jeanne est une voyageuse infatigable car elle de retour à Paris, pour un festival
organisé le 11 mai 1880 au Tivoli Vaux-Hall, au profit de Raspail, le chef d'orchestre . [80] Le 4 juillet 1880, Graindor fait sa rentrée aux Folies-Toulousaines. " La charmante
artiste se fera entendre dans ses nouvelles créations."[81] Elle y rencontre le succès aux côtés
de Gustave Chaillier. Elle reste au moins jusqu'au 1er août.
De retour à Paris, Jeanne Graindor reprend du service à La Scala, qui réouvre le
12 septembre. " Au 15 courant, la troupe d'hiver de La Scala sera composée comme suit :
MM. Bourgès, Chaillier, Derame, Brunet, Paul Bert, Aristide Bruant, Bérod et Renard ;
Mme Graindor, Patry, Marguerita, Heuzé, Blockette et Domergue." [82] Les premiers retours sont très positifs : " Salle comble samedi dernier, à l'auditoire de la nouvelle troupe d'hiver
de La Scala. La plupart des artistes engagés sont très connus et très aimés du public ; aussi les
applaudissements et les rappels ne leur ont pas fait défaut. [...] Une salve
d'applaudissements a acclamé Mme Graindor dès son entrée en scène ; l'excellente diseuse a
détaillé deux chansonnettes charmantes : "Mon chapeau des dimanches" et l'"Histoire d'une
pomme". "[83]
Le 8 octobre 1880, avec le tout-Paris, Jeanne assiste aux obsèques d'Offenbach . [84]
Le 14 octobre, à La Scala toujours, " Madame Graindor dit parfaitement, elle a un
succès énorme avec "Faut pas le casser" ; il est vrai qu'elle met dans la diction une grande
finesse. [85]
[75]La Petite Gironde, 30 octobre 1879 p. 3.
[76]Le Sémaphore de Marseille, 10 décembre 1879, p. 2.
[77]La Dépêche, 26 février 1880, p. 3.
[78]La Dépêche, 6 mars 1880, p. 2.
[79]D'après Le petit Marseillais et La Jeune République.
[80]La Justice, 8 mai 1880, p. 4.
[81]La Dépêche, 4 juillet 1880, p. 2.
[82]La Chanson, 12 septembre 1880, p. 142.
[83]" Chronique des concerts " dans La Chanson, 19 septembre 1880, p. 149.
[84]La Presse, 8 octobre 1880, p. 1.
[85]Le Courrier de Paris
" Le 5 décembre 1880 marque une nouvelle création : "la Lettre d'une demoiselle de Province", paroles de M. Hachin, musique de Darcier, détaillée par Mme Graindor." [86] Le 26 déc. 1880 : "Scala. à l'heure où paraîtront ces lignes, la revue Sans tambours ni
trompettes, aura affronté le feu de la rampe (style consacré). En attendant, les pièces du
répertoire et les intermèdes par MM. Bourgès, Chaillier, Derame, Bruant, Bert ;
Mmes Marguerita, Kaïser, Aimée, etc., etc., sont vivement applaudis. Mme Graindor, qu'une
indisposition sans gravité avait éloignée de la scène, a fait une brillante rentrée ces jours
derniers. " Comme Jeanne met au monde une une petite fille le 13 juillet 1881, on peut [87] imaginer que cette indisposition était peut-être liée à des nausées de grossesse...
On retrace Jeanne Graindor à la Scala-bouffes de Lyon en avril-mai 1881 : " Une
foule très nombreuse continue à suivre assidûment les représentations de la Scala-Bouffes.
Mme Graindor, l'excellente chanteuse de l'Eldorado de Paris, obtient tous les soirs les plus
grands succès. C'est toujours la charmante artiste que nous avions entendue il y a deux ans,
mais naturellement depuis cette époque son répertoire a été complètement renouvelé.
Mme Graindor est applaudie et bissée après chaque air ; le public abuse même quelques fois
et au lieu d'un morceau lui en fait chanter quatre ; elle s'exécute toujours avec la meilleure
grâce du monde et sait ainsi se faire aimer de son public qui revient fidèlement l'entendre
tous les soirs.[88] " La charmante Mme Graindor va bientôt nous quitter ; avis aux retardataires qui n'ont point encore entendu l'excellente artiste ou à ceux qui veulent
l'entendre encore. Parmi les morceaux les plus applaudis de son répertoire, citons : "les 3
brigadiers" et le "Panier" qu'elle a créées à la Scala-Bouffes. Mme Graindor emportera
certainement les meilleurs souvenirs de notre ville et les regrets du public qu'elle a su
charmer pendant trop peu de temps, hélas ! "[89]
De fait, Jeanne n'apparaît pas dans la suite des programmes de chant de l'année 1881
(probablement pour la raison évoquée plus haut), du moins jusqu'au début du mois de
novembre : " L'Alcazar d'hiver vient de rouvrir ses portes sous la nouvelle direction de
M. Marcel Simon. MM. Paulus, Guyon, Ginet, ainsi que Mmes Peyrali, Graindor, ont obtenu
un très vif succès.[90] " Son programme est accessible dans la gazette lyrique : " Mon Chapeau des Dimanches", "La lanterne magique", "Les joujoux", "Les Avocats de l'hiver", "La Fête
du Notaire", "C'est bien fait", "Les Gâteaux", "Sous les toits", "Pour mes beaux yeux", "Une Noce sur
les chevaux de bois"[91]
[86]La Chanson, 5 décembre 1880, p. 238.
[87]La Chanson, 26 décembre 1880, p. 261.
[88]Le Bavard de Lyon, 21 avril 1881, p.
[89]Le Bavard de Lyon, 12 mai 1881, p. 2.
[90]Le Voltaire, 1er novembre 1881, p. 3.
[91]La gazette lyrique, n° 56 (nov. 1881), 2è année, p. 4.
L'engagement à l'Alcazar d'hiver n'empêche pas les matinées données dans d'autres
établissements au bénéfice de divers artistes : le 7 janvier 1882, " La matinée donnée à La Scala, au bénéfice de M. Pichat, été des plus brillantes, et la recette abondante a prouvé
quelle sympathie avait le public pour l'excellent comique. [...] On a applaudi chaudement
Mmes Patry, dans l'air de Roland, Graindor, Alida Perly, délicieuse dans sa chansonnette,
Céline Dumont, Lully, très fine, Block, Aimée, Brochette, Adeline, Marcelle. " [92] Le 20 février 1882 : " Eldorado, matinée extraordinaire au bénéfice d'un artiste avec
le concours de MM. Arsandeaux, du Théâtre-Lyrique ; Fusier, du Palais-Royal ; de
Mlle Baumaine, des Variétés ; Mme Graindor, de l''Alcazar ; MM. Bourgès et Debailleul, de
La Scala ; J. Pacra et Réval, du Concert-Parisien ; Denoyer, des Nouveautés, ; Mlle Diane
Fleury, des Fantaisies-Parisiennes ; MM. Ducastel, Bruet, Mathieu, Antony, Villé ;
Mmes Amiati, Bonnaire, Rivière, Juana, Canon et Liovent, de l'Eldorado."[93] Le 24 février 1882, une anecdote vient rappeler comment les artistes étaient
rémunérées. Non seulement elles percevaient un salaire sur leur engagement dans une troupe
pour une saison, mais elles pouvaient également recevoir des cadeaux de généreux
admirateurs. En fin de carrière ou en cas de coup dur, elles pouvaient recevoir le produit
d'une représentation "à bénéfice". La mésaventure de Jeanne Graindor a dû être très
contrariante, ce que souligne la hauteur de la récompense qu'elle a promise : " Mercredi
soir, vers 8 heures, en sortant de chez elle, 40, bd Magenta, pour aller passer la soirée à La
jolie parfumeuse, Mme Graindor a perdu, au moment où elle entrait dans le faubourg-saint-Martin, un superbe bracelet en or russe avec cabochon-saphir, entouré de dix brillants. Cette
perte lui est d'autant plus sensible que ce bijou venait de Russie, où il lui avait été offert
dans une représentation à son bénéfice. Mme Graindor promet 200fr de récompense à la
personne qui le lui rapportera."[94] La presse ne signale pas que le bijou ait été retrouvé... En revanche, un auteur laisse croire que l'entrefilet est une publicité déguisée et de mauvais
goût pour le spectacle La jolie parfumeuse.[95]
En mars 1882, on comprend qu'elle est toujours engagée à l'Alcazar d'hiver et que
les matinées auxquelles elle participe ici et là ne sont que des " plus " dans son agenda. En
effet, on lit : " Ce samedi soir, à l'Alcazar d'hiver, débuts de Pétrie et Fisch, nègres
burlesques, et de la famille Star et Ayala. Tous les soirs, grands succès pour MM. Libert,
Guyon, Nicolle, et pour Mme Graindor dans Quesaco (Lili), et Le jour et la nuit, fort bien
détaillés par cette charmante artiste. "[96]
18 mars 1882 : " Demain dimanche, il y aura à l'Elysée-Montmartre une
représentation exceptionnelle au bénéfice d'une artiste, avec le concours de Mmes Ellen-Andrée, Gabrielle Rose [ndlr : la femme de Paulus], Graindor, Heps, Faure, Hardy et
MM. Reyar, Bourgès, Debailleul, Nicol, Singla, Brunet, etc. "[97]
Avril, mai juin juillet 1882 : rien dans retronews.
[92]La Justice, 7 janvier 1882, p. 3.
[93]Scapin, " Courrier des théâtres " dans La lanterne 20 février 1882, p. 4.
[94Le Figaro, 24 février 1882, p. 3.
[95]Frimousse, " Note aux journaux " dans Le Clairon, 25 février 1882, p. 3.
[96]La Liberté, 5 mars 1882, p. 3.
[97]Le Voltaire, 19 mars 1882, p. 3.
En Août 1882, Graindor est à Bordeaux, au théâtre de l'Exposition, décrite comme
" de l'Eldorado " . 98
A la mi-septembre 1882, Graindor reprend au concert du XIXème siècle, qui réouvre,
et dont elle est la vedette. " XIXème siècle. Tous mes compliments à M. Dignat pour le goût
apporté à la transformation de la trop petite salle de la rue du Château-d'eau. Par exemple, je
lis en tête d'affiche le nom de Doucé, rendu célèbre grâce à un récent procès scandaleux[99] , et j'en suis surpris. La soirée de réouverture a été très brillante. Mme Graindor, l'étoile du lieu,
étoile qui, de vous à moi, ne varie guère son répertoire, a obtenu un succès mérité avec "Mon
chapeau des dimanches" ; je citerai également une chanteuse arabe Kadoudja et une gentille
petite diseuse, Mlle Berthe d'Ecclov." [100] Le chef d'orchestre est Wohanka [101] . Il se pourrait que l'engagement de Graindor - une valeur sûre - n'ait été que temporaire, pour attirer la
foule et reconstituer un public d'habitués. En effet, " les personnes qui n'ont pas encore
applaudi, au concert du XIXème siècle, Mme Graindor, MM. Doucé et Duhem, doivent se
hâter, car l'engagement de ces excellents artistes finit dimanche prochain. " C'est à dire à 102
le 15 octobre. Une chronique restitue l'ambiance du lieu : " La saison a été mauvaise pour
les cafés-concerts des Champs-Elysées. Bien souvent, pendant le vilain hiver qui nous a
servi d'été, les étoiles des ambassadeurs ou de l'Alcazar ont dû chanter leurs morceaux à
succès devant deux ou trois rastaquouères, enveloppés dans leur caoutchouc, ou grelottant
sous leur parapluie. Aujourd'hui, l'heure de la revanche a sonné. Tous les soirs, dès huit
heures et demie, l'Eldorado refuse du monde, et, quand la spirituelle Bonnaire chante son
fantaisiste répertoire, on entend éclater les bravos jusque dans le lustre. Hier soir, les théâtres
chômant, je m'en suis allé dans un de ces music-hall les plus populaires : le Dix-Neuvième-siècle. Le nouveau propriétaire de l'endroit, M. Dignat, l'ancien sultan de ce harem à un
franc l'entrée qu'on appelle le Skating, a complètement transformé cette petite salle, qui fut
le berceau de bien des gloires du bock en musique. Aujourd'hui les murs, du haut en bas,
sont en glaces, qui reflètent des kilomètres de becs de gaz aussi dorés qu'éblouissants.
L'orchestre est environné d'une petite guirlande d'arbustes, absolument, - soi dit sans
offense pour messieurs les musiciens, comme de la viande froide dans du persil. Les avant-scènes sont galamment cachées par des corbeilles de fleurs naturelles, bocages protecteurs
très recherchés par les couples du quartier en parties fines. J'ai entendu Mme Graindor, une
célébrité de l'endroit, et admiré respectueusement son corsage, aussi plantureux que son
talent, qui n'est pourtant pas mince, soyez-en sûr ; une gentille ingénue, Mlle Decloo
(prononcez Descloux), qui, elle, au contraire est tout le portrait de son nom ; et enfin, la
fameuse Kadoudja, Kadoudja aux narines frémissantes, aux diamants elluiniesques, aux yeux profonds - comme l'ennui que m'a causé, d'ailleurs, son répertoire.
[98]La petite Gironde, tous les numéros du mois d'août 1882, p. 4.
[99]Bourgès était impliqué dans le même scandale : l'histoire d'une enfant vendue par sa mère à un pharmacien et sa femme, stériles. Le chanteur Bourgès (marié, ayant abandonné femme et enfants) en est le
géniteur. Il ignore tout de la naissance et de la vente de l'enfant puisque c'est Auguste Doucé qui est alors
en ménage avec la mère. Doucé est, par ailleurs, également marié et père de famille... Pour finir, si je me
souviens bien, le juge a estimé que le bien de l'enfant était de rester avec ses parents adoptifs (couple stable
et qui désirait cette petite). La presse de l'époque s'était déchaînée : l'occasion de mettre en lumière la
débauche du café-concert.
[100]L'Orchestre, 30 septembre 1882, p. 2.
[101]Le Tintamarre, 24 septembre 1882, p. 7.
[102] Le Figaro, 11 octobre 1821, p. 6.
Ce qu'il y a de vraiment amusant au XIXème siècle, ce qui vaut la peine d'y aller exprès, c'est un grand
gaillard, dont je regrette d'avoir oublié le nom, qui chante d'une voix navrée et avec des
ahurissements tout à fait réjouissants les deux chansons à la mode, dont les titres sont -
frémissez, ô Florian ! Pâlissez, Deshoulières ! - "J'ramasse le crottin des chevaux de bois", et
"Y'avait que des mufles à c'te noce-là". [suit une description du Concert parisien et de Paulus en scène : un régal, mais pas à sa place ici] "[103] Comme on retrouve le nom de Graindor tout au long des mois de novembre, décembre
1882, puis janvier 1883, on se doute que l'engagement a été renouvelé... Parmi les titres
chantés par Jeanne : "Les absents ont toujours tort" et "Les gâteaux".[104]
En janvier 1883, Jeanne est annoncée au théâtre Déjazet : " Mme Graindor est
engagée pour créer le principal rôle de La mariée des 4 jeudis, au théâtre Déjazet. La pièce
de M. Burani et Ordonneau a été lue hier avec succès. " Elle chante pourtant toujours au [105] XIXème siècle le 28 janvier . De même, son nom est à l'affiche de ce concert en février et 106
jusque fin mars 1883 . C'est un tour de force, si l'on sait que Jeanne Graindor perd le 107
10 mars 1883 la fillette née deux ans plus tôt. De plus, le couple Graindor-Michiels habite
alors à Sannois (Val d'Oise), ce qui ne facilite pas les transports... Les 3 et 4 avril, elle
apparaît encore dans le programme du concert . [108]
Malgré le chagrin, l'artiste reste sensible aux besoins des autres et participe à une
soirée à bénéfice le 13 avril 1883 : " C'est jeudi soir qu'a lieu, au théâtre des Bouffes-du-Nord, la représentation au bénéfice d'un artiste. Voici le programme : Histoire ancienne,
comédie jouée par des artistes de l'Odéon ; Le serment d'Horace, pièce du Vaudeville ;
Pascal Fargeau, drame en un acte. Voici les noms des artistes qui prêtent gracieusement leur
concours : M. Auguez, de l'Opéra ; Mme Graindor, Clémence Leclerc, Berthe d'Eccloo,
Désirée Arly, Moreau, [...]. Avec un pareil spectacle, cette soirée ne peut manquer d'être
fructueuse. " La revue l'Orchestre, avec l'intégralité du programme et de la distribution, [109] indique le nom du bénéficiaire : M. Bourdeille . [110]
Plus de trace dans la presse jusqu'au 4 septembre 1883 : " Samedi avait lieu la
réouverture du Grand Concert parisien. Public très gai. Excellente troupe. Distingué parmi
les étoiles de la maison, Mmes Demay, Graindor, Parent, Dumont, etc. ; M. Fusier, -
l'amusant Fusier, Réval et Teste ; deux débutantes : Mlles Gilberte et Levya. "[111]
[103]Choufleuri, " Soirées parisiennes. Cafés-concerts " dans Le Gaulois, 11 octobre 1882, p. 3.
[104]La Gazette du XIXème siècle, 30 septembre 1882, p. 4.
[105]Gil Blas, 10 janvier 1883, p. 4.
[106Le Soir, 28 janvier 1883, p. 3.
[107]Numéros du journal Le Soir.
[108]Le Soir (aux dates respectives), p. 4.
[109]Julien Sermet, dans La Justice, 13 avril 1883, p. 4.
[110]L'Orchestre, 11 avril 1883, p. 4.
[111]La Presse, 4 septembre 1883, p. 4.
Début novembre 1883 : " Alcazar d'hiver. MM. Donval et Labat restent seuls
directeurs, M. Taillefer s'étant, au dernier moment, retiré de la combinaison. Thérésa (Mme Donval), qui commandite l'affaire, n'a donc plus rien à envier à Mme Sarah Bernardt,
puisque c'est comme directrice qu'elle va faire sa rentrée. La réouverture de cet
établissement a lieu ce soir. La salle a été complètement restaurée, et des aménagements bien
compris ont rendu l'accès des loges plus commode. On a aussi reverni la façade sur le
faubourg Poissonnière. Parmi les artistes engagés, on compte : Mlles Blanche Méry et
Bennati, des Bouffes ; Mme Graindor ; Sujol ; le couple d'opérette Gilles-Raimbault, etc.,
etc. L'orchestre, composé de 30 musiciens, est placé sous l'habile direction de M. Michiels.
LAlcazar donnera un spectacle coupé, (deux pièces et une partie chansons). "[112]
Jeanne Graindor chante à Marseille à partir du 26 février 1884 : " Palais de Cristal. Demain, adieux et bénéfice de Maria Pacra, la sémillante diva duPalais de Cristal, avec le
précieux concours de la reine des diseuses, Mme Graindor, qui débute ce soir. "[113]
Apparemment, elle renouvelle plusieurs fois engagement jusqu'au moment où son retour à
Paris devient impératif : "Palais de Cristal. Ce soir a lieu, ainsi que nous l'avons annoncé,
et définitivement, la soirée d'adieux de Mme Graindor. A deux reprises, la célèbre diseuse a
dû renouveler le brillant engagement qui la retenait à Marseille. Aujourd'hui, d'autres succès
l'attendent et Paris même la réclame instamment. Alerte et spirituelle, la charmante artiste
retrouvera dans cette dernière soirée tous ces détails et toute cette grâce qui ont fait jusqu'ici
son grand succès. Avec cet attrait capital, d'ailleurs, ajoutons que toute la troupe et les
gymnasiarques prêteront leur concours à cette solennité artistique. Nous ne doutons pas que
les admirateurs de Mme Graindor aillent encore une fois lui prodiguer leurs
applaudissements." [114] Retourne-t-elle vraiment à Paris ? Rien n'est moins sûr puisque,d'une part, aucune mention ne la situe dans la capitale, mais encore, la presse locale dénonce
sa présence à Marseille. Le correspondant du Gil Blas à Marseille télégraphie à sa rédaction
le 9 avril : " Au Palais de Cristal, Graindor a fait les délices des amateurs de romances. "[115]
Le Petit Provençal du 19 avril annonce sa participation à une festivité organisée par le
syndicat de la presse pour sa caisse de secours : " Nous rappelons que c'est ce soir qu'a lieu,
au Gand-Théâtre, la grande solennité artistique organisée par le Syndicat de la Presse
marseillaise au profit de sa caisse de secours, avec le gracieux concours de la troupe du
Grand-Théâtre, des premiers sujets du Gymnase, de l'Alcazar et du Palais de Cristal, et de Mmes Graindor et Lyonnel, de passage à Marseille."[116] Graindor doit y chanter "Le péché".Le succès de la soirée est tel que Graindor est encore engagée pour une seule journée
(20 avril) auPalais de Cristal. Un seul commentaire plus mesuré : " Je tiens à mentionner le
succès de Mlle Graindor, une mauvaise voix mais une diction juste et spirituelle, dont la
"Bouillabaisse" un peu pimentée a mis la salle en joie. "[117]
[112]L'Orchestre, 1er novembre 1883, p. 3.
[113Le Petit Provençal, 26 février 1884, p. 3.
[114]Le Petit Provençal, 27 mars 1884, p. 3.
[115]Gil Blas, 9 avril 1884, p. 4.
[116]Le Petit Provençal, 19 avril 1884, p. 2.
[117]Le Sémaphore de Marseille, 26 avril 1884, p. 1. Plusieurs chansonnettes portent ce titre : difficile de
savoir de laquelle il s'agit, aucune date de dépôt légal n'étant déterminante.
La Bavarde du 3 mai 1884 nous dit que Mlle Mialet part à Montepllier remplacer
Mme Graindor. On en déduit que Graindor était à Montpellier en avril 1884 . [118]
Le 27 avril, Jeanne chante au théâtre de la Renaissance : " M. Coste, le directeur du
théâtre de la Renaissance fait tous ses efforts pour plaire au public ; en effet, il fait connaître
à ses spectateurs toutes les excentricités, toutes les étoiles de l'époque. Après les Paveurs qui
ont fait leurs adieux dimanche, il nous donne Mme Graindor, la fine diseuse des concerts.
Nous félicitons cette artiste de la manière dont elle dit ses romances, choisies du reste avec
le meilleur goût du monde. Les applaudissements ne lui ont pas manqué et elle les
mérite."[119]
Octobre 1884 : " Plusieurs des nos confrères ont annoncé la rentrée à Paris de
Mme Graindor, dans le rôle principal de La Bagasse, pièce de réouverture des Menus-Plaisirs. Disons que Mme Graindor avant d'être étoile à La Scala, avait joué la comédie ; elle
fut la pensionnaire des directeurs Delvil et Gil-Naza, aux Galeries Saint-Hubert et au théâtre
Molière à Bruxelles, en compagnie de Mmes Desclée et Emilie Broisat, et de
MM. Boisselot, Calvin, Malard, etc. Mme Graindor jouait les soubrettes avant les
événements de 1870, et son succès fut principalement dans les rôles du gamin de Paris et de
la Grande-Duchesse. Ce n'est pas ce 1er novembre que passera La Bagasse, mais bien le 29
de ce mois." [120] Le rôle de Graindor est celui d'une mère de 45 ans (elle en a 39).
Si l'on en croit les commentaires les plus développés, Graindor sauve une œuvre, qui
n'a pas très bien su choisir son style ! " La Bagasse, par Edouard Cadol, Georges Duval, et
Edouard Philippe, musique de Brus. Vaudeville en 4 actes. Menus-Plaisirs, 18 octobre 1884
[distribution]. Pour sa quatrième ou cinquième ouverture depuis la déconfiture de feu
Dormeuil, le petit théâtre du boulevard de Strasbourg, ne sachant plus à quel genre se vouer,
s'est décidé à nous servir un plat mixte, ni chair, ni poisson ; un vaudeville où il y a trop de
musique, ou une opérette avec trop de paroles, comme on voudra. La Bagasse, œuvre de
bons faiseurs dramatiques, parmi lesquels notre confrère Georges Duval et le sympathique
auteur des Inutiles, n'avait certainement pas au début d'autre prétention que celle d'être une
machine bien charpentée. Ses metteurs en scène l'ont écrasée sous le poids d'une partition
si touffue - et si fertile en mauvaises rencontres - qu'on se croirait en pleine forêt de Bondy
musicale. [suit la description de l'intrigue]"[121]
"M. Blandin, dont l'expérience en matière dramatique n'est pas contestable, nous a
étonné, nous l'avouons, en nous donnant sous le titre de vaudeville une pièce qui n'est pas
autre chose qu'en opérette. Seulement, la musique en est si peu... ce qu'elle devait être pour
une opérette, que le directeur malin a mieux aimé faire semblant de jouer une pièce à
couplets, ce qui était nécessaire pour l'artiste engagée spécialement en vue du principal rôle.
Mme Graindor, en effet, est une artiste qui chante fort bien des couplets et s'est fait une
certaine réputation à l'Eldorado, à l'Alcazar et au Concert parisien dans des chansons genre
Thérésa. Il fallait pour créer le rôle de la Bagasse une actrice comme elle, et le choix a été
fort heureux : il a sauvé la pièce. La Bagasse est la chanteuse favorite du Beuglant de
Marseille ; cette brave fille n'est autre que la femme d'un nommé Rousselet, lequel l'a
plantée là, sans ressources, et ne lui a jamais donné de ses nouvelles. Françoise Rousselet a
la
[118]La Bavarde, 3 mai 1884, p. 3.
[119]Le Patriote, 27 avril 1884, p. 3.
[120]La Justice, 11 octobre 1884, p. 3.
[121]Camille Le Senne, Le théâtre à Paris, 1ère série 1883-84, Paris, 1888-90, p. 278 sq
vocation de la maternité, et, comme son époux fugitif ne lui a même pas laissé un enfant,
elle a adopté un petit orphelin nommé Sylvain, qu'elle a élevé avec le plus grand soin, en
évitant de laisser savoir à quel métier elle doit ses ressources. En effet, elle a une existence
en partie double. La Bagasse est son nom de théâtre, mais à la ville elle s'appelle
Mme Dupont et passe pour une rentière veuve. Elle va marier son fils adoptif à la fille du
notaire Machelard, quand survient le sieur Rousselet, devenu capitaine au long cours ; ce
retour intempestif peut tout perdre, en faisant dévoiler l'incognito si bien et si
invraisemblablement gardé. Françoise Rousselet n'hésite pas et va spontanément tout
raconter elle-même au notaire qui, après tout, n'a rien à reprocher à La Bagasse dont la
conduite n'a jamais donné prise aux cancans. En conséquence, Sylvain épouse la jeune
Machelard. Cette intrigue, dépourvue d'intérêt, a permis aux trois auteurs de faire chanter à
Mme Graindor quelques couplets qui sont applaudis, à cause d'elle, plutôt que pour euxmêmes. Mme Tassilly, M. Denizot et M. Vertin secondent assez bien Mme Graindor, et
cahin-caha la Bagasse va son petit bonhomme de chemin. Il y a un tableau très vivant et très
bien mis en scène ; c'est celui où la scène représente le beuglant où chante la Bagasse, c'est
ce qu'il y a de mieux dans cette opérette, à laquelle nous espérons voir succéder un
vaudeville véritable, genre qui est certainement celui où M. Blandin et ses artistes ont le plus
de chances de trouver le succès que nous leur souhaitons de grand cœur. "[122]
L'article du Figaro compare Mme Graindor dans la Bagasse à Thérésa dans la Reine
des halles. " Mme Graindor rappelle beaucoup son chef de file par la manière de phraser et
surtout par l'emploi de cette sorte de " poitrinage " tyrolisant, qui donne aux notes graves de
la voix de femme un timbre analogue au chalumeau des clarinettes. Madame Graindor ne
manque pas d'expérience comme actrice ; il me souvient de l'avoir vue il y a quelques
années dans une féérie du Châtelet, et elle a laissé de bons souvenirs à Bruxelles." [123] Un autre chroniqueur du Figaro raconte aussi sa soirée : " Les bons propriétaires sont rares.
Raison de plus pour leur rendre justice et signaler, parmi eux, M. Cantin qui est réellement
un père pour tous ses locataires des Menus-Plaisirs. Depuis qu'il s'est rendu acquéreur de la
jolie petite salle du boulevard de Strasbourg, le directeur des Bouffes a toujours mis ses
artistes, ses décors, ses manuscrits disponibles au service de ce théâtre, qui a d'autant plus
besoin d'être soutenu qu'il est écrasé par la concurrence des cafés-concerts d'alentour. C'est
ainsi qu'il y a deux ans les Menus-Plaisirs empruntèrent les Pommes d'Or, d'Audran, à la
réserve des Bouffes. La Bagasse est également un cadeau de M. Cantin. Seulement, en
changeant de quartier, le livret d'opérette de MM. Edouard Cadol, Georges Duval et
Edouard Philippe est devenu un vaudeville mêlé de chant. Car M. Blandin veut faire des
Menus-Plaisirs un théâtre de comédie-vaudeville, avec une revue de fin d'année pour toute
pièce à spectacle. Toutefois, on n'a pu réduire outre mesure la partie musicale que le jeune
compositeur, M. Jean Brus, défendait note à note avec l'ardeur inséparable d'un premier
début. La partition de M. Brus d'ailleurs protégée avec autorité par le chef d'orchestre,
M. René, un artiste très apprécié et qui, ce soir, à son pupitre, semblait encore tout heureux
d'avoir vu, dans la journée, couronner son fils, premier second Grand Prix de Rome de cette
année pour la composition musicale. Le jeune René est l'élève préféré de M. Léo Delibes,
qui lui prédit le plus brillant avenir. Écrite en vue de Thérésa - comme tant d'autres pièces -
la Bagasse nécessitait une interprète qu'on eut peine à trouver. L'artiste choisie,
Mme Graindor, est une chanteuse " à diction " étoile de café-concert, mais étoile contre son gré.
[122] A. de L. " Menus-Plaisirs " dans L'orchestre, 2 novembre 1884, p. 2.
[123] Auguste Vitu, " Premières représentations " dans Le Figaro, 19 octobre 1884, p. 3. 123
Chaque succès obtenu par elle à l'Eldorado, à l'Alcazar, au Concert parisien, lui causait
toujours un nouveau chagrin. Ancienne pensionnaire de Delvil, aux Galeries Saint-Hubert, et
de Gil-Naza, au théâtre Molière de Bruxelles, elle joua la comédie avec Desclée,
Mme Emilie Broisat. Gil-Naza, Boisselot, Corbin, furent aussi ses partenaires. Son rêve eut
été de quitter le concert où l'enchaînaient ses succès, ses gros appointements et de chanter
ailleurs que devant un parterre de bocks. Il y a quelques six années, elle fut engagée au
Châtelet pour une reprise de La Faridondaine. Fatalité ! Elle jouait le rôle d'une chanteuse
de café-concert. Ce n'est pas tout, hélas ! Aux menus-Plaisirs même, dans la Bagasse de ce
soir, le tableau à sensation (car il y a un tableau à sensation) représente, quoi ?... un café-concert. Mme Graindor sera donc poursuivie par ce café-concert qu'elle veut fuir. Parmi les
autres interprètes connus, je ne vois guère à citer que Mlle Tassilly, qui joua les Alphonsine
aux Folies et au Château-d'Eau, et M. Vertin, un jeune premier comique qui débuta aux
Nouveautés il y a trois ans - et qu'on n'a point revu depuis. Après la chute du rideau, deux
ou trois garçons bouchers, voulant se distraire à toute force, ont fait entendre des coups de
sifflet qui ont amené de bruyantes protestations. Cris, bousculades, interpellations
naturalistes ont même failli empêcher M. Denizot de proclamer le nom des auteurs. - Viens
donc siffler dehors, feignant ! a crié un claqueur indigné. Le tumulte n'a pu être apaisé qu'à
grand peine et la Bagasse a fini par une bagarre." [124] Quelle suite eut la pièce ? " Quand un théâtre a la bonne fortune d'avoir une chanteuse comme Mme Graindor, il n'y a rien
d'étonnant à ce qu'il cède à la tentation de la faire entendre le plus possible, et le public a été
de cet avis ; il a applaudi à tout rompre Mme Graindor et a bissé et trissé tous les couplets.
La pièce n'a pas la prétention de traiter des questions d'art ou de littérature, mais seulement
d'amuser, et elle y réussit." [125] La publicité a dû être très bien faite car les revues qui évoquent la première de la Bagasse sont pléthoriques. La pièce tient au moins jusqu'à la mi-novembre.
7 décembre 1884, aux Menus-Plaisirs, matinée au profit d'un artiste " avec le
gracieux concours de MM. Furst de l'Opéra-Comique, Lauwers des Italiens, Albert Lambert
de l'Odéon, Mmes Delprato, Blouet-Bastin, Graindor, Mlle Depoix, Mlle Clémence Leclerc
[...]."[126]
Je ne sais pas où Graindor se produit pendant les mois de janvier, février et mars
1885...
"A l'Eldorado, lundi 6 avril, matinée extraordinaire au bénéfice d'une artiste, avec le
concours de Mme Lucie Calicot, pianiste pédalante ; M. Geloso, violon, premier prix du
Conservatoire ; Mlle Landoux, harpiste des concerts Lamoureux ; Mlle Clary, des Folies-Dramatiques ; Mme Graindor ; les frères Waresky, gymnasiarques, et toute la troupe de
l'Eldorado. "[127]
Fidèle aux artistes, Graindor l'est aussi à la ville de Marseille, vers laquelle elle repart
le 19 avril 1885 : " Mme Graindor, qui obtint un si légitime succès dans La Bagasse, part à
Marseille avec un répertoire nouveau. "La ronde d'officier", "Le Petit Sentier", "Crinière au vent",
etc., etc., chansonnettes faites exprès pour son talent tout particulier, sont donc réservées.
[124] Un fauteuil de balcon, " Soirée théâtrale. La Bagasse. " dans Le Figaro, 19 avril 1884, p. 3.
[125] Henry Duval, " Les premières " dans Le mot d'ordre, 21 octobre 1884, p. 2.
[126] La Presse, 6 décembre 1884, p. 4.
[127] Le XIXème siècle, 5 avril 1885, p. 4.
comme primeur aux Marseillais. Eh ! Té ! On se le dira sur la Cannebière." [128] C'est au Palais de Cristal qu'elle se produit : " La représentation donnée jeudi au bénéfice de
Mlle Duparc avait attiré au Palais de Cristal une foule énorme et sympathique. Grand succès
pour la brillante étoile, pour tous les artistes, pour Mlle Paula Brébion et pour Rouffe, le
mime toujours aimé du public, qui ne s'était pas montré depuis six mois devant la rampe par
suite d'une sérieuse maladie. Depuis longtemps les annales de nos concerts n'avaient
enregistré plus cordiale et plus unanime ovation. Samedi, salle comble pour la rentrée de
Mme Graindor, la délicieuse chanteuse de genre. Demain, Rudolphe, l'homme siffleur. "[129] Au mois de mai, " Le succès de Mme Graindor au Palais de Cristal ne fait que s'affirmer,
dont la foule ne peut plus oublier le chemin. On applaudit aussi, avec justice, Mlle Daris,
une chanteuse élégante, et M. Velly, un chanteur des plus corrects et des plus aimés. Ce soir,
début de Mlle Froufrou, chanteuse comique et des Savatophonistes, une excentricité
musicale inédite qui vient d'obtenir à Paris et à Lyon une immense réussite." [130] La fin du mois de mai signe le départ de la chanteuse : " Mme Graindor vient de faire ses adieux,
emportant le souvenir que les habitués du Palais conservent de ses chansonnettes si bien
ées avec une délicatesse difficile à imiter. "[131]
Le 31 mai, elle chante à Nice : " Concert du palmier. Nous avons à enregistrer cette
semaine de bons débuts. Les habitués de cette salle ont revu avec un réel plaisir la fine
diseuse des concerts de Paris, Mme Graindor, qui nous est revenue avec de nouvelles
créations, qui valent tous les soirs, à cette artiste de talent, les ovations les plus méritées.
Mme Graindor est réellement la meilleure des interprètes que possèdent les grands concerts
de Paris, de ce genre si délicat, si gracieux, et elle chante avec l'esprit le plus apprécié ces
ravissantes chansons sur lesquelles M. Michiels, le compositeur si connu, a écrit de si jolie
musique". [132]
Le 11 Juin 1885, Graindor reparaît à Bordeaux : " Après-demain vendredi, à
l'Alcazar, première représentation de Mme Graindor, étoile de l'Eldorado. Succès de
M. Claudius, comique excentrique, et de Mme Lemonnier, chanteuse comique genre
Thérésa. Rentrée de Mlle Margot, comique des Ambassadeurs. A la demande générale, toute
la troupe Barbarani donnera la grande pantomime Don Juan. Service d'omnibus établi à la
sortie de l'Alcazar."[133] l'Alcazar de Bordeaux étant situé à la Bastide, la précision sur leservice d'omnibus n'était pas inutile ! Le 27 juin, La Gironde annonce son avant-dernière
représentation, mais la place au programme de l'Alcazar le 3 juillet .[134]
[128] Le Réveil, 19 avril 1885, p. 4.
[129] Officiel-Artiste, 30 avril 1885, p. 4. 129
[130] Le Petit Marseillais, 7 mai 1885, p. 2 ; voir aussi : La Vedette, 24 mai 1885, p. 86. 130
[131] Officiel-Artiste, 28 mai 1885, p. 4. Curieusement, une nuitée au nom de Graindor Michiels est enregistrée dans l'hôtel des Trois Dauphins de Grenoble, dans la " liste des étrangers descendus dans les hôtels ci-après " à la date du 17 mai : " Le Dauphiné, courrier des eaux thermales de la région. Grenoble ",
17 mai 1885, p. 134.
[132]Nice artistique, 31 mai 1885, p. 8. 132
[133]La Petite Gironde, 11 juin 1885, p. 4. 133
[134]La Gironde, 27 juin 1885, p. 3 et La Gironde, 3 juillet, p. 4.
Elle ne s'y attarde pas car elle est attendue, en juillet 1885, dans une ville d'eau : " On
nous écrit de Lamalou-les-Bains : Lamalou compte jusqu'à quatre salles de spectacles, dont
deux théâtres, le théâtre de l'Etablissement thermal et le théâtre des Variétés, et deux
Casinos, le Casino du Grand-Parc et le Casino du Petit-Paris. Mlle Bonnaire, de l'Eldorado de Paris, est venue donner avec un très grand succès deux représentations au Casino du
Grand-parc, où est attendue également Mme Graindor et où se fait applaudir tous les soirs
Mlle Lucciani, une spirituelle chanteuse, qui a créé, il y a quelques années, au Gymnase de
Marseille, la Fille de madame Angot et la Timbale d'Argent. "[135]
A partir de cette date se perd la trace continue de Mme Graindor. Elle n'apparaît plus
qu'en pointillés...
"M. Gustave Michiels, l'ancien chef d'orchestre de l'Alcazar, est de retour
d'Amérique, après un séjour de cinq mois dans le nouveau monde " indique Jules Prével
dans le Figaro du 20 mars 1887[136] . Ce qui laisse à croire qu'il est parti vers la fin octobre 1886.
En février 1887, Graindor est à l'Alcazar de Bruxelles : " Alcazar : Représentations
de Mme Graindor. Débuts de Mlle Lekain et M. Rosar."[137] Il est probable qu'elle ne prendra d'engagement pour l'été, car elle accouche en décembre 1887 de son dernier enfant.
Le 23 mars 1888 : " Au théâtre Cluny, matinée extraordinaire au bénéfice d'un artiste
avec le gr?cieux concours de Mlle Reichemberg, de la Comédie Française ; M. Lorrain, de
l'Opéra ; MM. Albert Lambert, Colombey, de l'Odéon ; Mmes Graindor, Deecloo, Aciana,
Fromont, Branciard, d'Ajac, MM. Tervil, Dubos, Villeroy, Monteux, etc., etc. "[138]
Le 16 septembre 1889, le Figaro note sa présence aux obsèques de Jules Prével,
rédacteur qui a assuré pendant des années la rubrique des théâtres du journal[139] . Elle n'est pas classée parmi les artistes, mais parmi les dames, et appelée Mme Michiels-Graindor...
En avril 1890, Jeanne chante dans un dîner privé organisé chez l'actrice Marie
Colombier (1844-1910) où se produisirent également d'autres artistes .[140]
En octobre de la même année, un chroniqueur évoquant Colombine, une œuvre de
Sarlin et Michiels, créée à l'opéra comique, se désole qu'on ne la voie plus : " M. Michiels,
l'auteur de la partition, est un musicien fort estimé qui a épousé Mme Graindor, une
chanteuse très appréciée au café-concert, disparue trop tôt de la scène où son nom est resté
populaire.[141] " Sarlin n'est autre qu'Eugène Sarlin homme de lettres et ami du couple : avec le père, il déclare le décès de Marguerite Michiels en 1883, acte qui précise qu'il était le
parrain de l'enfant...
Pas de trace de Jeanne en 1891 ni 1892.
Le 3 février 1893, un entrefilet du Figaro indique : " Ce soir, à l'Eden-Concert, rentrée de Mme Duparc, 405ème vendredi des soirées classiques avec le concours de
Mme Graindor." [142] Et le Gil Blas précise : " Brillante chambrée avant-hier à la soirée desClassiques. Cette affluence était due, en bonne partie, à la réapparition de Mme Graindor,
qui est venue, avec son répertoire de bon aloi, reconquérir tout son succès d'autrefois. On
saura gré à la direction de permettre aux amateurs de couplets finement détaillés et de gais
refrains de venir entendre la charmante diseuse. Ce plaisir de gourmets nous est encore
promis pour vendredi prochain."[143]
"Demain jeudi, à 5 heures, aura lieu, à Bicêtre, la grande fête annuelle organisée par
les frères Lionnet. Au programme : MM. Saint-Germain, Paul Legrand, les frères Lionnet,
Lucien Noël, Lubert, Fontbonne, Uzès, etc. Mmes Gibert, Graindor, Delorn et couple Bruet-Rivière ; enfin, le pianisteRavina et un ténor inédit, M. Renault, dont on dit grand bien."[144]
Le 22 juillet 1893, le Vert-Vert se fait l'écho de ce concert de charité qui a eu lieu la
veille : " [...] Environ cinq cent pensionnaires de l'hospice assistaient au concert ; ils ont fait
un grand succès à tous les artistes qui venaient leur apporter un peu de joie au milieu de
toutes leurs tristesses. "[145]
Graindor répète ce service à la Salpêtrière en juin 1895 : " La Salpêtrière était, hier,
en fête. Le mot ne s'accorde pas, de prime abord, avec la chose. Si prodige il y a, les frères
Lionnet en sont les auteurs, grâce à la soirée musicale et artistique annuellement organisée
par leurs soins, la plus grande joie des pensionnaires de cet asile des féminines misères
cérébrales, nerveuses ou physiologiques. Le spectacle a été souvent décrit. Il n'est pas sur la
scène, il est dans la salle, sur ces gradins houleux de vieilles, de jeunes, de fillettes, où le
chant, la diction, la musique venant éveiller les échos endormis dans les cases vides des
cerveaux, suscitent des traînées de ravissement, des explosions de fol enthousiasme, des
bordées d'applaudissements qui ne finissent pas. "[146]
L'année 1895 marque le temps où Graindor et Michiels vont tourner régulièrement
pour mettre en valeur les poésies de Jean Richepin, mises en musique par le compositeur et dites par son
épouse interprète.
Mars : " Séance à sensations multiples que celle de la Bodinière où Mme Graindor vient d'interpréter, enchâssées dans l'habile musique du compositeur Gustave Michiels et assaisonnés des commentaires fantaisistes du conférencier Clovis Hugues, certaines des plus
caractéristiques poésies de Jean Richepin.
Ces vers chauds, colorés, tantôt exquisement
na?fs, tantôt superbement martelés, elle les a détaillés, chantés et pleurés avec l'âme d'une
artiste et la science consommée d'une interprète de premier ordre. Aussi, les larmes ont
bientôt jailli et le frisson a vite couru parmi une assistance cependant accoutumée aux
interprétations supérieures. Heureusement que M. Clovis Hugues, qui nous avait menacés
d'une conférence, s'est contenté d'une agréable causerie, attachante, charmante, émaillée
d'imprévus originaux, d'envolées dans le bleu ou de plongeons dans le rouge, qui
chatouillaient l'esprit, détrempaient de sourires les larmes, et permettaient à Mme Graindor de reprendre haleine au milieu des témoignages d'émotion non contenue qui lui étaient
prodigués. Le plus mérovingien et le plus chevelu des poètes à tous crins a le Midi bon
enfant, aimable même, le verbe facile, épicé par des pointes d'accent et des accès de verve
franche et de bonne humeur. C'est ainsi que dans le cadre fleuri de ses commentaires, tantôt
amusés, tantôt émus, nous avons entendu : "Mon verre est vidé", "l'Enfant de Bohême", "les
Petiots", "les Vieux papillons", de "la Chanson des Gueux" ; puis "Au Cimetière", "Mon premier
voyage", "le Mauvais hôte", "Un coup de Riquiqui", de "La Mer" ; "Déclaration", "des Caresses", et
enfin "le Jacques", "des Blasphèmes". Cette dernière composition, déjà fort dramatique en elle-même, mise encore plus en relief par une musique d'un caractère simple et large, produit une
impression de terreur dont il est difficile de se défendre. Et que d'émotion dans Mon verre
est vidé, de sanglots dans "les Petiots", d'attendrissement dans "les Vieux papillons" ! Il faudrait
tout citer, et "le Coup de Riquiqui", et "le Mauvais hôte", poignants et empoignants. M. Clovis Hugues a demandé la réhabilitation de Jean Richepin, encore sous le coup de la
condamnation inique qui l'a frappé après la publication de "la Chanson des Gueux", il y a
quelques seize ou dix-sept ans. Condamné pour une belle œuvre, c'est absurde, mais c'est
ainsi ! Des chansonniers fournisseurs de ces insanités obscènes qui se débitent au café-concert se promènent avec la boutonnière fleurie, au grand soleil, alors que Richepin,
l'auteur de "la Chanson des Gueux", de la Mer, des Caresses, des Blasphèmes et de tant
d'autres remarquables productions, n'est pas leur égal devant la loi et n'a pas les mêmes
droits qu'eux ! C'est trop fort ! Quoi qu'il en soit, grâce à la verve persistante de M. Clovis Hugues, grâce au talent de Mme Graindor, qui plaide si bien cette cause en chantant ses
beaux vers, lesquels plaident déjà si éloquemment par eux-mêmes, on protestera encore, on
protestera quand même, tant que celle iniquité subsistera. L'impression produite par cette
première conférence a été telle, à la Bodinière, qu'il en a été demandé une seconde, qui aura
lieu, mercredi prochain, à 4h 1/2, avec le même programme. "[147]
Juillet : " Prochainement, partira une tournée organisée par M. Gustave Michiels qui
aura pour but de faire entendre les poésies de Jean Richepin interprétées par Mme Graindor.
Une causerie de M. Charles Samson précédera chaque audition "[148] . " Notre confrère et ami Charles Sainton [sic], qui est aussi spirituel et délicat conférencier qu'il est adroit et bon
dramaturge, a fait, hier, dans une station balnéaire, une conférence sur les chansons de Jean Richepin. Dans une causerie charmante d'imprévu et toute pétillante de sel attique, il a
présenté à l'élégante assistance de baigneurs qui se pressait pour l'écouter Mme Graindor,
une artiste de race, qui chante les vers de l'auteur de la Chanson des Gueux avec une
communicative émotion, et M. Michiels, un très subtil compositeur, qui a souligné
adorablement les rythmes du poète. "[149]
Décembre : " Les nombreuses premières données par tous les théâtres de Paris depuis
quelques jours ont fait négliger une charmante représentation donnée par le Théâtre-Mondain dans sa coquette salle de la cité d'Antin. Au programme : Paris-Mondain, revue
fantaisiste de MM. J.-P. Elhens et A. De Polhes et les Chansons de Jean Richepin, mises en
musique par M. Michiels, interprétées par Mme Graindor, avec une causerie explicative de
notre confrère Charles Samson. M. Samson, que nous n'avions pas encore eu l'occasion
d'entendre comme conférencier, est un causeur délicat et érudit qui connaît à fond son
Richepin et les poètes modernes ; Mme Graindor est la diseuse impeccable qui sait rendre
toutes les finesses des beaux vers accompagnés par un musicien de talent. "[150]
Début 1896, Mme Graindor continue la promotion de Richepin...[151]
En avril 1896, M. Michiels tente de reprendre un théâtre : " Avis aux jeunes auteurs.
Trois nouveaux théâtres du genre de la Bodinière vont s'ouvrir à Paris. [L'un...] L'autre, rue
Fontaine, se rapprochera comme genre, du Chat-Noir. M. Gustave Michiels, le mari de
Mme Graindor, a déjà rencontré pas mal de difficultés pour monter son affaire. Il avait un
commanditaire très sérieux qui avait promis cent mille francs. Les travaux commencèrent, et
la capitaliste mourut. Les constructeurs, pour rentrer dans leurs fonds, ayant confiance en
M. Michiels, ont formé une société qui permettra d'ouvrir ce petit théâtre. "[152]
En mai 1896, Graindor chante au banquet organisé par la Société de Secours aux
militaires coloniaux . [153]
Début juillet 1896, Graindor chante de nouveau pour les aliénées de la Salpêtrière. Le
concert est ainsi annoncé : " Le concert annuel de la Salpêtrière, dû, comme les années
précédentes, à l'initiative des frères Lionnet, sera donné le mercredi 8 juillet. Figureront au
programme des artistes d'élite dont : MM. Mounet-Sully et Paul Mounet, Caron, de
l'Opéra ; Saint-Germain, Dailly, Lubert, de l'Opéra-comique, retour d'Amérique ; le couple
Bruet-Rivière, tout frais débarqué d'Australie ; Mme Graindor, Mlle Marthe Laurent, petite-fille de Mme Marie Laurent, etc. Cela promet un programme sensationnel, d'autant que
chacun, grand ou petit, a tenu à tenir sa partie. M. Gaillard, le souffleur de la Comédie
Française, remplira les fonctions de régisseur. Les accompagnateurs seront M. Cognet, de
l'Opéra, et M. Catherine. Le concert donné à Bicêtre suivra à quelques jours
d'intervalle. "[154]
[135] Jules Prével, "Courrier des thé?tres" dans Le Figaro, 19 juillet 1885, p. 3. [136] Jules Prével, "Courrier des thé?tres" dans Le Figaro, 20 mars 1887, p. 3. [137] Officiel-artiste, 10 février 1887, p. 5.
[138] Gil Blas, 23 mars 1888, p. 3. [139] Le Figaro, 16 septembre 1886, p. 2. [140] Gil Blas, 27 av ril 1890, p. 1. [141] Le Public, 6 octobre 1890, p. 3.
[142] Le Figaro, 3 février 1893, p. 5.
[143] Gil Blas, 3 février 1893, p. 1.
[144] Le Journal, 19 juillet 1893, p. 4. [145] Le Vert-vert, 22 juillet 1893, p. 2. [146] Le Vert-vert, 14 juin 1895, p. 2. [148]Le mot d'ordre, 5 juillet 1895, p. 4. [149]"Echos " dans Gil Bas, 29 juillet 1895, p. 1. [150] l'Evénement, 23 décembre 1895, p. 4. [151 ]Le Monde Artiste, 12 janvier 1896, p. 15 ;
[152] Le Fin de Siècle, 23 avril 1896, p. 4. [153] Le Gaulois, 24 mai 1896, p. 3. [154] "Courrier des théâtres " dans Le Figaro, 3 juillet 1896, p. 3.
Après la manifestation, on rapporte : " Un souffle de Gaîté a passé, hier soir, sur les
mornes bâtiments de l'hospice de la Salpêtrière. Les malheureuses que la folie a frappées,
reléguées loin du reste des vivants, loin de toutes nos joies humaines, de nos jouissances
intellectuelles, ont pu, durant deux heures, goûter, elles aussi, à ces joies, à ces plaisirs de
l'esprit. Un concert leur était offert dans le grand amphithéâtre de la clinique Charcot, organisé par les frères Lionnet. Depuis dix ans, à pareille époque, ces deux artistes, secondés
par les sujets de nos principales scènes, viennent, pour quelques instants, arracher les
aliénées à leurs monomanies, grâce au charme de leur talent et à celui de leurs dévoués
collaborateurs. On ne saurait donc trop les féliciter de cette œuvre éminemment humanitaire.
[...] Se sont également fait entendre Mmes Rivière, Marie Laurent et Graind'or ; [...] Chose
singulière, le visage et le regard des pauvres folles exprimaient une attention soutenue et un
intérêt marqué. D'ailleurs, affirment les médecins et le personnel, il est à remarquer qu'après
ces auditions le calme le plus complet règne pendant plusieurs jours parmi les aliénées,
même dans la section des agitées. - Si l'on donnait un concert chaque semaine, nous a
déclaré une surveillante, notre besogne serait des plus facile. A sept heures, cette intéressante
fête était terminée, et les pensionnaires regagnaient en riant, mais dans un ordre parfait,
leurs sections respectives."[155] Le Gil Blas fait, lui aussi, le compte-rendu de cettemanifestation. On apprend que seul un des deux jumeaux Lionnet était présent, l'autre étant
malade et que Mme Graindor y a interprété les poèmes de Richepin...[156] De fait, Anatole Lionnet meurt le 16 juillet 1896 [157] et son jumeau le 3 août de la même année . [158] Une anecdote sur la vie "privée" de ces artistes nous est restituée ainsi : " Le joyeux
comique Dailly nous raconte ses occupations estivales dans les lignes suivantes : Villa du
Bon-père-de-famille, Cher Monsieur, Vous m'embarrassez un peu en me demandant
quelques renseignements sur ma villégiature. Hiver comme été, j'habite Courbevoie, vis à
vis de la propriété de M. Maubant. J'ai baptisé ma petite bicoque " Villa du-Bon-Père-de-famille " parce que je n'ai pas d'enfant. J'ai un vaste champ d'herbes dans lequel je me suis
réservé un coin de trois cents mètres où je fais venir choux, pommes de terre, salades,
haricots, petits pois et fruits. Je travaille à tout cela et cela ne me fait pas maigrir. Dans ma
petite habitation, il y a un autre jardin mais " floréal " celui-là. Il est la propriété exclusive
de Mme Dailly, qui adore les fleurs. Le mardi, on fait le "pot au feu" pour les amis. On est
peu (le cercle ne s'agrandit pas), les deux frères Lionnet (!!!), Mme Graindor, une chanteuse
qui a eu de vifs succès, son mari, le compositeur Gustave Michiels. Des fois, des fois, notre
bon René Luguet (ah ! Ces jours-là !)... puis mon vieil ami Courtès - Pierrot, de l'Enfant
Prodigue et l'un des créateurs de l'Assommoir (lui Bec-salé et moi Mes Bottes). Et puis
encore Mme et camarade bade, en ce moment à Luchon, Mme Louis Marie, la maman de
Blanche Marie (notre divette), etc. Les bons "frérots" Lionnet, hélas ! ne nous charmeront
plus, car ils étaient des charmeurs. Anatole chantait ses œuvres ; Hippolyte, quoique ne
voyant presque plus, disait des monologues et faisait des imitations ; trois fois hélas !
Mme Graindor chante du Richepin, M. Michiels l'accompagne au piano, René Luguet dit
aussi quelques unes de ses productions et nous raconte les souvenirs de sa longue et
laborieuse carrière d'artiste. On ne commence le repas qu'après avoir chanté en chœur le
Chant bachique, d'Anatole Lionnet. Le menu : pot-au-feu, poulet, salade. L'os à moelle est
la propriété de Courtès. Quelques fois cependant, mais rarement, nous nous décidons,
Mme Dailly [159] et moi, à entreprendre un petit voyage au bord de la mer. Peut-être irons-nous, ce mois-ci, à Houlgate ! Quand je vous aurai dit que nous avons cinq superbes chiens -
dont l'un m'a été donné par ma camarade Marcelle Lender -, je vous aurai à peu près tout
dit. Pour le moment, je suis absolument libre de tout engagement. En pourparlers, mais rien
de terminé nulle part. Je vous avoue, d'ailleurs, que je ne suis pas fâché de me reposer un
peu. "Rêve" représentations à l'étranger... Et voilà ! J'occupe peu le monde de ma
rondelette personnalité et ne fais que me rendre à votre désir en vous ennuyant de ma prose.
Mes amitiés et mes remerciements. J. Dailly P.-S. : Je suis abonné du Gaulois et, dans le
numéro de dimanche dernier, je lis à propos des obsèques d'Anatole Lionnet ceci : " Des
couronnes avaient été adressées par les hospices de Bicêtre, Salpêtrière, le Bon Bock, et le
comique Dailly. " Permettez-moi de vous dire que " notre " couronne était non du comique
Dailly, mais bien de Mme Dailly et votre serviteur, amis de la maison Lionnet depuis
longtemps. "[160]
[155] Le Petit Parisien, 9 juillet 1896, p. 1. [156] Gil Blas, 9 juillet 1896, p. 1. [157] Paris 9ème, acte n? 791. [158] Paris 9ème, acte n? 837. [159] Mme Dailly est la seconde épouse du comique : Céline Pauline Louise Bévalet, elle aussi artiste
dramatique. [160] Le Gaulois, 23 juillet 1896, p. 4. Il s'agit de Joseph Fran?ois Dailly, qui était un peu en surpoids, diraiton
aujourd'hui? Il meurt à Courbevoie le 28 mars 1897.
Mars 1897 : " Le Théâtre-Mondain donnera, aujourd'hui mercredi, à quatre heures,
une audition des œuvres du compositeur Gustave Michiels, avec le concours de MM. Fugère
et Grivot, de l'Opéra-Comique, Isidore Mache et Kerriou et de Mmes Molé-Trufier, de
l'Opéra-Comique, Tariol-Baugé, du théâtre de l'Eldorado, Marthe Chrétien et Graindor,
créatrices des chansons de Richepin. Cette audition sera précédée d'une causerie par
l'humoriste député-poète Clovis Hugues. Mme Graindor interprètera en outre l'hymne à la
Grèce de M. Clovis Hugues. "[161]
Avril 1897 : " La matinée qui aura lieu le dimanche 4 avril, à deux heures, au théâtre
de la République, au profit des blessés grecs et crétois, ne sera pas seulement une fête de
bienfaisance : ce sera aussi une belle manifestation artistique, si nous en croyons le
programme, dont la composition, non terminée, nous réserve d'ailleurs de nouvelles
surprises. [...] Enfin, ajoutons que le député-poète Clovis Hugues a écrit, pour cette
représentation, un hymne à la Grèce dont la musique a été composée par M. Michiels et qui
sera interprétée par Mme Graindor."[162] La partition de cet hymne à la Grèce a été publiée
dans La Libre Parole . [163]
Mai 1897 : " Des deux pièces nouvelles par lesquelles il voulait corser un très joli
programme de chansons, dites à miracle par MM. Lemercier et Teulet, par Mme Graindor et
par Yvain[164] , le lettré directeur du Carillon, M. Bertrand Millanvoye, n'a pu nous en offrirqu'une... Une seule suffit, pourvu qu'elle soit bonne... Celle-ci est charmante en tout point.
C'est une fantaisie actualité, A la flûte ! De MM. Petit-Mangin et Jules Gidé."[165]
[161] L'Intransigeant, 18 mars 1897, p. 3. [162] ? La Matinée du 4 avril. Pour les blessés grecs et crétois ? dans La Presse, 24 mars 1897, p. 1. [163] 25 avril 1897, p. 1. [164] Cet Yvain n'est pas le compositeur Maurice Yvain né en 1891 (https://fr.wikipedia.org/
wiki/Maurice_Yvain), ni son père, ? artiste musicien ? (Hector Félix Olivier, un virtuose de la trompette).
Acte de mariage à Paris 18ème le 6 juin 1894 (n? 949). Mais plus probablement un troisième Yvain, ? artiste
lyrique ?, à trouver. C'est peut-?tre à la suite de cette collaboration que l'idée d'une certaine ? Yvaine ? est
née dans votre famille? Suivez mon regard. [165] Le Monde Artiste, 2 mai 1897, p. 7.
En mai
donc, elle chante au Carillon dans les chansons de Richepin . " Grandissime succès au 166
théâtre du Carillon : programme exceptionnel. Les chansonniers de Montmartre dans leurs
œuvres, le ténor Yvain, Mmes Graindor et Delmary dans leur répertoire. " Elle poursuit [167] tout le mois de juin et le mois de juillet. Au cours de ce dernier mois, elle participe à une
matinée au bénéfice de la Société des Femmes de France, à Taverny . [168]
En juillet 1898, malgré la mort des frères Lionnet, le concert à Bicêtre a eu lieu et
Graindor faisait encore partie du programme [169] , ainsi que les duettistes Bruet et Rivière . [170] En novembre 1898, " à la Bodinière, à 3 heures, conférence de M. Maurice
Emmanuel " Les conservatoires et l'éducation musical en Allemagne ". - A 4h. 1/2 :
conférence de M. Clovis Hugues sur " l'âme française à travers la chanson ", auditions par
Mme Graindor." [171] Ce même programme est repris par Mme Graindor courant décembre [172] .
Le 7 janvier 1899, Graindor chante les chansons de Richepin au cours d'un dîner
chez le peintre graveur Méaulle . [173]
Le 23 janvier 1899, elle est annoncée (comme créatrice des chansons de Richepin)
pour le concert de la Croix-Rouge de Saintes (Charente) [174]. Le 2 février, le compte-rendu de cette soirée indique : " Mme Graindor a traduit avec une force, une passion, une émotion, un
sentiment des nuances qui ont vivement impressionné l'auditoire les curieuses chansons de
Richepin, d'une si étrange saveur, d'un réalisme si vécu. Les beaux vers du poète, chantés
d'une voix sympathique, chaude, colorée, vibrante, aux intonations profondes et variées, ont
fait passer un frémissement sur la salle, ont empoigné les auditeurs, les ont secoué de longs
frissons. La diction de Mme Graindor, si pleine d'âme et de feu, saisit, est d'une grande
puissance d'effets. Dans un genre tout différent, Mme Graindor a chanté d'exquise façon
une délicieuse chanson 1830, d'une poésie délicate, attendrie et fraîche, d'une douce et saine
philosophie, une de ces romances comme on n'en fait plus, malheureusement, et qu'ont
remplacées nos scies absurdes et nos refrains graveleux de cafés concerts. Mme Graindor a
eu un gros et mérité succès."[175] Elle est annoncée pour le 5 février à l'Harmonie deMonceau-les-Mines, toujours comme créatrice à Paris des chansons de Richepin [176].
[166] L'Evénement, numéros du mois de mai 1897, p. 4. [167] Le Journal, 25 mai 1897, p. 3. [168] Le Figaro, 7 juillet 1897, p. 4. [169] La Fronde, 8 juillet 1898, p. 1. [170] Le Figaro, 10 juillet 1898, p. 5. [171] Le Figaro, 30 novembre 1898, p. 4. [172] Par exemple : L'écho de Paris, 1 décembre 1898, p. 4 ; La Liberté, 18 décembre 1898, p. 3. [173] Le Figaro, 7 janvier 1899, p. 2. [174] La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 23 janvier 1899, p. 3. [175] L'Indépendant de la Charente Inférieure, 2 février 1899, p. 3. [176] Courrier de Saône-et-Loire, 4 février 1899, p. 2.
De Saintes à Monceau-les-Mines, il y a du chemin ! A cette date, Jeanne Graindor a déjà
54 ans... Le samedi 18 mars, elle est annoncée à la société d'harmonie de Chalon [177] . Et fin mars 1899, les auditions de Mme Graindor reprennent à la Bodinière à Paris.[178]
Mai : " Triomphal succès hier, dans la grande salle des Fêtes du Trocadéro, pour le
barde breton Théodore Botrel et sa jeune femme à la troisième et dernière matinée de
Décentralisation artistique organisée par le violoniste Planel. Très applaudis également
Mme Graindor, Mme Planel, les frères Cottin, Mme Lauriane, etc." [179] Le 13 mai, elle chante pour l'Harmonie des Prévoyants de l'Avenir, dans les salons de l'hôtel moderne,
place de la République .[180]
Elle offre sa participation au concert annuel du comité Lionet à l'hospice de la
Salpêtrière, le 18 juin 1899 . [181]
Le 18 juillet, quand décède Saint-Germain, l'artiste dramatique, Graindor, en voisine,
est l'une des première à signer le registre nécrologique à Asnières [182] . Le 28 juillet, elle chante gracieusement pour les convalescentes de l'asile national du Vézinet [183]. " La vaillante artiste qu'est Mme Graindor, à peine remise d'un accident récent et cruel, s'est fait
rappeler dans des chansons de Jean Richepin. "[184]
Novembre 1899 : " Très élégante assistance et très intéressant spectacle à la dernière
soirée donnée par " le Gardénia " au Terminus. [...] Dans l'intermède traditionnel, on a
applaudi, sans exagération, les plus fines diseuses, les plus intéressants artistes, les plus
amusants chansonniers : Odette Dulac, Jacques Ferny, Delmet, Hyspa, Marie Marcilly,
Maria Risarelli, Thérèse Cernay, Mme Graindor, Barral, Chalmin, Matrat, Marie Girard, etc.
Rarement programme fut plus amusant et parut plus court.[185] " Elle participe aussi à desmatinées comme celle-ci : " Au grand Guignol, à quatre heures, matinées lyriques :
Pochard ! Pantomime de M. Max Maurey, musique de M. Rodolphe Berger, La Messe
d'amour, de M. Henry Salomon, musique de M. Marcel Tourrette. Mme Graindor dans son
répertoire."[186] Graindor continue les matinées au Grand Guignol tout le mois de décembre 1899. Le
28 décembre, à l'appel de Charles Fromentin, elle chante à la soirée de réouverture des
Concerts Mondains, à la salle des Agriculteurs de France.[187]
[177] Courrier de Saône-et-Loire, 10 mars 1899, p. 3.
[178] Par exemple : Le Figaro, 25 mars 1899, p. 4.
[179] La Gazette, 9 mai 1899, p. 4.
[180] La Justice, 13 mai 1899, p. 3.
[181] La Presse, 19 juin 1899, p. 3 ; détail de la soirée par Marie-Louise Néron, ? Le concert de la
Salp?trière ? dans La Fronde, 18 juin 1899, p. 1.
[182] L'écho de Paris, 18 juillet 1899, p. 3.
[183] Le Gaulois, 29 juillet 1899, p. 4.
[184] Gil Blas, 2 ao?t 1899, p. 2.
[185] Le constitutionnel, 19 novembre 1899, p. 3.
[186] Le Figaro, 28 novembre 1899, p. 5.
[187] Gil Blas, 28 décembre 1899, p. 2.
1900 : Apparemment, Jeanne reprend aussi des chansons de Thérésa. Elle en chante
certaines à une soirée de souscription destinée à financer l'édition des œuvres du
chansonnier rouennais Acille Basire . [188]
Le nom de Jeanne Graindor, artiste lyrique, apparaît dans la liste des officiers
d'Académie, nommés par ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, publiée au
JO du 15 février 1900[189] . Mais cette nomination ne lui monte pas à la tête puisqu'elle reste
fidèle à la demande du comité Lionnet d'offrir sa participation au concert pour les malades
de Bicêtre . [190]
C'est encore par solidarité qu'elle chante pour les sinistrés de Saint-Ouen fin mars
1900 . [191]
En mai, Jeanne fait face aux vieillards de Bicêtre : " Notre confrère Jean Bernard a
fait, à l'hospice de Bicêtre, dans la salle des conférences, dont le délégué est le dévoué
M. Camailhac, devant les hospitalités de la vieillesse-hommes, une intéressante et spirituelle
causerie, à son ordinaire, sur les chansons de Thérésa. Les auditions ont été données par
>
Mme Graindor, l'admirable artiste, qui a soulevé son auditoire, en interprétant
successivement : "Vive la chanson", "le Bon Gîte", "le Rossignolet", "la Glu", "les Canards tyroliens", "le Chemin du moulin" et "Manette et Manon", dont la musique, pour la plupart de ces œuvres,
est du compositeur Michiels, son mari. On ne saurait dire qui a eu le plus de succès ou de la
conférence ou de l'interprète, ou mieux leur succès à chacune a été considérable." [192 Un]concert, en quelque sorte, improvisé par lui suite lui a encore donné l'occasionne chanter un
des poèmes de Jean Richepin.
Le 25 juin 1900, le comité Lionnet organise un nouveau concert pour l'hospice de
Bicêtre, et Jeanne est encore au rendez-vous .[193]
Le 22 juillet 1900 : Charles Fromentin, organisateur des des concerts du comité
Lionnet fait encore appel à Jeanne pour les vieilles femmes hospitalisées de la Salpêtrière :
" Puis voici Mme Graindor, la vaillante Mme Graindor, qui, avec deux chansons de Jean Richepin, obtient son habituel triomphe".[194]
Septembre 1900 : " A la soirée donnée par Mme Graindor, avant-hier, les œuvres
d'Edouard Mathé ont obtenu un très vif succès. Il est vrai de dire qu'elles furent interprétées
avec autant de de talent que de charme par Mlle Madeleine de Roskilde." [195] Bis repetita en novembre : "Note de musique : le concert organisé par le compositeur Edouard Mathé et le
virtuose L. Fonbonne, de la garde républicaine, a été des plus réussis. Gros succès pour
[188]L'Echo contemporain, 1 janvier 1900, p. 6. [189] Le Peuple Français, 16 février 1900, p. 3 et Journal Officiel de la République Française, 15 février1900, p. 964 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6247703m/f16.item.r=Graindor.langFR.zoom). [190] La Presse, 27 février 1900, p. 4. [191] Journal de Saint-Denis, 25 mars 1900, p. 2.Gil Blas, [192] 23 mai 1900, p. 2. [193] Le Gaulois, 25 juin 900, p. 4.[194] Gil Blas, 22 juillet 1900, p. [195] Le Figaro, 27 septembre 1900, p. 5.
Mme Graindor, Nelly Baissac et pour MM. Gautier, Paumier, Gabriel, Montoya et la toute
jeune pianiste Suzanne Mathé. "[196]
Le 18 décembre, elle participe à une fête de charité organisée par l'union des femmes
de France.[197]
Le 19 décembre 1900 : " Brillant concert organisé par M. Charles Fromentin, à l'asile
des convalescents du Vésinet. Au programme : Mlles Henriette et Jeanne Régnier, de
l'Opéra, avec les danses de la Régence ; Mmes Graindor et Elisabeth Gézane [...]. "[198]
Le 28 décembre 1900 : " Au théâtre d'Antin, à deux heures et demie, matinée
Perducet, les classiques de la chanson : les chansons de Thérésa. Causerie par M. Jean-Bernard. Audition par Mme Graindor. "[199]
Début janvier 1901, nouvelles auditions des chansons de Thérésa au théâtre
d'Antin.[200]
Le 12 janvier, elle contribue au concert donné à l'asile des convalescents de
Vincennes [201]. Elle apporte son concours à diverses soirées.
Le 2 mars 1901, " Salle des fêtes du Journal. Le succès de notre matinée de jeudi a
été complet. L'étincelant conférencier M. Jean Bernard, qui présentait au public l'artiste si
remarquable Mme Graindor, a su charmer l'élégant auditoire par sa causerie pleine
d'érudition et d'esprit. Quant à Mme Graindor, elle a été, dans toutes ses chansons de
Thérésa, admirable de grâce et d'émotion ; sa diction nette et ponctuée a été saluée par
d'enthousiastes applaudissements. Elle était merveilleusement accompagnée au piano par
M. Gustave Michiels qui fut le chef d'orchestre de Thérésa. "[202]
14 mars 1901 : " Dans notre dernier numéro, nous avons annoncé le concert que
donnerons les deux sociétés réunies " le choral et la fanfare municipale " le jeudi 21 courant,
à 8 heures du soir, à la salle des fêtes de la rue de Paris. Nous venons de recevoir le tableau
de composition de personnes qui tiendront le programme de cette soirée. La fête artistique et
musicale promet d'être fort belle ainsi qu'on pourra en juger ci-après : Mmes Dervilly,
professeur de chant ; Graindor, du théâtre de la Bodinière [...]. "[203]
14 avril 1901 : " à Boulogne-sur-Seine, concert musical et littéraire, avec le gracieux
concours de Maurice Bouchor, de Mmes Graindor, Pauline Savari [...]. "[204]
" Un nouveau five o'clock, des plus intéressants, vient d'être donné à la Salpêtrière.
Après un récit dramatique dit par l'organisateur, notre confrère M. Charles Fromentin,
M. Gildès, du Vaudeville, a dit d'amusants monologues, et le chansonnier Jean Bataille s'est
fait applaudir dans les meilleurs morceaux de son répertoire. [... ]. Mme Graindor-Michiels,
la vaillante et grande artiste, a chanté les chansons de Jean Richepin, accompagnées par le
compositeur Michiels. Mlle Faury et M. Bataille ont chanté de ravissants duos anciens. "[205]
[196] L'Echo de Paris, 28 novembre 1900, p. 4.
[197] La Patrie, 18 décembre 1900, p. 3.
[198] L'Echo de Paris, 19 décembre 1900, p. 4.
[199] Le Figaro, 28 décembre 1900, p. 5.
[200] Le Figaro, 6 janvier 1901, p. 4.
[201] Gil Blas, 12 janvier 1901, p. 2.
[202] Le Journal, 2 mars 1901, p. 5.
[203] Journal de Saint-Denis, 14 mars 1901, p. 3.
[204] La Fronde, 13 avril 1901, p. 3.
[205] Gil Blas, 25 avril 1901, p. 4.
Graindor apparaît au Cabaret des noctambules en mai 1901 [206] et encore devant les malades de Bicêtre et de la Salpêtrière [207]. Et encore, dans les chansons de Thérésa, au profit
de la maison de convalescence de Sèvres, organisé par la société de secours aux militaires
coloniaux (la Croix-verte-française) . [208]
Juin 1901 : " C'était fête, mardi, à la Salpêtrière, o% le comité Lionnet donnait son
concert annuel réservé aux aliénées, aux épileptique et autres pensionnaires. Pendant trois
heures d'horloge, les applaudissements enthousiastes de ces malheureuses ont fait fête aux
dévoués artistes."[209] Bien entendu, Graindor en est !
En 1902, Jeanne se fait plus rare. Mais on la retrouve en matinée à la salle des grands
concerts (60 rue Saint-Didier) . En mai, " L'œuvre des concerts donnait le 3 mai à l'hôpital [210] de la Salpêtrière une matinée musicale et littéraire à laquelle prenaient part Mmes MilyMeyer, Graindor [...]. "[211]
" Intéressante matinée-concert donnée mercredi à l'Institut des Arts au bénéfice de
l'œuvre des concerts, dirigée par notre confrère Charles Fromentin."[212] Comme de bienentendu, Mme Graindor est au programme.
Avec la fidélité que ces témoignages récurrents trahissent, Jeanne Graindor continue
d'apporter son concours à la fête annuelle offerte aux pensionnaires de la Salpêtrière par le
comité Lionnet . [213] Fin juin, " La Société des concerts classiques de la chanson française donnera ce soir
samedi, au casino d'Enghien, une grande soirée de Gala au bénéfice de l'œuvre si
charmante de la Chanson française, qui a pour but d'appendre aux employées et ouvrières
parisiennes de bonnes et saines chansons. Au programme sont : Jean Lassalle, de l'Opéra ;
Paul Mounet, de la Comédie-Française ; Soulacroix, de l'Opéra-Comique ; Gabriel Pierné,
Landry, Villard ; Mmes Mily-Meyer, Graindor, Villé-Dora, Danville, Rolla, de Risoor, etc...,
et un groupe de quatre-vingts ouvrières parisiennes qui chanteront sous la direction de leur
maître G. Lassalle. "[214].
[206] La Patrie, 3 mai 1901, p. 3.
[207] Le Figaro, 20 mai 1901, p. 4.
[208] L'Echo de Paris, 28 mai 1901, p. 2.
[209] Le Figaro, 28 juin 1901, p. 5.
[210] L'Echo de Paris, 21 avril 1902, p. 5.
[211] La politique coloniale, 5 mai 1902, p. 2.
[212] La nation, 16 mai 1902, p. 1.
[213] Le Petit Bleu de Paris, 15 juin 1902, p. 2.
[214] Le Rappel, 29 juin 1902, p. 3.
Le 24 décembre 1902 : dans la salle des frères Lionnet à la Salpêtrière . [215]
Dans un article sur les étoiles éteintes, le Gil Blas évoque Mme Graindor qui " fait des
tournées, et les artistes qui l'accompagnent admirent encore sa merveilleuse diction et la
finesse avec laquelle elle sait détailler le couplet. "[216]
En mai 1903, concert annuel de la Salpêtrière, par le comité Lionnet [217] , puis en juin,le concert de Bicêtre[218] . Fin juin, " le concert qui suivra la distribution des prix de
l'Association Philotechnique, au Trocadéro, promet d'être très brillant, car on y applaudira :
Mlle Gril, de l'Opéra-Comique ; Mme Blanche Huguet, du Théâtre-Lyrique, revenue parmi
nous cette semaine ; Mmes Graindor, Nancy Vernet [...]. "[219]
En mai 1904, Mme Graindor fait partie de la liste des artistes assurant les intermèdes
au cours de la matinée donnée à l'Athénée au bénéfice du dessinateur Japhet . [220]
En avril 1905 : " Le Soutien fraternel des P.T.T. Très belle fête, hier soir, donnée au
profit du Soutien fraternel des sous-agents des postes et télégraphes. [...] Un magnifique
concert, dû à l'organisation du violoniste L. Planel, qui a remporté un double succès de
virtuose et de compositeur, a obtenu un très grand succès, et l'élégant public a manifesté son
contentement en applaudissant avec frénésie Mmes Mellot-Joubert, Courtois, Tékley-Planel,
Valentine Page, Graindor, l'éminent compositeur M. Emile Plassard, MM. Joubert, Michiels,
Perducet, Pers, Lagrange, Vidal et l'Orchestre symphonique des postes et télégraphes. Un
superbe bal a terminé cette brillante fête."[221]
Septembre 1905 : " Ce soir samedi 23, aura lieu dans la salle de théâtre du Spa
Français, au Pecq, une grande soirée donnée par le célèbre maître hypnotiseur Pickman, et
demain dimanche 24, grande matinée musicale à 4 heures, avec le concours de
Mmes Lucienne Guett, Berthe Sylvain, Mazeille, Tékley-Planel, Jeanne Graindor, Clément-Comettant, et de MM. L. Panel, Georges Harlé, Jean Jacquinet, G. Michiels, etc., etc. "[222]
[215] Express, 24 décembre 1902, p. 5.
[216] Gil Blas, 4 octobre 1902, p. 1.
[217] Le Gaulois, 31 mai 1903, p. 3.
[218] Journal des débats politiques et littéraires, 10 juin 1903, p. 3.
[219] Le Petit Bleu de Paris, 28 juin 1903, p. 4.
[220] Le Petit Bleu de Paris, 31 mai 1904, p. 3.
[221] Le Radical, 5 avril 1905, p. 3.
[222] Le Journal, 23 septembre 1905, p. 1.
Octobre 1905 : " C'est demain samedi 14 octobre que doit avoir lieu, au gymnase
municipal d'Asnières, la représentation organisée au bénéfice d'un homme de lettres, par
M. L. Castelli, du théâtre Molière, sous la présidence d'honneur de M. Fontaine, maire, avec
le gracieux concours de M. et Mme Silvain de la Comédie-Française, Mlle Polaire, le
compositeur Mathé, Mmes Graindor et Alice Bonheur, M. Regnard, le professeur Dickson,
etc. Programme illustré par Villette er Lemot."[223]
Au théâtre de Troyes, le programme de la fête des prévoyants, le 11 février 1905, met
Mme Graindor, de l'Eldorado, au programme [224].
En 1906, le 12 février, Jeanne et son époux perdent leur fille aînée Julia, âgée de
37 ans. Les obsèques sont célébrées dans la plus stricte intimité . [225]
Le 2 novembre 1906, Mme Graindor est présente et chante à un dîner de Xavier
Privas . [226]
Le 13 juin 1907, grande soirée de gala au profit des artistes lyriques, organisée au
théâtre Sarah Bernhardt, par Yvette Guilbert. Cette dernière s'est adressée à la Société de
Secours Mutuel des Artistes Lyriques. Bien entendu, Mme Graindor est de la
partie . [227]
1908 : " Le 10 septembre prochain une grande soirée au bénéfice de la caisse de
secours immédiats de l'U.S.M.A.L. sera donnée au concert du XXème siècle. Au
programme Mme Graindor, la célèbre Mme Graindor et nombreuses vedettes
syndiquées. Nous en reparlerons. " Hélas, elle n'a finalement pas pu y participer : [228] " Mme Graindor au dernier moment s'était fait excuser avec cette politesse exquise que
chérissaient nos pères. "[229]
Le Mistral du 15 septembre 1909, fait une remarque intéressante sur l'évolution du
café concert depuis les débuts de Mme Graindor : " Les chanteuses d'il y a vingt ans, les
Thérésa, les Graindor, etc. se seraient cru déshonorées de donner au public les inepties qu'on
ne craint point de lui offrir aujourd'hui. Il est vrai que, dans ces temps-là, les artistes
respectaient le public et que le public leur rendait cette estime. "[230]
En juillet 1911, Jeanne Graindor reçoit, juste avant la mort de son mari, la rosette
d'officier de l'instruction publique ; elle a 66 ans : " Mme Graindor-Michiels, femme du
compositeur des Czardas, vient de recevoir la rosette d'officier de l'instruction publique.
C'est le couronnement d'une belle et noble carrière d'artiste. Créatrice de nombreuses
chansons devenues populaires, et aussi des chansons de M. Jean Richepin, maintes fois
applaudies au théâtre, Mme Graindor-Michiels a, pendant trente ans, prêté son concours à
toutes les œuvres de bienfaisance et l'on ne saurait trop applaudir à la distinction qui lui est
décernée. "[231]
[223] Le Figaro, 13 octobre 1905, p. 4. [224] La Tribune de l'Aube, 5 février 1906, p. 3.
[225] Le Figaro, 17 février 1906, p. 5.
[226] L'Eclair, 2 novembre 1906, p. 3.
[227] Le Courrier Fran?ais, 2 mai 1907, p. 2.
[228] L'artiste lyrique : organe de l'Union Syndicale et Mutuelle des Artistes Lyriques, 1 juillet 1908, p. 6.
[229] L'artiste lyrique : organe de l'Union Syndicale et Mutuelle des Artistes Lyriques, 1 septembre 1908, p. 9.
[230] Le Mistral, 15 septembre 1909, p. 1.
[231] L. de Crémone, ? Courrier musical ? dans Le Figaro, 4 juillet 1911, p. 7.
Le 25 novembre 1911, plusieurs revues font part de la mort de Michiels. " Une
dépêche de Bruxelles annonce la mort de M. G. Michiels, bien connu comme chef
d'orchestre des music-halls les plus réputés et compositeur de musique légère. Après avoir
fait au conservatoire de Bruxelles d'excellentes études, il fut longtemps chef d'orchestre, il
opta pour le théâtre gai. Il fut longtemps chef d'orchestre aux Galeries-Saint-Hubert, alla
conduire en Amérique, et à son retour se fit une réputation à Paris par nombre de chansons,
petits opéras-comiques et opérettes, ballets-pantomimes et airs de danse. Plusieurs de ses
chansons sont devenues populaires ; non seulement le fameux Tararaboum di hé, par lui
rapporté d'Amérique, mais "Le Bon Gîte", chanté par Thérésa, etc. G. Michiels avait épousé
Mme Graindor, qui a eu de vifs succès au café-concert." [232]
Mme Graindor n'apparaît plus alors dans la presse, pas même à son décès, qui arrive
juste après-guerre. En effet, elle meurt le 16 mars 1919 à la maison de Nanterre, où elle était
arrivée le 18 septembre précédent depuis l'hôpital saint-Antoine. Elle fut inhumée à
Nanterre.
Concert des familles à St Petersbourg longuement décrit ici.
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